12eme dimanche du temps ordinaire

Auteur: Raphaël Devillers
Date de rédaction: 21/06/15
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B

LA FOI, UNE TRAVERSEE PEU TRANQUILLE

Marc n’est pas un reporter qui rapporte l’actualité au jour le jour et s’extasie sur les exploits d’un superman capable d’apaiser une tempête. Car Jésus n’est pas un magicien qui accomplit des prodiges pour épater la galerie et forcer l’adhésion des cœurs.

Marc n’est pas non plus un historien moderne qui, après enquête minutieuse, tente de dresser une reconstitution précise d’un événement passé avec tous les détails : date de l’événement, description des personnages, climat... Car il ne s’agit pas pour lui de plonger ses lecteurs dans un passé révolu mais tout au contraire de leur montrer comment cet événement les rejoint dans leur aujourd’hui.

Donc pas de scoop sensationnel ni de longue description mais un récit très bref qui nous dit l’essentiel, ce qui nous fait croire et progresser dans la foi.

Toute la journée, Jésus avait parlé à la foule en paraboles. Le soir venu, il dit à ses disciples : « Passons sur l’autre rive. » Quittant la foule, ils emmenèrent Jésus, comme il était, dans la barque, et d’autres barques l’accompagnaient.

Survient une violente tempête. Les vagues se jetaient sur la barque, si bien que déjà elle se remplissait. Lui dormait sur le coussin à l’arrière. Les disciples le réveillent et lui disent : « Maître, nous sommes perdus ; cela ne te fait rien ? »

Réveillé, il menaça le vent et dit à la mer : « Silence, tais-toi ! » Le vent tomba, et il se fit un grand calme. Jésus leur dit : « Pourquoi êtes-vous si craintifs ? N’avez-vous pas encore la foi ? »

Saisis d’une grande crainte, ils se disaient entre eux : « Qui est-il donc, celui-ci, pour que même le vent et la mer lui obéissent ? »

Quelle est l’actualité de ce récit pour nous ?

Auparavant Marc a rapporté la proclamation de la Bonne Nouvelle : les paraboles nous ont montré comment Dieu venait effectivement établir son règne de douceur et de paix dans les cœurs qui acceptaient de l’accueillir.

Ce bonheur ne peut être conservé dans le coffre des convictions privées ni dans un petit groupe de croyants enfermés sur eux-mêmes : l’Evangile est la clef qui ouvre à l’humanité la porte de la justice et de la paix donc il doit être proclamé, annoncé aux autres. Il nous faut « passer sur l’autre rive » c.à.d. sortir de notre nationalisme, de notre pré carré, de notre enfermement afin de rejoindre les autres, les multitudes immenses qui ne connaissent pas le Christ.

L’Eglise – symbolisée par la barque de Pierre – prend le cap vers d’autres destinations, elle s’élance à la rencontre amicale des autres, impatiente de leur présenter son trésor.

Or chaque fois que l’Eglise sort d’elle-même pour rejoindre les périphéries, comme dit notre pape François, elle rencontre des obstacles. Tant qu’elle était un club de gentils pratiquants qui ronronnaient de piété douceâtre et inoffensive, elle était tranquille car elle ne gênait personne. Mais dès qu’elle manifeste le désir d’apporter l’Evangile, des forces hostiles se lèvent et se déchaînent pour l’arrêter dans son entreprise. Car le monde sait que l’Evangile combat l’idolâtrie, débusque les mensonges, et même lutte contre le pharisaïsme religieux et le culte hypocrite – comme Jésus a osé le faire lui-même.

Aussi la tempête éclate, l’opposition se manifeste de plus en plus dure et les chrétiens embarqués dans l’entreprise missionnaire se voient en butte à une critique virulente. Et même, pire encore, il arrive que des disputes éclatent dans la barque : au lieu d’être une communauté unie dans le même projet, l’Eglise qui voulait apporter la paix aux autres s’aperçoit qu’elle-même n’arrive pas à préserver cette paix dans ses rangs. La tempête se lève en son sein, les tempéraments se dressent les uns contre les autres, les injures fusent, les dissensions déchirent les chrétiens.

L’évangélisation n’est et ne sera jamais une entreprise qu’il suffit d’organiser proprement, en gérant au mieux les ressources humaines : le mât de la barque « Eglise » aura toujours la forme d’une croix.

LA TEMPETE APAISEE ET PAQUES

La pire tempête, que celle-ci prophétise, éclatera à la fin de l’Evangile. Lorsque Jésus sera arrêté, condamné et exécuté au Golgotha, ses disciples étaient écrasés, comme anéantis. La Bonne Nouvelle semblait anéantie et la communauté faisait naufrage. L’échec semblait total.

La mission doit passer par la croix, la stupeur, l’écrasement et le silence du samedi-saint.

C’est alors que Jésus « se réveille »(le mot employé ici est celui qui sera utilisé pour le Ressuscité). Celui qui gisait mort dans la tombe se dresse debout. Celui qui n’était qu’un rabbi, un « maître » se révèle SEIGNEUR et sa Parole n’est plus seulement un enseignement religieux ou moral mais une Force capable de calmer les orages, de faire taire les disputes, de chasser les peurs.

NOS TEMPETES

« Pourquoi n’avez-vous pas encore la foi ? » nous dit-il. Oui, vous vous disiez chrétiens, vous étiez catéchisés, vous récitiez votre « credo », vous pratiquiez le dimanche comme des paroissiens polis et bien élevés. Mais vous n’aviez pas une confiance totale en Moi, vous n’aviez pas compris le mystère de la « pâque » que l’eucharistie cependant vous apprenait. La tempête et la nuit de l’épreuve semblent prouver l’absence, la mort de Dieu mais c’est par la nuit que s’ouvre une aurore nouvelle.

« QUI EST CELUI-CI ? ». La question traverse tous les évangiles et elle continue à recevoir toutes sortes de réponses. Jésus reste mystère. Mais en affrontant les tempêtes, en traversant les nuits de la foi, l’Eglise peu à peu le découvre. Non comme quelqu’un qui lui apporte toujours succès et réussite mais comme son SEIGNEUR.

Alors ayant vu couler toutes ses illusions, ses bagages inutiles, ses idées trop humaines, purifiée par l’épreuve, sortie de l’abîme, l’Eglise peut accoster à d’autres rivages et rencontrer d’autres hommes – ce que Marc racontera ensuite (Mais ce texte ne sera pas lu en liturgie) 

En faisant retentir la Parole de son Seigneur, elle ne leur impose pas ses convictions, ne déclenche aucune croisade, ne fulmine aucun anathème ; elle exorcise l’homme tordu par la violence, elle calme les hurlements, propose la douceur et la paix.

Il ne nous sera pas demandé si nous croyons que Jésus a calmé la tempête survenue à tel jour telle heure, sur le lac de Galilée, mais « as-tu eu assez confiance en lui pour poursuivre ta route, convaincu que les forces du mal ne l’emporteront jamais ? Es-tu resté membre de l’équipage où les disputes sont guéries par la réconciliation ? Gardes-tu le désir de porter l’Evangile plus loin, de rendre ta paroisse plus missionnaire ? Les malheurs te font-ils appeler le Seigneur ?... »