CROIRE ET GUERIR
L’évangile de ce jour est très long : en voici le résumé.
Après son incursion en pays païen, Jésus revient en Galilée où il est reçu avec chaleur. Tout à coup Jaïre, un chef de synagogue se jette à ses pieds et le prie de venir vite chez lui car sa petite fille va très mal.
Jésus accepte et le suit mais tandis qu’il se faufile à travers la foule, une femme souffrant d’hémorragies – donc impure pour le droit juif et interdite de contacts - se glisse près de lui pour toucher son vêtement et aussitôt elle est guérie. Ayant perçu ce contact, Jésus la somme de se révéler et doucement la renvoie : « Ma fille, ta foi t’a sauvée. Va en paix et sois guérie de ton mal. »
Alors qu’il s’approche de la maison, des serviteurs annoncent à Jaïre que la petite est morte et donc que la venue de Jésus est inutile. Mais celui-ci rassure le père : « Ne crains pas : crois ». Il entre, fait sortir la foule et accompagné seulement de Pierre, Jacques et Jean et des parents, il pénètre dans la chambre, saisit la main de la petite et dit dans sa langue : « Talitha koum » c.à.d. « Lève-toi ». L’enfant de 12 ans se lève et se met à marcher – ce qui provoque l’extrême stupeur des gens. Cependant Jésus leur interdit de divulguer cette action et il invite à donner à manger à la gamine.
LES DOUTES SUR LES MIRACLES
Les récits de miracles occupent une grande place dans l’évangile de Marc : or si jadis ils confortaient la foi, ils posent beaucoup d’interrogations aux esprits modernes. Jésus avait sans nul doute raison d’interdire à ses bénéficiaires de les divulguer : pour trois motifs.
D’une part un récit ne fournit pas la preuve de la réalité du fait qu’il rapporte : l’un y croit parce que c’est écrit dans l’évangile, l’autre reste sceptique devant un fait qui lui paraît impossible. Evénement authentique ou légende ? Il arrive que le débat s’échauffe si bien que le récit n’est plus une bonne nouvelle de paix mais devient cause de discorde sans fin. Le problème est insoluble tant que l’on demeure à ce niveau. D’ailleurs Marc ne s’échine jamais à multiplier tous les détails des événements qu’il rapporte pour fournir les preuves et convaincre ses lecteurs de leur authenticité.
D’autre part les scribes, grands enseignants du peuple, et les pharisiens de stricte observance étaient très méfiants vis-à-vis des prodiges et des dérives possibles dans la sorcellerie ou une fausse mystique : la foi devait rester application pratique et régulière de tous les préceptes de la Loi. C’est pourquoi d’ailleurs, très vite, après un temps d’observation de ce Jésus qui opérait des miracles mais semblait remettre en cause des observances comme le shabbat, ils l’accusèrent d’avoir fait un pacte avec le diable : « Il a Belzébul en lui…C’est par le chef des démons qu’il chasse les démons » (3, 22). Par ses guérisons spectaculaires, Jésus savait qu’il ne pouvait qu’exacerber leur méfiance puis leur haine.
Enfin et surtout Jésus craignait qu’on le prenne pour un guérisseur extraordinaire semant des prodiges pour susciter l’enthousiasme populaire, un messie tout-puissant entraînant derrière lui des foules exaltées. C’est pourquoi il ordonnait aux gens guéris de ne pas en parler. En vain évidemment !
La mission essentielle de Jésus, et dont il ne déviera jamais a été notée dès le début : « Il proclamait l’Evangile de Dieu et disait : Le temps est accompli et le Règne de Dieu s’est approché. Convertissez-vous et croyez à l’Evangile » (1, 14) Jésus vient fonder une communauté humaine telle que Dieu la veut pour son bonheur. Il en lance la nouvelle par la parole : il ne l’impose ni par la force des armes, ni par la ruse de la diplomatie ni par la fascination du merveilleux. Tout auditeur est appelé librement à croire en cette Bonne Nouvelle et à s’y engager en changeant radicalement sa manière de penser et de vivre.
Aussi c’est le cœur que Jésus veut guérir des plus dangereuses maladies qui s’appellent jalousie, égoïsme, colère, haine, racisme, cupidité…afin d’y faire éclore l’amour de Dieu et des hommes.
C’est précisément dans cette intention qu’il opère guérisons et exorcismes. Car que serait un amour cantonné dans des croyances abstraites, des prières bavardes, des échafaudages théologiques et un culte inefficace ? L’annonce du Royaume de Dieu doit rejoindre l’homme dans son être réel, sa réalité corporelle. Il arrive que notre charité soit indolente, paresseuse, myope, fatiguée…mais elle ne peut certainement pas demeurer désincarnée.
CROIRE NON AUX MIRACLES MAIS EN JESUS
Les récits de miracles ne nous laissent donc pas au niveau des débats historiques ni d’un émerveillement superficiel : ils nous montrent des gens qui croient et qui nous apprennent à croire comme eux.
Jaïre croit que Jésus peut guérir son enfant, si grave soit son état, et il l’appelle à entrer dans sa maison…au risque de se mettre à dos ses confrères, chefs de synagogue et pharisiens.
La femme dépasse sa peur, son état d’impureté rituelle qui lui interdisait tout contact avec autrui et elle ose venir effleurer la personnalité de Jésus (son manteau). La Loi lui enseignait qu’elle contaminerait tout homme qu’elle toucherait : sa foi lui souffle que Jésus est plus fort que la souillure et que sa bonté lui rendra la pureté.
Enfin Jaïre, prêt à s’effondrer dans le deuil et le désespoir à la mort de son enfant, est appelé à croire que, par Jésus, la vie peut pénétrer dans le lieu où la mort semble toute-puissante.
« Crois ! … Ta foi t’a sauvée (et pas seulement « guérie »)…Ne crains pas : crois… (non pas « Sache »)
Chaque page d’évangile est un appel à la liberté du lecteur. Qui est ce Jésus ? Un homme que l’on admire ? que l’on soupçonne ? …Ou à qui on demande sa propre guérison ?
MIRACLES AUJOURD’HUI
Il importe toujours de rappeler que Jésus n’incite jamais à la résignation, au fatalisme : ses « miracles » ne sont pas des tours de passe-passe pour épater la galerie et s’attirer les applaudissements mais ils sont, tous, des actes de bienveillance, de compassion. La souffrance n’est pas d’abord un destin à supporter mais un mal à combattre. Jésus soulage ses frères sous la croix avant de porter la sienne.
Quel est notre rapport aux malades ? La paroisse est-elle organisée afin de ne pas laisser seuls les frères souffrants, les parents en deuil (comme Jaïre), les personnes jugées impures (comme la femme) ? Des groupes de « visiteurs de malades » existent : ils sont à multiplier.
Entendre à l’Eucharistie les mots de Jésus « Ceci est mon corps…ceci est mon sang » est un appel permanent à entendre les cris étouffés derrière les murs de maisons, des hôpitaux, des maisons de retraite : « Ceci est mon corps qui se tord de douleur…Ceci est mon sang qui coule sous les blessures…Je suis seul et personne ne vient me voir …Ceci est le corps mort de mon enfant »
Les guérisons subites et extraordinaires sont rares mais le monde incroyant attend de voir « les miracles de générosité, les merveilles de dévouement » dont les croyants sont capables.
« Vous êtes la lumière du monde…que votre lumière brille aux yeux des hommes pour qu’en voyant vos bonnes actions, ils rendent gloire à votre Père qui est aux cieux » (Matth 5, 14-16)
CROIRE ET GUERIR
L’évangile de ce jour est très long : en voici le résumé.
Après son incursion en pays païen, Jésus revient en Galilée où il est reçu avec chaleur. Tout à coup Jaïre, un chef de synagogue se jette à ses pieds et le prie de venir vite chez lui car sa petite fille va très mal.
Jésus accepte et le suit mais tandis qu’il se faufile à travers la foule, une femme souffrant d’hémorragies – donc impure pour le droit juif et interdite de contacts - se glisse près de lui pour toucher son vêtement et aussitôt elle est guérie. Ayant perçu ce contact, Jésus la somme de se révéler et doucement la renvoie : « Ma fille, ta foi t’a sauvée. Va en paix et sois guérie de ton mal. »
Alors qu’il s’approche de la maison, des serviteurs annoncent à Jaïre que la petite est morte et donc que la venue de Jésus est inutile. Mais celui-ci rassure le père : « Ne crains pas : crois ». Il entre, fait sortir la foule et accompagné seulement de Pierre, Jacques et Jean et des parents, il pénètre dans la chambre, saisit la main de la petite et dit dans sa langue : « Talitha koum » c.à.d. « Lève-toi ». L’enfant de 12 ans se lève et se met à marcher – ce qui provoque l’extrême stupeur des gens. Cependant Jésus leur interdit de divulguer cette action et il invite à donner à manger à la gamine.
LES DOUTES SUR LES MIRACLES
Les récits de miracles occupent une grande place dans l’évangile de Marc : or si jadis ils confortaient la foi, ils posent beaucoup d’interrogations aux esprits modernes. Jésus avait sans nul doute raison d’interdire à ses bénéficiaires de les divulguer : pour trois motifs.
D’une part un récit ne fournit pas la preuve de la réalité du fait qu’il rapporte : l’un y croit parce que c’est écrit dans l’évangile, l’autre reste sceptique devant un fait qui lui paraît impossible. Evénement authentique ou légende ? Il arrive que le débat s’échauffe si bien que le récit n’est plus une bonne nouvelle de paix mais devient cause de discorde sans fin. Le problème est insoluble tant que l’on demeure à ce niveau. D’ailleurs Marc ne s’échine jamais à multiplier tous les détails des événements qu’il rapporte pour fournir les preuves et convaincre ses lecteurs de leur authenticité.
D’autre part les scribes, grands enseignants du peuple, et les pharisiens de stricte observance étaient très méfiants vis-à-vis des prodiges et des dérives possibles dans la sorcellerie ou une fausse mystique : la foi devait rester application pratique et régulière de tous les préceptes de la Loi. C’est pourquoi d’ailleurs, très vite, après un temps d’observation de ce Jésus qui opérait des miracles mais semblait remettre en cause des observances comme le shabbat, ils l’accusèrent d’avoir fait un pacte avec le diable : « Il a Belzébul en lui…C’est par le chef des démons qu’il chasse les démons » (3, 22). Par ses guérisons spectaculaires, Jésus savait qu’il ne pouvait qu’exacerber leur méfiance puis leur haine.
Enfin et surtout Jésus craignait qu’on le prenne pour un guérisseur extraordinaire semant des prodiges pour susciter l’enthousiasme populaire, un messie tout-puissant entraînant derrière lui des foules exaltées. C’est pourquoi il ordonnait aux gens guéris de ne pas en parler. En vain évidemment !
La mission essentielle de Jésus, et dont il ne déviera jamais a été notée dès le début : « Il proclamait l’Evangile de Dieu et disait : Le temps est accompli et le Règne de Dieu s’est approché. Convertissez-vous et croyez à l’Evangile » (1, 14) Jésus vient fonder une communauté humaine telle que Dieu la veut pour son bonheur. Il en lance la nouvelle par la parole : il ne l’impose ni par la force des armes, ni par la ruse de la diplomatie ni par la fascination du merveilleux. Tout auditeur est appelé librement à croire en cette Bonne Nouvelle et à s’y engager en changeant radicalement sa manière de penser et de vivre.
Aussi c’est le cœur que Jésus veut guérir des plus dangereuses maladies qui s’appellent jalousie, égoïsme, colère, haine, racisme, cupidité…afin d’y faire éclore l’amour de Dieu et des hommes.
C’est précisément dans cette intention qu’il opère guérisons et exorcismes. Car que serait un amour cantonné dans des croyances abstraites, des prières bavardes, des échafaudages théologiques et un culte inefficace ? L’annonce du Royaume de Dieu doit rejoindre l’homme dans son être réel, sa réalité corporelle. Il arrive que notre charité soit indolente, paresseuse, myope, fatiguée…mais elle ne peut certainement pas demeurer désincarnée.
CROIRE NON AUX MIRACLES MAIS EN JESUS
Les récits de miracles ne nous laissent donc pas au niveau des débats historiques ni d’un émerveillement superficiel : ils nous montrent des gens qui croient et qui nous apprennent à croire comme eux.
Jaïre croit que Jésus peut guérir son enfant, si grave soit son état, et il l’appelle à entrer dans sa maison…au risque de se mettre à dos ses confrères, chefs de synagogue et pharisiens.
La femme dépasse sa peur, son état d’impureté rituelle qui lui interdisait tout contact avec autrui et elle ose venir effleurer la personnalité de Jésus (son manteau). La Loi lui enseignait qu’elle contaminerait tout homme qu’elle toucherait : sa foi lui souffle que Jésus est plus fort que la souillure et que sa bonté lui rendra la pureté.
Enfin Jaïre, prêt à s’effondrer dans le deuil et le désespoir à la mort de son enfant, est appelé à croire que, par Jésus, la vie peut pénétrer dans le lieu où la mort semble toute-puissante.
« Crois ! … Ta foi t’a sauvée (et pas seulement « guérie »)…Ne crains pas : crois… (non pas « Sache »)
Chaque page d’évangile est un appel à la liberté du lecteur. Qui est ce Jésus ? Un homme que l’on admire ? que l’on soupçonne ? …Ou à qui on demande sa propre guérison ?
MIRACLES AUJOURD’HUI
Il importe toujours de rappeler que Jésus n’incite jamais à la résignation, au fatalisme : ses « miracles » ne sont pas des tours de passe-passe pour épater la galerie et s’attirer les applaudissements mais ils sont, tous, des actes de bienveillance, de compassion. La souffrance n’est pas d’abord un destin à supporter mais un mal à combattre. Jésus soulage ses frères sous la croix avant de porter la sienne.
Quel est notre rapport aux malades ? La paroisse est-elle organisée afin de ne pas laisser seuls les frères souffrants, les parents en deuil (comme Jaïre), les personnes jugées impures (comme la femme) ? Des groupes de « visiteurs de malades » existent : ils sont à multiplier.
Entendre à l’Eucharistie les mots de Jésus « Ceci est mon corps…ceci est mon sang » est un appel permanent à entendre les cris étouffés derrière les murs de maisons, des hôpitaux, des maisons de retraite : « Ceci est mon corps qui se tord de douleur…Ceci est mon sang qui coule sous les blessures…Je suis seul et personne ne vient me voir …Ceci est le corps mort de mon enfant »
Les guérisons subites et extraordinaires sont rares mais le monde incroyant attend de voir « les miracles de générosité, les merveilles de dévouement » dont les croyants sont capables
« Vous êtes la lumière du monde…que votre lumière brille aux yeux des hommes pour qu’en voyant vos bonnes actions, ils rendent gloire à votre Père qui est aux cieux » (Matth 5, 14-16)