13eme dimanche du temps ordinaire

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 28/06/15
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B

« Dieu n’a pas fait la mort » : cette phrase toute simple prend un relief tout particulier ces jours-ci, après les terribles attentats qui ont ensanglanté les plages de Tunisie. « Dieu n’a pas fait la mort ». Et pourtant il y a des hommes, qui au nom de Dieu donnent la mort. Et cela pose tout d’abord à chacun d’entre nous cette question : peut-on aimer Dieu au point de vouloir la mort de son voisin ? Certes, non ! Et pourtant, dans notre histoire de l’Occident, des hommes ont porté le glaive ou l’épée dans le cœur de leur voisin au nom du Dieu des chrétiens. Ce fut le cas pendant les croisades et pendant les guerres de religion. Et pendant les deux grandes guerres mondiales, chacun priait son Dieu pour lui donner la victoire et la destruction de l’ennemi. Tout cela nous permet de constater simplement ceci : c’est, quand on aime Dieu au point de haïr son frère, on peut être sûr que ce n’est pas Dieu qu’on aime. Quand on aime Dieu au point de haïr son frère, c’est que l’on cherche le pouvoir, qu’on veut le dominer, l’écraser, le détruire. C’est l’instinct de domination qui nous emporte, et pas le désir de l’aimer comme enfant de Dieu.

            Et c’est cette conception révolutionnaire de Dieu que l’auteur du livre de la Sagesse a voulu offrir à ses contemporains. Car la première lecture est tirée du livre de la Sagesse. Un des derniers livres de l’Ancien Testament. La preuve, c’est qu’il écrit non pas en hébreu, mais en grec. Son auteur est probablement un riche juif d’Alexandrie. Dans cette grande ville portuaire du nord de l’Egypte, par où passe tout le grain récolté le long du Nil, une haute bourgeoise commerçante s’est développée. On y parle grec, on y lit les philosophes, on y discute de la vie et de la mort. Et voilà que ce juif vient dire que la mort n’est pas une création divine. Cela a dû étonner ses contemporains car, pour les Grecs comme pour les Romains, la vie est un accident. C’est par hasard que la vie a surgi sur terre. C’est par malheur que les hommes ont un corps et une existence terrestre car, au départ, il y avait des étincelles divines, des étincelles intellectuelles, et ces étincelles sont tombées dans le corps humain, dans la matière condamnée à pourrir et à périr.

            Bien plus, l’auteur du livre de la Sagesse s’adresse à des commerçants qui pratiquent une concurrence féroce. Pour eux, comme pour beaucoup d’entre nous, il faut grandir ou mourir, il faut se développer encore et toujours, ou bien sombrer dans la faillite. Le monde antique ne connaît pas la pitié. Il ne connaît que le succès. Il faut manger pour ne pas être dévoré, il faut détruire pour survivre. Et c’est là que se pose toute la question de ce que nous avons reçu. La vie que nous avons reçue, nous pouvons plus facilement la détruire que la préserver. La santé que nous avons reçue, nous pouvons plus facilement la détruire que la préserver. L’amour que nous avons reçu, nous pouvons plus facilement le détruire que le faire grandir. Et c’est là toute l’horreur de l’histoire de l’humanité. Les êtres humains ont broyé dans leurs mains les cadeaux que Dieu leur a donnés. Comme un enfant gâté et jamais content, l’humanité a souvent préféré inventer des engins de mort que des paroles de vie. et c’est là tout le problème qui se pose à chacun d’entre nous : est-ce que nous semons des paroles de vie ou des paroles de mort ? Est-ce que nous apportons des paroles de résurrection ou des paroles de destruction ?

            Et c’est là qu’apparaît alors dans toute sa splendeur l’amour de Dieu pour chacun d’entre nous. Non seulement il nous a apporté la vie, mais il nous a aussi donné l’amour. Il n’a pas voulu nous laisser seuls dans un monde dur et agressif. Il nous a apporté son Fils qui nous donne, qui nous redonne la vie. Car cette pauvre femme qui perd son sang depuis tant d’années, n’est-elle pas l’image de toutes nos illusions qui s’enfuient peu à peu au fil des ans et des déceptions ? Et cette fillette qui meurt si jeune, n’est-elle pas l’image de notre innocence pervertie par la cruauté de la vie professionnelle ?

            Et c’est la surprise : Jésus sent qu’on l’a touché. Il est là, dans ces ruelles étroites d’une petite ville, où tout le monde se bouscule et essaie d’avancer. Et il sent que quelqu’un l’a touché. Dieu est sensible aux belles prières, aux prières pures qui s’approchent de lui avec une confiance tout enfantine. Et Jésus se retourne et Jésus sauve.

            Redécouvrons avec émotion cette belle leçon de confiance et d’admiration. Oui, Dieu a créé le monde et il vit que cela était bon. C’est à nous de redécouvrir la beauté de la création parce qu’elle porte les signes de l’amour de Dieu. Oui, Dieu s’est fait homme et il nous a sauvés. C’est à nous de redécouvrir à l’intérieur de nos frères et de nos rencontres les petits sourires que Jésus offre à chacun d’entre nous. Alors, oui, nous serons nous aussi capables d’apporter des paroles de vie, des paroles de résurrection.