« SORTONS POUR OFFRIR À TOUS LA VIE DE JÉSUS CHRIST »
(Pape François : la Joie de l’Evangile § 49)
Au début de sa 2ème partie, Marc avait précisé le but du choix par Jésus de 12 apôtres en disant :
1) « pour être avec lui » : donc pendant toute cette section (3,7 à 6,6), ils l’ont suivi, partageant sa vie itinérante, observant ce qu’il disait et faisait, apprenant à le connaître. Car la mission commence par l’intimité avec Jésus, l’écoute de l’Evangile. « Etre-avec-Jésus » longtemps – sinon toujours- est l’essentiel sans quoi l’œuvre missionnaire dévie en entreprise humaine.
2) « et pour les envoyer prêcher avec pouvoir de chasser les démons » : maintenant ce moment est arrivé. Ainsi s’ouvre la 3ème partie de Marc (6,6 à 8,30) : c’est l’évangile de ce dimanche.
L’ENVOI
Jésus appela les Douze ; alors il commença à les envoyer deux par deux, et il leur donna autorité sur les esprits impurs.
Pourquoi 12 ? Parce que c’est le nombre des tribus d’Israël – donc l’Evangile va reconstituer l’unité d’un peuple qui a longtemps été déchiré…et il pourra se répandre dans les 4 directions du globe.
Ces hommes n’ont pas à se vanter de leurs qualités, de leur culture : qu’ils n’oublient jamais qu’ils sont des « envoyés », des ambassadeurs. Un « apôtre » n’est pas un homme zélé qui se dévoue corps et âme à une cause (on parlait de « l’apôtre du cyclo-tourisme » !!) mais un « envoyé », un ambassadeur dont toute la valeur tient à la personne de celui qui l’envoie.
Ils iront deux par deux. D’abord pour s’épauler l’un l’autre, se réconforter dans les moments difficiles, se corriger mutuellement, prendre les décisions de concert. Et aussi pour montrer tout de suite, en acte, ce qu’est la vie commune, la charité entre personnes qui est la manifestation même du Royaume de Dieu. La foule non seulement écoutera des prêcheurs mais verra en eux le résultat de ce qu’ils annoncent.
Deux envoyés qui s’aiment sont le premier signe du fait que Dieu commence à régner dans les cœurs.
La mission est combat acharné et ardu contre les forces du mal liguées pour détourner l’humanité dans le mensonge et la détruire par la haine. Donc cette lutte missionnaire ne peut s’effectuer par des moyens humains, l’intelligence, la tactique, l’éloquence : « il leur donna autorité… ». L’apôtre doit au préalable recevoir la force divine que son Seigneur lui donne.
LE DEPOUILLEMENT
« ……..et il leur prescrivit de ne rien prendre pour la route, mais seulement un bâton ; pas de pain, pas de sac, pas de pièces de monnaie dans leur ceinture. « Mettez des sandales, ne prenez pas de tunique de rechange. »
Un Ambassadeur d’Etat se présente en majesté car il se doit de manifester la gloire de son pays : tenue distinguée, médailles, décorations, voiture de luxe. Il doit impressionner.
Un apôtre de Jésus par contre prend la route en toute pauvreté, démuni le plus possible, n’emportant que l’essentiel, en ressemblance avec celui qui l’a envoyé. Il montre ainsi la véritable grandeur qui est celle du cœur, il est contestation vivante de l’idolâtrie de l’argent qui gangrène le monde, il appelle au détachement et au partage, il est signe d’espérance du vrai monde qui est en train de venir, ce Royaume de Dieu bâti sur le droit et la justice.
Hélas on sait que l’Eglise a souvent oublié cette recommandation capitale de son Seigneur et elle a cherché sa propre gloire : les prélats se sont parés de fanfreluches, le pape a coiffé la tiare à trois étages, les édifices sacrés se sont dressés vers le ciel avec gigantisme. Par bonheur, cette recherche de gloriole s’est bien atténuée. Encore que !... Notre cher François, descendant dans le parking souterrain du Vatican, a été suffoqué de voir ces enfilades de voitures pimpantes, luxueuses et il constatait que c’est lui qui avait le plus petit modèle.
ACCUEIL ET REFUS
Il leur disait encore : « Quand vous avez trouvé l’hospitalité dans une maison, restez-y jusqu’à votre départ. Si, dans une localité, on refuse de vous accueillir et de vous écouter, partez et secouez la poussière de vos pieds : ce sera pour eux un témoignage. »
La pauvreté des apôtres a un autre effet important : elle les oblige à avoir besoin des gens. Car il faut bien manger, boire, dormir. Donc les personnes qui faisaient confiance aux apôtres et qui se convertissaient à la Bonne nouvelle étaient obligées de les nourrir et de leur offrir l’hospitalité. La conversion ne pouvait donc être seulement une déclaration des lèvres : accepter l’Evangile, c’était du coup accueillir les pauvres qui l’avaient proclamé. La conversion ne se payait pas de mots : elle devenait d’emblée accueil de l’autre, portes ouvertes, table partagée, dépenses d’hospitalité.
Mais les apôtres n’ont pas le droit d’être délicats et s’ils étaient déçus par la frugalité et l’inconfort d’une maison, ils ne pouvaient déménager dans une autre au confort plus douillet, avec une table ****.
S’ils goûteront ici la joie d’un accueil chaleureux et d’une hospitalité fraternelle, il leur arrivera de rencontrer ailleurs des mines renfrognées, d’être la cible des moqueries, d’entendre les portes se claquer à leur nez. Il leur faudra parfois dormir à la belle étoile et le ventre creux, tenaillés par le sentiment d’inutilité : occasion de repenser à leur maître qui n’avait pas une pierre pour reposer la tête.
En secouant la poussière de leurs pieds avant de s’éloigner, par ce symbole, ils préviendront ce lieu qu’il demeure infécond, fermé à la Vie qu’allait lui apporter la Bonne Nouvelle. Remarque qui souligne le risque mortel du refus de la Bonne Nouvelle de Jésus.
L’ESSENTIEL DE LA MISSION
Ils partirent, et proclamaient qu’on se convertisse.
Ils expulsaient beaucoup de démons,
Ils faisaient des onctions d’huile à de nombreux malades, et les guérissaient.
Quelle émotion dans ce premier départ : au lieu de suivre leur maître et de demeurer ensemble, les voilà obligés de se disperser, de s’en aller à l’aventure et prévenus de la dureté de leur tâche.
Quel sera l’essentiel de leur activité ? Faire ce que Jésus faisait devant eux depuis des mois :
- Proclamer l’Evangile et appeler à la conversion, au changement d’optique et de comportements.
- Purifier les cœurs souillés et chercher à extirper les forces démoniaques
A quoi s’ajoute une action qui n’a pas été dite de Jésus mais qui sera très vite une pratique répandue : soigner les malades et essayer de les guérir par des onctions d’huile. St Jacques écrit : « L’un de vous est-il malade ? Qu’il fasse appeler les anciens de l’église et qu’ils prient après avoir fait sur lui une onction d’huile au nom du Seigneur. La prière de la foi sauvera le patient ; le Seigneur le relèvera ; et s’il a des péchés, il lui sera pardonné » (Jac 5,14).
Le concile Vatican II a heureusement prescrit de ne plus nommer ce geste « Extrême Onction » mais « sacrement des malades ». Il faut accentuer l’effort de transmettre ce retour à la tradition antique : il ne s’agit pas d’une entrée dans la mort mais d’un combat pour faire gagner la Vie. Non un triste sacrement de résignation mais un acte où la famille et le voisinage s’unissent dans la prière autour de leur frère gravement malade.
CONCLUSIONS
Le devoir missionnaire concerne tous les baptisés : ils ont à méditer ces consignes de mission et les adapter à leur niveau. Le pape François ne cesse d’appeler toute l’Eglise à SORTIR, à quitter l’enclos confortable du culte pour s’élancer vers les PERIPHERIES. Récemment il disait avec humour à une assemblée de Nonces : « Cessez de pêcher dans l’aquarium ». Des multitudes attendent le message qui leur apportera la paix ; des sociétés et des économies sont à redresser par la justice du Royaume.
Il faut lire et méditer sa grande Exhortation : « LA JOIE DE L’EVANGILE » (éd. Fidélité - 10 euros).