13e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Materne Pierre-Yves
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

« J'accueille et je transforme en joie ». C'est une petite phrase souvent employée par un frère dominicain que j'ai côtoyé au cours de mes années passées en France. Il aimait dire cela devant des petites interpellations qui ne faisaient pas spécialement plaisir. Peut-être même ai-je été une fois ou l'autre à la base de cette réaction. Evidemment, il ne disait pas cela sur le mode de la gravité mais plutôt sur le ton de la boutade.

Accueillir une personne ou un événement n'est pas nécessairement une partie de plaisir et il faut donc pouvoir « transformer » le sens de l'accueil. Si vous recevez chez vous votre meilleur ami, c'est une joie sans réserve. Par contre, si vous recevez à l'improviste une personne qui ne vous est pas spécialement sympathique, le contrôleur des contributions par exemple, la joie n'irradiera pas forcément votre visage.

Celui qui aime doit aussi de temps en temps accepter des choses moins agréables. Dans une relation, deux personnes s'accueillent en vérité si elles s'accueillent en totalité. Autrement dit, il y a les qualités qui font plaisir mais il y a aussi les petits travers qui vont avec. Pouvoir accepter l'autre tel qu'il est demande une certaine dose de bonne volonté. Un des enjeux de l'accompagnement pastoral ou spirituel est de donner à la personne la conviction que Dieu l'aime telle qu'elle est, avec ses ombres et ses lumières. Dieu ne nous aime pas parce que nous serions comme ceci ou comme cela. Il n'attend pas que nous adhérions à cent pourcent au catéchisme de l'Eglise catholique pour nous prendre sous son aile. Dieu, tel qu'il nous a été annoncé par Jésus, aime et accueille sans condition. Il nous aime non pas à cause de nos qualités mais pour que nous devenions à la fois nous-mêmes et nous faire grandir. Pour cela, on a d'abord besoin de se sentir accepté tel quel.

Nous sommes aujourd'hui appelés à accueillir à la façon de Dieu, comme Jésus nous l'a montré. Le Christ a accepté chaque personne pour l'aider à devenir meilleure. Tantôt, il a accueilli Matthieu dans son équipe d'apôtre (tiens un collecteur d'impôts !). Tantôt, il a accueilli une prostituée. Chaque fois, c'est un accueil qui condit à un nouveau dépassement, Le collecteur d'impôts devient un prédicateur respecté alors qu'il était un agent de l'Empire détesté. Marie-Madeleine, dont la vie sentimentale était tumultueuse, devient une femme fidèle et le premier témoin de la Résurrection.

Nous-mêmes sommes accueillis par Dieu tel que nous sommes, avec nos forces et nos fragilités. Chacun est unique aux yeux du Père. Nous avons du prix à ses yeux nous dit la Bible. Cependant, nous pouvons avoir du mal à accueillir cet amour divin. Devant quelqu'un qui est accepte des faiblesses que moi-même je refuse d'accepter, il peut y avoir un certain malaise. Or, c'est pourtant sur ce chemin d'ouverture que se trouve la vraie vie. Il n'y a pas de honte devant Dieu. En accueillant le regard fort et aimant de Dieu, nous avancerons toujours plus dans l'acceptation de qui nous sommes et dans l'acceptation des autres tels qu'ils sont. La certitude d'avoir quelqu'un au moins qui nous connaît très bien et qui nous aime totalement peut nous libérer de nos doutes. Dieu est là pour cela !

A notre tour, en donnant au autres le sentiment qu'ils sont aimés de Dieu, nous aurons mis en pratique la parole de Jésus. Ouvrir sa porte, celle de sa maison comme celle de son c½ur, est un geste qui n'est pas anodin. C'est un acte d'hospitalité qui donne à l'autre de se sentir vivre et reconnu dans son humanité. Evidemment, une prudence s'avère toujours nécessaire. Ouvrir la porte de son c½ur prend du temps et de le confiance. Nous sommes parfois comme des huîtres, tellement sensibles que l'attitude un peu brusque de l'autre peut nous refermer très vite. Et il peut être salutaire de pouvoir se protéger. C'est pourquoi, outre la patience et la confiance, je dirais que la délicatesse fait partie de l'art de l'accueil. Je dois être délicat face à celui ou celle qui vient chez moi mais la réciproque est également vraie. L'accueil est donc un art partagé ! De toute manière, mettre en ½uvre un accueil inconditionnel à la suite de Jésus demande qu'on prenne quelques risques et qu'on soit vrai avec nous-mêmes. Autrement dit, celui qui accueille perd sa vie, c'est-à-dire perd un peu de son confort et de sa quiétude, mais il gardera sa vie et sa dignité d'enfant de Dieu. Alors, l'accueil deviendra spontanément joie, une joie à la fois intérieure et communicative. Amen.