13e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

LA  FOI  AFFRONTE ..... PACIFIE ...... PURIFIE ......RELÈVE

La mission de Jésus - que nous, chrétiens, avons charge de poursuivre aujourd'hui- est d'annoncer que Dieu a inauguré et continue d'étendre son règne sur la terre. Qu'est-ce à dire ? Jésus a tenté de le faire comprendre d'abord en employant des comparaisons : l'être humain est invité à croire à cette Bonne Nouvelle, à recevoir les enseignements de Jésus comme autant de semences qui porteront fruit et changeront son existence. C'est le discours des paraboles (4, 1-34). En outre ce Règne se manifeste également par certains « actes de puissance », comme dit Marc: c'est pourquoi il poursuit immédiatement la leçon des paraboles par le récit de 4 de ces actes (« miracles ») : « Ce jour-là, le soir venu... » (4, 35).
Le Royaume n'est pas un discours pieux, une fuite, un rituel, une idéologie ni un mythe mais une réalité présente dont la force doit se manifester en paroles et en actes. Intimement liés. Relisons l'ensemble.

4, 35-41 :    D'abord Jésus entraîne ses disciples à « passer sur l'autre rive » du lac, c.à.d. le côté oriental, en  territoire païen. Soudain une bourrasque secoue durement la barque mais Jésus apaise la mer et fait reproche aux siens d'avoir eu peur : « Vous n'avez pas la foi ? ». Donc dès que l'on a compris que le royaume est comme un grain de moutarde qui croît énormément, on va tout de suite à la rencontre de l'autre : le message ne peut être enclos dans des limites, le royaume de Dieu a une portée universelle, il faut passer les frontières. Oui l'entreprise est périlleuse, on a peur de l'inconnu mais il ne faut pas craindre. Seulement croire : Jésus est là, conduisant la mission toujours au-delà.
5, 1-20 :    Dans le pays de Gerasa, on tombe sur une espèce de fou dangereux qui hantait les cimetières et que personne ne parvenait à maîtriser. D'un mot, Jésus le calme et le rend à son village. Le Royaume de Dieu est paix et douceur : son accueil guérit l'agressivité,  arrête les conflits et reconstitue la concorde sociale. Hélas les gens de l'endroit refusent ce message et  renvoient Jésus dans son pays. Jésus n'a réussi à convertir qu'une seule personne. Ah ! si chacun de nous en faisait autant !
5, 21-24 :   (ici commence l'évangile de ce jour) On retraverse le lac et on regagne la Galilée. Tout à coup un chef de synagogue, Jaïre, survient et tombe aux pieds de Jésus : « Ma petite fille est près de mourir : viens lui imposer les mains pour qu'elle soit sauvée et qu'elle vive ! ». Sans un mot, Jésus suit le papa affolé à travers une foule qui l'écrase dans les étroites ruelles.
5, 25-34 :    Et voilà qu'une femme qui souffrait d'hémorragies depuis 12 ans, et qu'aucun médecin n'avait pu guérir, se glisse dans la foule et, par derrière, touche le vêtement de Jésus.
Car elle se disait : « Si j'arrive au moins à toucher ses vêtements, je serai sauvée ». A l'instant l'hémorragie s'arrêta, elle ressentit qu'elle était guérie. Aussitôt Jésus se rendit compte qu'une force était sortie de lui. Il se retourne : «  Qui a touché mes vêtements ? ». Ses disciples disent : «  La foule t'écrase et tu demandes qui t'a touché ? ». Jésus regarde tout autour. La femme, craintive et tremblante, vient se jeter à ses pieds et lui dit toute la vérité.
Jésus reprend : «  Ma fille, ta foi t'a sauvée : va en paix et sois guérie de ton mal ».
Jamais cette femme n'aurait dû se permettre cette démarche  car, dans son état, la Loi la taxait d'impureté et lui interdisait tout contact avec quiconque. Mais son espérance est immense : outrepassant l'interdit légal, sans demander une parole de guérison ou un acte d'exorcisme, elle croit qu'un simple contact avec Jésus, si furtif soit-il, peut la soulager. Dans la cohue, la foule s'écrasait, les gens touchaient Jésus par nécessité ou par admiration mais vains sont les contacts curieux, les enthousiasmes superficiels. Ainsi encore aujourd'hui beaucoup applaudissent Jésus, se pressent à des processions ou des cérémonies religieuses par routine, par habitude mais ils ne désirent pas se convertir ; ils n'envisagent même pas d'aller vers Jésus pour se laisser guérir, pour changer de vie. La femme, elle, était désespérée par son état, à bout de ressources, peu lui importait que son geste semblât superstitieux aux yeux de certains : son sang, sa vie l'abandonnaient, elle cherchait un contact avec la source de vie. Et Jésus a perçu sa détresse et la qualité de son élan, il ne lui fait pas reproche d'avoir enfreint la Loi, de faire une démarche « magique ». Elle a eu confiance en lui : « Ta foi t'a sauvée ».
5, 35-43 :   Là-dessus des gens de la maison de Jaïre arrivent et lui annoncent que sa fille vient de mourir.
Mais Jésus lui dit : «  Ne crains pas : crois seulement ». Il ne laisse personne l'accompagner sinon Pierre, Jacques et Jean. Ils arrivent à la maison : les gens pleurent et poussent de grands cris.
Il dit : « Pourquoi cette agitation? L'enfant n'est pas morte : elle dort ». On se moquait de lui. Il met tout le monde dehors, prend seulement le père et la mère et les 3 apôtres. Il pénètre là où reposait la jeune fille, saisit sa main et dit : « Talitha koum - c.à.d. « Jeune fille, lève-toi ». Aussitôt la fille se lève et se met à marcher (elle avait 12 ans). Ils furent complètement bouleversés.
Jésus leur recommanda avec insistance que personne ne le sache. Puis il dit de lui donner à manger.
L' «acte de puissance » de Jésus, tout extraordinaire soit-il, est raconté avec simplicité. Pas de manifestations spectaculaires, pas d'esbroufe. Jésus ne fait jamais de miracle pour s'attirer de l'audience, pour se faire de la publicité, pour prouver qui il est,  mais toujours par miséricorde, parce qu'il est ému par la souffrance des gens, D'ailleurs il recommande très souvent de ne pas divulguer l'événement, de garder le secret. Si l'amour l'entraîne à soigner et à guérir, le Royaume de Dieu ne se limite pas à rendre la santé corporelle : une société sans malades ni souffrants serait-elle juste, épanouie, fraternelle ? Dieu ne vient régner que si l'être humain se convertit, change en profondeur : ce qu'on appelle CROIRE.

On le constate donc : les 3 épisodes successifs mettent en scène un homme, puis une femme, puis une enfant : Jésus apporte la vie à tout âge. L'homme violent, la femme impure, l'enfant fragile : Jésus guérit en réintégrant le souffrant et l'exclu dans leur communauté. La mission vise à recréer la communion.

CONCLUSION

Les récits de miracles pouvaient bien jadis émerveiller et entraîner à la foi : aujourd'hui, en modernité, ils suscitent plutôt le scepticisme. Ces faits sont-ils vrais ? Ne sont-ce pas des légendes ? On ne peut donc se contenter de les lire sans plus puisqu'il est impossible d'en démontrer l'exactitude. Marc ne fait d'ailleurs rien pour prouver leur véracité historique car il sait qu'on n'écrit pas et on ne lit pas de tels récits comme des faits-divers dans les journaux.
Comment nous, lecteurs, pouvons-nous être non pas « informés » sur des événements passés mais « sauvés » ? Uniquement si le texte nous entraîne dans son mouvement : relisons-le pour nous.
Aujourd'hui oser quitter notre installation, « passer sur une autre rive », avoir envie de porter l'Evangile plus loin.
Connaître les affres devant l'inconnu, la peine d'être dans une Eglise attaquée de toutes parts, secouée par les tempêtes.
Oser avancer sur les champs de bataille où les hommes déchaînent leur violence, où familles, classes sociales, peuples, entreprises s'affrontent avec une dureté implacable ; désarmer l'homme violent, le transformer en homme de paix........ Même s'il n'en est qu'un !
Ecouter les appels déchirants de tous les parents qui crient au secours : « nos enfants sont tués, écrasés sur les routes, nos adolescents sont perturbés, nos jeunes sont au chômage ou, pire, envoyés au champ de bataille et livrés à la barbarie de la guerre ».
Entendre le gémissement des femmes traitées d'impures, enfermées dans des interdits, réduites à la soumission muette.
Pénétrer dans les maisons de deuil où le règne de la mort fait hurler de souffrance, où la fatalité écrase de désespoir, où la perte de l'enfant enlève tout goût de vivre. Tendre une main amicale pour « lever ».
Bref aller là où Jésus est allé, là où il nous conduit encore pour apporter la joie du Royaume. « Passer sur l'autre rive » d'une société qui exclut et se résigne à la guerre et à la mort. Dire « Lève-toi » aux jeunes qui gisent prostrés et leur offrir un avenir. C'est cela CROIRE - au sens fort de l'Evangile.