Perfection, performance, réussite, créativité, voici quelques mots qui résonnent en nous et qui nous chantent la clé du succès d'aujourd'hui. Si nous voulons être heureux, si nous voulons être appréciés, voire même aimés dans cette vie, nous devons être au-dessus de la moyenne, presque être meilleur encore que des ordinateurs quant à la mémoire et à la connaissance. Comme si le monde était réservé à une élite bien choisie où seuls quelques uns trouvent leur place et s'épanouissent. Heureusement, pour nous de tels sur-êtres humains n'existent pas. Et s'ils existaient, il y a fort à penser qu'ils passeraient à côté de l'essentiel de leur vie. Et pourtant, tous les messages de notre société vont dans le sens de la performance, de la réussite sociale avant tout. Une réussite que nous n'emporterons pas avec nous dans notre mort d'ailleurs puisqu'elle est fondée sur les valeurs d'ici-bas qui vont à l'encontre même des valeurs d'en-haut.
Reconnaissons cependant que nous sommes désarmés par rapport à une telle demande de succès. Plusieurs chemins s'offrent à nous. Soit nous essayons en épuisant un ensemble de nos forces de naviguer dans ces eaux troubles, soit nous les refusons et nous choisissons de nous réaliser ailleurs, soit encore, pour garder la tête hors de l'eau nous nous appuyons sur les épaules de celles et ceux qui nous entourent quitte à ce que eux se noient plutôt que nous. Ayant peur de l'avenir, de l'échec toujours possible, des mes propres fragilités, je veux à n'importe quel prix garder la tête haute, avoir une grande estime de l'être que je suis. Et comme je n'y arrive pas par mes propres moyens, limité par l'expérience de la vie et ma propre personne, je me mets à écraser celles et ceux que je rencontre. Cela me fait du bien de les diminuer, j'ai alors l'impression d'être supérieur, de mieux m'en sortir. Comme si mon idéal de vie était : « je te diminue à mes yeux et aux tiens pour que je puisse grandir ». Mais écraser l'autre pour sa propre réussite, est un leurre. En effet, cette attitude petit à petit tue toutes les relations nous entourant. Les proches se mettent à nous fuir parce que nos propos deviennent désagréables, parfois grossiers ou méchants. « En te dénigrant, j'existe » voilà bien une maxime qui nous conduit à la mort sociale, familiale. Et au bout d'un tel chemin, nous sommes confrontés à la solitude, notre solitude. S'il est vrai que nous aimons être seuls lorsque nous sommes entourés et que nous aimons être entourés lorsque nous nous sentons seuls, il existe cependant des solitudes très lourdes à porter surtout lorsqu'elles sont le résultat de son propre comportement, souvent inconscient hélas. Et pourtant, ce type de comportement existe bel et bien dans notre société et nous en sommes responsables. D'autant plus que nous allons irrémédiablement vers l'échec. Il est faux de croire qu'en dénigrant l'autre, j'existe parce que, tout simplement, c'est par l'autre que j'existe. Par le respect que j'éprouve à son égard, son regard donne de la valeur à mes yeux. Et au fil des mois et des années, l'image que j'ai de moi est belle. Elle est loin d'être parfaite parce que j'ai acquis la conviction que la perfection n'est pas de ce monde, mais elle est belle. Je puise alors dans cette beauté intérieure pour vivre, exister, rencontrer.
Je sais alors au fond de moi que seul, je ne peux pas vraiment exister. L'autre est essentiel à mon épanouissement, à ma réalisation. Mais cela demande une sacrée dose d'humilité : oser reconnaître que j'ai besoin des autres, que je ne suis pas suffisamment fort pour réussir, que je ne suis pas aussi parfait et performant que je ne le souhaiterais. J'arrête ainsi de croire que je suis celui que je voudrais être, je reviens sur mon propre globe pour retrouver et aimer celui que je suis, là où j'en suis. Ce n'est peut-être pas aussi brillant mais je peux m'habiter pleinement parce que je suis moi et non plus le rêve dans lequel je m'étais enfermé. Cette conversion intérieure, me paraît essentielle dans notre société en cette fin de millénaire, parce qu'elle nous conduit au chemin de la rencontre avec le divin. C'est parce qu'une femme, un homme ont eu l'humilité de croire que seuls, ils ne pouvaient rien qu'ils se sont tournés vers le Christ. Ils ont alors fait confiance. Ils ont fait la découverte de l'humilité humaine et de la grandeur de la foi. Puisions-nous découvrir chacune et chacun que le dénigrement de l'autre nous tue à petit feu et que nous marchions sur le sentier de l'humilité, celui qui donne à l'autre et au tout Autre, sa véritable dimension. Alors, confiance et amour chanteront dans nos vies à l'unisson.
Amen