Si vous vous faites une image du bon Jésus, bonne poire qui pardonne à l'infini en souriant toujours, si vous pensez que le chrétien doit toujours être gentil et jamais se fâcher, ces paroles de Jésus, tranchantes et sans appel, vous surprendront.
Si vous aimez être rassuré, si vous cherchez dans la religion les certitudes et la stabilité, cet évangile n'est pas pour vous. Ici, aucune fausse publicité. Jésus fait tout ce qu'il faut pour décourager de le suivre. C'est l'extrême opposé de la promotion des vocations : « Les renards ont des terriers, les oiseaux du ciel ont des nids ; mais le Fils de l'homme n'a pas d'endroit où reposer la tête. » Pour la promotion de la condition de disciple à plein temps, il est possible de trouver mieux.
En fait il est terriblement franc, il est terriblement clair, il est terriblement vrai. Nous le savons bien, la vie n'est pas un long fleuve tranquille. Le risque zéro n'existe pas et le succès n'arrive jamais sans une certaine prise de risque.
Le mariage à l'essai est une formule verbale. Que ce soit donc dans la vie affective ou dans la vie professionnelle, il est impossible de tout prévoir avant de s'engager. Je me souviens d'un étudiant qui avait affiché dans sa chambre en grosses lettres : « impossible de s'engager sans savoir et impossible de savoir sans s'engager ». J'aimerais savoir aujourd'hui comment il a résolu son énigme et ce qu'il est devenu.
La vie n'est pas seulement un don que l'on reçoit, c'est aussi une affaire à décider. Il en est de même pour le Royaume de Dieu, autrement dit pour le grand projet dans lequel le Dieu vivant se risque le premier, se risque au point d'en mourir, pour montrer que la mort n'existe pas.
Vous ne pourrez pas vérifier si la foi est vraie sans vous s'y engager totalement. Vous ne pourrez pas vérifier les promesses de l'amour sans vous y être engagé, à fond et totalement. Impossible de vérifier la résurrection si l'on a pas d'abord vécu, choisi la vie, défendu la vie, promu la vie de toutes les manières, à en mourir éventuellement ; impossible de ressusciter si l'on ne cesse de se protéger, de s'économiser, de se prolonger... si l'on ne vit pas en engageant toutes ses forces pour lutter contre les germes de mort qui nous empoisonnent partout.
Mais pour se lancer dans cette aventure, il faut y croire. Et pour y croire, il faut qu'il y ait quelqu'un qui trouve en son propre c½ur les images et les mots pour en parler, quelqu'un qui donne corps à ses idées, quelqu'un qui veuille bien le vivre le premier, devant nous, comme témoin.
Imaginez l'oisillon dans son nid. Pensez-vous qu'il se jetterait un jour pour voler de ses propres ailes si n'avait jamais vu d'autres oiseaux déployer leurs ailes et s'élancer devant lui ?
Suivre Jésus, pour vivre avec lui, comme lui. C'est témoigner dans le concret de sa propre vie d'un dynamisme singulier, d'un élan de vie qui fait question, d'un parti pris de confiance qui ne peut s'expliquer que par une source ou un volcan, un socle ou un fondement, une présence jaillissante, celle de la Résurrection.
Suivre Jésus de Nazareth, c'est se risquer en témoin de l'impossible parce que Dieu est le maître de l'impossible. C'est affirmer que l'amour finira par triompher, parce que Dieu est amour. C'est affirmer que l'absolu existe et qu'il est à notre portée, parce que nous sommes limités et qu'il est donc possible de tout donner.
Suivre Jésus, c'est marcher sur les eaux parce tout tient par en haut. C'est vivre cet état d'urgence dont parle l'évangile d'aujourd'hui, parce que le temps est court et qu'il est impossible de s'installer, pas même de prendre le temps de dire au-revoir, parce que seule importe la vie et que les vivants sont unis dans une communion qui transcende toutes les limites, toutes les distances, qu'elles soient celles de la géographie ou celles du temps.
Si ton père ou ta mère te retient, c'est qu'ils ne t'ont pas vraiment mis au monde. Pas la peine de les saluer car, dans la vraie vie, on ne se quitte jamais vraiment, on se retrouve toujours, autrement.
Je me souviens de mon père qui s'interrogeait du geste d'Elisée. Pourquoi brûle-t-il sa charrue ? Pourquoi immole-t-il ses b½ufs ? Pourquoi détruit-il son instrument de travail ? Il y a des gestes de non-retour, et une adhésion radicale à des logiques nouvelles. Il y a une promesse de surabondance paradoxale, de saut qualitatif dans une vie transfigurée, comprenne qui pourra !
13e dimanche ordinaire, année C
- Auteur: Van Aerde Michel
- Temps liturgique: Temps ordinaire
- Année liturgique : C
- Année: 2012-2013