14e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

CHRÉTIENS DANS LE MONDE

Luc est le seul qui raconte deux envois en mission : celui des 12 apôtres (très bref : 9, 1-6) et celui des 70 (ou 72) disciples (plus long - texte de ce jour). C'est dire que la mission n'est pas un devoir réservé aux apôtres (et leurs successeurs : les évêques) mais une responsabilité confiée à tous les disciples et qui est universelle (70 ou 72 était le nombre des pays connus à l'époque).
Dans les premiers temps de l'Eglise,  beaucoup de croyants jouaient un rôle important dans l'organisation des communautés et dans la diffusion du message (cf. Actes des Apôtres). Après trop de siècles de cléricalisme (prêtres seuls acteurs - laïcs passifs), il est heureux de voir que des baptisés commencent à prendre part active à l'évangélisation. L'évangile de ce jour est donc  à méditer attentivement.

Parmi ses disciples, le Seigneur en désigna encore 72, et il les envoya deux par deux devant lui dans toutes les villes et localités où lui-même devait aller.
Quand Luc nomme Jésus « Seigneur », cela signifie que la scène n'est pas un souvenir du temps de Jésus mais qu'elle reste actuelle, toujours à effectuer sous la Seigneurie du Ressuscité. De même qu'un ambassadeur, au travers de sa personne, représente son pays, ainsi les envoyés n'ont pas à mettre leur personnalité en avant : la mission est un travail qui prépare l'accueil du Seigneur (pas le nôtre) et lorsque la foi s'éveille, les envoyés peuvent s'effacer sans se vanter. Ils vont 2 par 2 : pour se soutenir aux jours d'épreuves et pour vivre d'abord entre eux la charité fraternelle qu'ils prêchent aux autres.

DIRECTIVES DE LA MISSION

Il leur dit : «  La moisson est abondante mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le maître de la moisson d'envoyer des ouvriers pour sa moisson....... »
Bien plus que nous n'imaginons, la multitude d'humains prêts à recevoir la Bonne Nouvelle est immense. En Russie, en Chine, au Cambodge, en Albanie, où tout avait été fait pour anéantir toute trace chrétienne, les candidats au baptême, aujourd'hui, se pressent en foule, les églises sont combles, les couvents fleurissent. Comment douter que, dans notre Occident endurci, il n'y ait des âmes avides de découvrir un message qui apaiserait une soif qui n'a pas encore découvert sa Source ? Aussi, avant de lancer en hâte ses disciples, le Seigneur leur recommande au préalable de PRIER beaucoup : le préliminaire est d'ouvrir les yeux à la grandeur universelle des champs, se réjouir que beaucoup d'autres y travaillent également. Tout disciple doit refuser d'accomplir une ½uvre individuelle (si importante qu'il la juge) : c'est toute l'Eglise qui est en mouvement. Chacun ne réalise qu'une parcelle, il admire les succès des autres et il supplie pour que Dieu éveille le zèle apostolique chez beaucoup. Toute rivalité est intolérable.

Allez ! Je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups. N'emportez ni argent, ni sac, ni sandales, et ne vous attardez pas en salutations sur la route.
Parler d'un Dieu tellement bon qu'il est Père, appeler à la concorde et à l'amour fraternel, promettre la paix : comment ce message ne susciterait-il pas l'enthousiasme du monde entier ? Eh bien non, tout au contraire les envoyés de Jésus qui seront pauvres au lieu d'être riches, faibles au lieu d'être forts, seront comme des agneaux, proies faciles pour les loups. « Le Fils de l'homme sera tué...Celui qui veut me suivre, qu'il renonce à lui-même et prenne sa croix » (9, 23) : Jésus a brisé toute illusion. L'an passé, on a tué plus de 100.000 chrétiens dans le monde (Mgr Tomasi à l'O.N.U., Genève, mai 2013). Dans le silence général.
Mais quelque chose de pire peut survenir (et est arrivé) : que les disciples édifient une Eglise puissante, qui dicte, impose, menace. Rien n'est pire qu'une Eglise qui devient « meute de loups » : alors certes elle recrute (car les peuples aiment la puissance) mais elle ment à sa vocation.
Dans toute maison où vous entrerez, dites : Paix !....Restez dans cette maison, mangeant et buvant ce que l'on vous servira...ne passez pas de maison en maison....
Au cours des premiers siècles, l'Eglise n'a pas construit d'édifices sacrés, elle n'a disposé ni de chapelles ni de cathédrales car tout se déroulait dans les maisons : réunions, enseignement, baptêmes, eucharisties. Les croyants devaient souffrir parfois d'un manque d'espace mais l''Evangile pénétrait l'existence quotidienne dans l'espace familial ; la religion n'était pas une piété limitée à heures fixes et endroits sacrés. En offrant l'hospitalité à l'apôtre itinérant inconnu, en s'invitant à tour de rôle les uns chez les autres, les croyants expérimentaient la force et la beauté de la vie chrétienne dans le quotidien. L'Evangile une nouvelle manière de vivre et l'on comprenait : « Celui qui perd sa vie à cause de moi la sauvera » (9, 24).
Quant aux missionnaires, il leur était interdit de chercher la meilleure table du village : sans possessions et partageant souvent le pain des pauvres, ils contestaient une société dominée par les nantis, ils témoignaient de la vraie joie évangélique et de l'espérance du Banquet éternel.
Là guérissez les malades et dites aux habitants : Le Règne de Dieu est tout proche de vous.
Ici est la définition de l'essentiel du travail missionnaire qui était déjà dit aux 12 apôtres (9, 1.2. 6.) : proclamer la Parole, annoncer la révélation de l'Evangile, faire connaître Jésus Seigneur. « La foi vient de la prédication, et la prédication, c'est l'annonce de la Parole du Christ » (Romains 10, 17). Cette Parole, loin de rester une utopie pour les belles âmes, mobilise au contraire les croyants dans un combat incessant contre le mal. Mal et souffrance des corps (tout missionnaire en pays pauvre organise un dispensaire médical). Et plus encore mal des esprits et des âmes : péché, méchanceté, vices, rancunes, cupidité, indifférence, orgueil. La Miséricorde est une puissance thérapeutique.
Lorsque l'Evangile est reçu et mis en pratique, lorsque la communauté chrétienne s'attelle à la guérison totale de l'homme, alors « le Règne de Dieu est tout proche » c.à.d. qu'il est déjà présent et les signes visibles sont assez manifestes pour convaincre les baptisés de sa réalité. Et il est encore à venir car, vu nos imperfections, nos duretés et nos lâchetés, son accomplissement parfait est futur.
Aussi nous continuons à prier : « Notre Père.....que ton Règne vienne »

Mais dans toute ville où vous ne serez pas accueillis, sortez et dites : « Nous secouons la poussière de nos pieds pour vous la laisser. Pourtant sachez-le : le Règne de Dieu est tout proche ».
L'accueil ne va évidemment pas de soi : les envoyés peuvent être accueillis par des rires, des injures avant qu'on les chasse de la localité au plus vite. En ce cas il ne faut pas s'imposer, se lamenter de l'échec, chercher des méthodes plus attrayantes : le refus d'ici envoie vers l'ailleurs. L'essentiel est de ne jamais se décourager : on ne bâillonne pas la Bonne Nouvelle. Mais les gens sont prévenus : ce n'est pas Dieu qui les châtiera et les détruira par la foudre. Refusant l'Evangile des Béatitudes et optant pour d'autres chemins de bonheur (argent, violence, orgueil, égoïsme), les hommes se condamnent eux-mêmes : se voulant « des loups », le monde devient une jungle où sans pitié les prédateurs dévorent les faibles, où les inventions deviennent des bombes, où la cupidité saccage la nature et détruit la planète.
Mais les chrétiens, sans découragement, continuent à leur dire : Quoi que vous fassiez, quelle que soit la force de votre résistance, Dieu s'approche des hommes.
Et rien ne peut l'arrêter. Même la croix. Surtout pas la croix.