Alors que les couturiers du monde entier nous présentent pour le moment leurs collections d'hiver par les voies de la télévision, comme si nous devions refaire nos gardes robes, le Christ nous convie ce matin (soir) par son évangile à ne pas prendre de tunique de rechange lorsque nous sommes envoyés sur les chemins de la mission, notre mission. Contraste étonnant entre la vie d'aujourd'hui et l'invitation de Jésus. Au premier abord nous pourrions tomber dans le piège d'un rejet d'une telle phrase de Jésus, un refus d'un manque de sens pratique de la part de ce dernier. Cependant le Christ ne parle pas de n'importe quel voyage, il ne s'agit ni d'un temps d'agrément, ni d'un temps de loisir. Nous sommes ici dans le champ de la mission, voire même de la moisson.
Toutes et tous nous avons une destinée à accomplir, à vivre. Laquelle ? A cette question, il m'est impossible de vous répondre. La réponse est en vous. Alors à chacune et chacun de la découvrir en partant des dons que nous avons reçus, des fragilités qui nous habitent et des forces qui nous soutiennent. Notre vie sur terre n'est pas un pélerinage qui se termine le jour de notre mort et qui n'a pas de sens. Notre séjour terrestre n'est pas simplement un moment absurde, qui ne trouve pas sa raison d'être. Non, notre vie a un sens : tout simplement celui de nous réaliser, de nous épanouir. Cela peut surprendre et pourtant c'est de la théologie bien classique, enracinée dans une longue tradition d'Eglise. Réalisation et épanouissement ne sont pas des concepts égoistes, tournés sur nous-mêmes. En effet, nous ne devons jamais oublier que nous sommes avant tout des êtres de relation qui avons besoin les uns des autres pour vivre, pour être heureux. Mon prochain fait partie intégrante de moi-même, il est en moi et c'est notre rencontre mutuelle qui nous donne sens, qui peut nous aider à chercher et à découvrir le lieu intime de notre bonheur.
Croire en Dieu, Lui offrir notre confiance ne peut être témoignage que si nous rayonnons d'une joie intérieure qui illumine celles et ceux que nous rencontrons. C'est dès lors au plus profond de nous-mêmes que nous pourrons trouver la source de notre réalisation, le sens de notre voyage intérieur. Fort de cette découverte et de ce désir de d'harmonie avec soi-même, nous pouvons alors partir sur le chemin de notre mission personnelle. Chacune et chacun nous sommes envoyés de Dieu. Comme le montre l'histoire des prophètes, l'envoyé est traversé, non d'abord par un message à transmettre, une bonne nouvelle à partager, mais plutôt par une présence qui l'habite et lui permet de combattre et dépasser un ensemble d'infirmités de notre humanité. Seuls nous ne pouvons rien, à deux, ou mieux encore, à Dieu, tout devient possible. Le rêve, l'utopie s'évanouissent pour laisser place à une réalité qui peut aller au-delà de toute espérance humaine. Notre mission n'est plus alors une tâche à accomplir mais un don à partager. Ce que nous avons reçu, par définition, ne vient pas de nous, cela nous a été donné pour être redonné, propagé, partagé ensuite. La foi, est un merveilleux cadeau que nous n'avons pas le droit de garder pour nous. Il y a un danger de désirer se l'approprier et de l'enfermer dans un coffre intérieur que personne ne pourrait ouvrir. C'est vrai cependant, que partager quelque chose d'aussi intime est bien difficile, c'est comme si nous dévoilions un peu de notre intimité. Et pourtant c'est ce que le Christ attend de nous : que nous partions sur le chemin de notre mission mais sans rien emporter, c'est-à-dire partir avec comme seul bagage : notre foi, sans sécurité, en faisant le pari de la confiance, et ce, sans garantie de réussite.
Risqué ? Pas si sûr ! car comme le faisait remarquer un petit paroission de 10 ans c'est Jésus qui est notre tunique de rechange. Il ne nous reste alors plus qu'à partir chacune et chacun sur le chemin de notre destinée, non plus seuls cette fois, mais comme les apôtres, revêtu de la robe de Dieu.
Amen.