15e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

Jésus serait-il " jésuite " ou bien les jésuites se sont-ils fortement inspirés de la méthode de Jésus ? La question mérite d'être posée surtout après la lecture du passage que nous venons d'entendre. En effet, une légende prétend qu'à une question, tout jésuite répond toujours par une autre question. Je me rappelle cette conversation où un homme demanda justement à un jésuite " pourquoi répondez-vous toujours par une question lorsque l'on vous en adresse une ? ". Ce dernier répondit par les mots suivants : " vous trouvez ? ".

Tout comme Jésus dans l'évangile. Lorsque le docteur de la Loi demande à Jésus " et qui donc est mon prochain ? ", le Christ répond aussi par une question : " lequel des trois, à ton avis, a été le prochain de l'homme qui était tombé entre les mains des bandits ? ". La démarche proposée par le Fils de Dieu ma paraît non seulement intéressante mais surtout très pertinente. Il est vrai que souvent, dans la vie, lorsqu'une question est posée nous avons la fâcheuse tendance d'y répondre sur le champ. Et à court terme, c'est plus simple. Un peu comme si nous nous disions : " voilà, il a obtenu sa réponse qu'il ou elle agisse maintenant en conséquence ".

Je ne suis pas sûr que ce soit la meilleure chose à faire en tout cas à moyen ou à long terme. En effet, ma réponse à toute question posée par une tierce personne restera toujours ma réponse et ce, à partir de ce que je perçois comme étant la vérité. Elle sera toujours extérieure à la personne qui me la demandait. Si cette dernière choisit par après de ne pas suivre mes propos et que je le lui fais remarquer, elle pourra toujours me dire : " oui, mais ça c'était ton avis et il ne me convient pas ". Tandis que, agissant comme le Christ, si à toute question posée, je répondais par une autre question, je permettrais à la personne de chercher en elle sa propre vérité. Cette dernière n'arrive peut-être pas à trouver par elle-même le chemin intérieur pour découvrir en elle la réponse à son problème. Elle a besoin de quelqu'un d'autre pour l'éclairer. Non pas pour lui donner une réponse mais plutôt pour lui permettre de trouver ce chemin intérieur qui la conduira vers ce qui lui semblera de meilleur pour elle. Cette méthode-ci prendra sans doute un peu plus de temps mais elle sera, je crois, plus bénéfique à moyen ou à long terme. En effet, si la personne ne suit pas sa réponse et que vous le lui faites remarquer, vous la confronter à sa propre contradiction. La réponse à la question n'était plus quelque chose d'extérieur à elle mais elle s'enracinait bien en elle.

Agir de la sorte n'est pas toujours aisé, j'en conviens car cela demande parfois de redire autrement ce qui vient d'être posé. Tout comme il en va pour le Christ dans l'évangile de ce jour. A la question " et qui donc est mon prochain ? ", le Fils de Dieu ne renvoie pas l'ascenseur en disant " et pour toi, qui crois-tu qui est ton prochain ? ". Non, ce serait trop facile. Il suffirait en effet au docteur de la Loi d'établir une liste de catégories de gens qu'il classerait comme étant ses proches. Trop simple car cela lui aurait permis d'être éloigné de tous ceux et celles qu'il aurait choisi de ne pas inclure dans cette liste de gens proches.

Jésus prend le temps de poser sa question. Il raconte une histoire. Ce qui lui permet de transformer le sens même de la question et d'inviter le docteur de la Loi à répondre personnellement. " A ton avis, non pas à mon avis, mais bien à ton avis, lequel des trois a été le prochain de l'homme qui était tombé entre les mains des bandits ? ". C'est à toi et à toi seul à donner la réponse, non plus en énonçant une catégorie de personnes qui pourraient recevoir le label de " prochain " mais bien en retournant complètement ta question. Le prochain n'est pas quelqu'un d'extérieur à nous, c'est nous, par nos actes et nos attitudes qui devenons le prochain de l'autre. Comme si, pour Dieu, le prochain, c'est tout simplement celui de qui je me rapproche, de qui je me fais proche.

Le prochain, c'est celui que moi je deviens lorsque je transforme mon regard vers celui qui au départ me semblait tellement éloigné de moi. Le Fils de Dieu nous laisse alors avec ces questions : dans ma vie, de qui me fais-je proche ? Dans ma vie, à qui est-ce que je donne le meilleur de moi-même ? En bref, dans ma vie, suis-je un bon prochain ? Prenons le temps de répondre à ces questions puisque Dieu est intéressé par notre avis.

Amen.