16e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

VACANCES RATÉES ( ?) AU  CLUB « JÉSUS-GALILÉE »

Nous avions assisté au premier départ en mission des 12 Apôtres, anxieux sans doute de quitter leur maître et de s'en aller, à travers les villages, sans aucune provision, avec le devoir de parler en public et d'annoncer la venue du Royaume de Dieu. Aujourd'hui Marc nous raconte leur retour.  

(Après leur première mission), les Apôtres se réunissent auprès de Jésus et lui rapportent tout ce qu'ils ont fait et tout ce qu'ils ont enseigné.

L'apostolat n'étant pas le fait d'une initiative individuelle mais une mission officielle conférée par Jésus, il est du devoir des envoyés de rendre des comptes à leur envoyeur. On imagine la joie de Jésus d'accueillir ces hommes auxquels il avait confié une charge aussi lourde en leur intimant des conditions aussi rudimentaires. Car aucun d'eux n'avait fait de longues études, n'avait été choisi pour sa science théologique, son talent oratoire, son sens de l'organisation, sa spécialisation en relations humaines, son habileté à réussir des quêtes juteuses. Jésus ne s'était pas entouré de génies et d'intellectuels.
Tout n'avait pas dû être rose tous les jours au cours de ces semaines de pérégrination : des gens leur avaient demandé pour quelle raison ils faisaient cela, on ne s'était pas pressé pour prêter l'oreille à ces inconnus, ils avaient été la cible de moqueries, on leur avait parfois refusé l'hospitalité, ils étaient restés le ventre creux...
Mais à côté de ces difficultés, quelle joie les transporte lorsqu'ils viennent raconter ce qu'ils ont vécu : ces braves paysans secoués par leur enseignement, ces malades qu'ils ont pu guérir, ces maisons qui se sont largement ouvertes pour les accueillir dans l'allégresse. Que d'émotions en quelques jours !  Que de péripéties heureuses et d'échecs douloureux, que d'échanges et de partages sur toutes ces expériences ! Au milieu de cette joyeuse pagaïe et ce jacassement, Jésus jubile : le projet de son Père se réalise !

Il leur dit : « Venez à l'écart dans un endroit désert et reposez-vous un peu ». De fait les arrivants et les partants étaient si nombreux qu'on n'avait même pas le temps de manger.

Jésus perçoit la fatigue de ses collaborateurs : ils ont bien mérité de prendre un peu de repos à l'écart. D'autant qu'il semblerait que la mission s'étend : d'autres missionnaires vont et viennent, la foule augmente autour de Jésus si bien « qu'on n'a même plus le temps de manger ». Marc avait déjà fait une notation similaire plus haut : la foule s'accumulait dans la maison de Capharnaüm « à tel point qu'ils ne parvenaient même pas à prendre leur repas » (3, 20). On se rappelle que lorsque des adversaires avaient reproché aux disciples de ne pas observer un jour officiel de jeûne, Jésus avait répliqué : «  Les invités à la noce ne jeûnent pas lorsque l'époux est avec eux » (2, 19). Et Matthieu et Luc raconteront qu'à l'inverse de Jean-Baptiste l'ascète, Jésus acceptait les invitations au point de passer pour « un glouton et un ivrogne » (Matth 11, 19 ; Luc 7, 34). Fausse accusation naturellement. Jésus aimait partager la joie de la Bonne Nouvelle autour d'une bonne table, mais il savait aussi jeûner lorsque les gens se pressaient autour de lui et bousculaient ses horaires. Il ne se fixe pas un programme : c'est la mission qui commande son attitude.  

Ils partirent dans la barque pour un endroit désert, à l'écart. Les gens les virent s'éloigner et beaucoup les reconnurent. Alors, à pied, de toutes les villes, ils coururent là-bas et arrivèrent avant eux.
En débarquant, Jésus vit une grande foule. Il fut bouleversé de miséricorde envers eux parce qu'ils étaient comme des brebis sans berger. Alors il se mit à les instruire longuement.

Le groupe harassé croyait goûter une halte de solitude et de silence, et voilà que des gens en masse suivent sur le rivage la barque qui avance à peu de distance et ils assaillent les occupants dès leur débarquement. Les seules vacances de l'Evangile et elles sont fichues ! Les « saints apôtres » dépités ont-ils dû retenir quelques jurons d'énervement ? Jésus par contre a une réaction tout à fait différente : il ne toise pas sévèrement ces importuns, il ne  leur ordonne pas de retourner chez eux.
Il voit les gens et « il est saisi de pitié » : la traduction liturgique est trop mièvre, avec un relent de paternalisme. Marc emploie un verbe très fort, toujours réservé à Jésus dans les 4 évangiles, et qui est bâti sur le mot « matrice ». Donc il faut comprendre : il est bouleversé au fond de son être, « il est pris aux entrailles ». Non parce que ces gens ont faim, sont mal vêtus, souffrent de maladies mais parce qu'ils n'ont pas de guide ! En ce lieu, en ce temps, les brebis sont vouées à la mort si un berger ne les garde et ne les conduit vers les pâturages et la source. Ainsi les hommes errent sans but, ne sachant pas trop comment vivre ni où aller, sollicités par des messages contradictoires, abusés par des menteurs.
Alors Jésus commence un long enseignement : à nouveau il proclame la Bonne Nouvelle d'un Dieu d'amour qui vient nous aimer, il se présente comme le bon pasteur qui connaît bien la route de l'homme et prend soin de l'humanité, qui ouvre les yeux sur le sens de la vie et rassemble dans la paix.

La comparaison du troupeau ici n'est pas banale : lorsque Moïse, à l'orée de la terre promise, sut qu'il allait mourir, il pria Dieu de  lui désigner un successeur, « un homme qui sera à la tête de la communauté...ainsi la communauté du Seigneur ne sera pas comme des moutons sans berger ». Et le Seigneur lui répondit : «  Prends JOSUE, c'est un homme en qui est l'Esprit » (Nombres 27, 18). En hébreu, Josué se dit IESHOUA, comme Jésus ! Donc Jésus se présente comme le successeur de Moïse, « l'homme plein d'Esprit », qui, après le régime de la Loi (Moïse), prend la tête de la communauté afin de la faire entrer dans la véritable terre promise  qu'est le Royaume de Dieu.

CONCLUSIONS

1)  La grande masse des chrétiens ignore presque tout des péripéties de l'Eglise d'aujourd'hui. Certes ils connaissent les scandales que la presse se réjouit de répercuter, ils sont au courant de certaines grandes manifestations vaticanes. Mais ce que vivent leurs frères et s½urs de Ceylan, du Darfour, du Timor, de l'Afghanistan ? Leur a-t-on parlé de ce ministre chrétien pakistanais qui a été exécuté, de ces missionnaires qui, en Sibérie ou au Cambodge, reconstruisent une Eglise qui avait été totalement anéantie ?...La paroisse ne doit pas être réduite à un lieu de consommation (de sacrements et de paroles pieuses), il n'y a pas que les fêtes de patronage, les pèlerinages, les soupers « bol de riz », les problèmes de chauffage. L'Eglise est une communauté mondiale engagée dans les luttes du monde, où des pionniers luttent aux frontières, annoncent le Royaume, souffrent dans les prisons : c'est pourquoi une paroisse doit être un lieu d'échanges, où l'on apprend sans cesse les aventures d'une Eglise qui lutte, où les paroissiens peuvent raconter leurs réalisations, leurs problèmes, où l'on écoute avec intérêt ce que les autres ont accompli. Ainsi se forme l'esprit d'équipe et se vainc la jalousie.

2)  Il est normal d'élaborer des projets, de remplir son agenda avec les activités prévues, de planifier son temps pour ne pas le perdre, et aussi de prendre du repos. Mais il arrive que des demandes urgentes bouleversent le programme, que des visites impromptues obligent à laisser refroidir le repas préparé, que l'invitation à un banquet survienne un jour où l'on voulait jeûner. Dieu se plaît à intervenir à contre-sens. L'obéissance à l'événement sera meilleure qu'un enfermement dans une stricte observance.

3) Voir les hommes comme Jésus les voyait. Pas seulement la pauvreté matérielle de certains mais l'immense misère morale et spirituelle de TOUS ! Bombardés par des slogans enjôleurs, matraqués par des invitations incessantes, leurrés par des leaders cupides, écrasés par des dictateurs, menés au bord de l'abîme par des banques qui leur promettaient le paradis. Nous, pasteurs, sommes-nous bouleversés par ces désastres, ces malheurs sans fond, cette incapacité de vivre bien, ces dérives dans l'alcool et les drogues ? Enseigner, redire le message de la Bonne Nouvelle, instruire, tenter de faire comprendre, bousculer l'inertie, ouvrir les yeux avant qu'il ne soit trop tard, amener les chrétiens à adopter un style de vie conforme à l'Evangile, constituer une communauté fraternelle bâtie autour de la vérité de l'Evangile. Quel travail jamais achevé !!!