16e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2006-2007

Les candidats désireux d'accompagner Jésus avaient été prévenus : " Les oiseaux ont des nids mais le Fils de l'homme n'a pas où reposer sa tête". Depuis qu'à son baptême, il s'était donné à accomplir la volonté de son Père, Jésus s'était en même temps remis entre les mains des hommes. Renonçant à son métier et à tous ses biens, allant, démuni, de village en village, proclamant la Bonne Nouvelle de l'arrivée du Royaume de Dieu, du coup, lui et la bande de disciples qui l'accompagnaient, dépendaient des gens pour le vivre et le couvert. L'accueil de l'Evangile s'effectuait non dans un lieu sacré (ignoré par toutes les 1ères générations chrétiennes) mais dans la maison : il fallait ouvrir, laisser entrer. La foi ne peut se confiner dans les églises : elle doit se vivre au c½ur de la vie ordinaire. Reverra-t-on un jour le primat de la vie itinérante ?

Alors qu'il était en route avec ses disciples, Jésus entra dans un village. Une femme appelée Marthe le reçut dans sa maison.

Elle avait une s½ur, nommée Marie, qui, se tenant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole.

Ces deux femmes sont devenues les prototypes de deux genres de vie religieuse : vie active (enseignement, hôpitaux..) et vie dite contemplative (prière, oraison). Mais là n'est pas le problème du texte : il est celui de la décision : quand Jésus vient, que faire en priorité ??...

Marthe était accaparée par les multiples occupations du service.

Marthe se dresse comme l'aînée, la maîtresse de maison consciente de ses responsabilités. D'emblée elle a sonné le branle-bas : il s'agit de faire honneur au Maître, d'autant qu'il ne passe pas si souvent. Et puis il faut préparer un copieux repas pour ces pauvres disciples dont la mine montre bien qu'ils ont rarement l'occasion de manger à leur faim.

Et que ça saute ! Marthe s'affaire pour mettre sur pied un menu trois étoiles. On va voir ce qu'on va voir : ses compétences culinaires, son art de la table, sa rapidité d'exécution, son sens du gouvernement.

Tout démarre bien jusqu'à ce qu'elle s'aperçoive que sa petite s½ur n'est pas là. Et où la découvre-t-elle ?? Aux pieds de Jésus, silencieuse, en train de l'écouter. Marthe explose :

Elle intervint : " Seigneur, cela ne te fait rien ? .....

Ma s½ur me laisse seule à faire le service. Dis-lui donc de m'aider !".

Mais Jésus doucement calme l'ardeur de "la chef" et prend la défense de la cadette :

Le Seigneur lui répondit : " Marthe, Marthe, tu t'inquiètes et tu t'agites pour bien des choses. Une seule est nécessaire. .....

Marie a choisi la meilleure part : elle ne lui sera pas enlevée".

C'est très bien de nous préparer un bon repas, j'en suis ravi, surtout pour mes disciples. Mais quand je passe dans votre maison, murmure Jésus, est-il nécessaire de faire tant de chichi ? Il est normal et louable de vouloir nous nourrir mais Marie a compris qu'il faut en priorité SE LAISSER NOURRIR PAR MA PAROLE !

Dans l'attitude du disciple (assise, attentive), elle écoute mon enseignement, elle cherche à comprendre mon message.

Car lorsque Jésus paraît, il est infiniment plus essentiel de SE LAISSER FAIRE, de prêter l'oreille à ce qu'il dit. Il s'agit moins de se dévouer pour le Seigneur que, au préalable, de cesser de FAIRE pour ECOUTER. Marie ne "contemple" pas : elle ECOUTE. Croire, c'est d'abord accueillir sa Parole, accepter d'apprendre.

Cet épisode est étonnamment parallèle à celui de la semaine passée. Là aussi Jésus se trouvait devant un pharisien qui l'interpellait sur ce qu'il faut FAIRE pour avoir la Vie éternelle. Jésus lui avait répondu par la parabole du "Bon Samaritain" avec la conclusion : " Va et FAIS de même". L'homme avait entendu une leçon de morale : sois aussi serviable que le voyageur samaritain, ne passe pas à côté de ceux qui ont besoin de toi, même s'ils n'appartiennent pas à ton ethnie.

Le chrétien, lui, avait compris qu'il s'agissait d'une "apocalypse", d'une révélation : il lui était demandé de se reconnaître dans l'homme blessé par le péché et qui ne peut être guéri que par le Christ Sauveur - pour faire alors, sous la grâce, ce que l'autre entendait comme une loi.

Il en va de même ici. Marthe - qui est probablement une pharisienne comme St Jean le laisse entendre puisqu'elle croit à la résurrection - Jn 11, 24) est persuadée qu'il faut déployer des trésors d'énergie pour faire plaisir à Dieu. Sa foi est obéissance, application minutieuse, acharnement à FAIRE. Derrière cet empressement et cette (admirable) serviabilité, n'y a-t-il pas la vanité de montrer ce dont on est capable ? la fierté d'être plus douée que les autres ? l'autoritarisme (elle ose commander à Jésus d'ordonner à Marie de l'aider !) ? l'attente de compliments et de récompense ? ...Religion pharisienne !

Jésus, au contraire, approuve Marie qui reste assise devant lui et qui se laisse instruire, enseigner, guérir par la Parole de son Seigneur. Au fond n'a-t-elle pas l'attitude semblable à celle du blessé de la route ? ...

"Elle a la meilleure part...jamais enlevée.."

Ce n'est pas pour rien que l'Evangile commence par une scène d'écoute (La Vierge Marie à l'Annonciation), que Jésus, au baptême, est à l'écoute de son Père, que sa première parabole est celle du Semeur ( "que celui qui a des oreilles écoute !"),et qu'il rejoint sans cesse son Père dans la prière silencieuse avant d'agir.

En ce temps de vacances, osons faire le point sur nos méthodes.

1) est-ce que nous sommes reconnaissants envers celles qui se dévouent dans le service quotidien de la cuisine ? Car Jésus ne dévalue pas les humbles tâches des fourneaux ni même la gastronomie ! La brave Marthe a le défaut de vouloir en faire trop...mais elle est aussi une Sainte !

2) En bons occidentaux, nous sommes toujours prêts à prendre des initiatives, à nous lancer dans de nouvelles activités. Et les réunions des paroisses et des Mouvements de se succéder, les discussions de chauffer, les projets de fuser. Pour quels résultats souvent ?.....

Avons-nous d'abord écouté ce que le Seigneur nous demandait ? A quoi bon faire et refaire des tas de choses qu'IL NE DEMANDE PAS...et de ne pas faire ce qu'IL EXIGE et que nous refusons d'entendre ? La 1ère tâche est la prière d'écoute.

3 ! Quand je reçois quelqu'un, est-ce que j'accepte d'écouter SES PAROLES A LUI plutôt que de me croire obligé de l'accabler de ma générosité, de mon savoir-faire et de mes connaissances ?..... Il y a des petits repas frugaux et bavards qui valent bien plus que des festins guindés.

Seigneur, aujourd'hui, comme Marie, je te reçois, je reste devant toi en silence : Parle-moi, guéris mon c½ur de son égoïsme, instruis-moi de ta volonté. Ta Parole est Puissance, Energie, Feu.

C'est elle qui me fera agir. Ensuite. Et pour toi seul.