Pour la 3ème fois, s. Luc nous raconte une invitation de Jésus chez un notable pharisien.
De grâce, débarrassons-nous de nos préjugés vis-à-vis de ces hommes qui, pour la plupart, étaient des croyants sincères sinon remarquables. Israël subissait depuis des siècles l'occupation étrangère si bien que beaucoup de Juifs étaient de ce fait tentés par "l'assimilation", c'est-à-dire l'envie d'abandonner, ou en tout cas de restreindre, les contraintes de la foi des ancêtres. En réaction, la "confrérie" des Pharisiens regroupait des hommes décidés à observer à la lettre tous les préceptes de la Torah afin de compenser en quelque sorte les lâchetés de beaucoup et de sauver les traditions.
En somme, les pharisiens correspondent aux chrétiens qui, insatisfaits par les pratiques ordinaires, s'engagent dans des "Mouvements" (couvents, action catholique, communautés nouvelles, etc.) pour assumer une formation et des responsabilités supplémentaires.
Jésus est toujours prêt à dialoguer avec n'importe qui. Toutefois il ne faut pas attendre de lui qu'il entre dans une maison pour discuter de la pluie et du beau temps, ni même d'abstractions théologiques.
Et on n'achète pas non plus son approbation grâce à de bons petits plats.
A ce club de croyants, Jésus va donner un triple enseignement.
1er ENSEIGNEMENT : L'HOMME PASSE AVANT LA LOI Ce premier paragraphe n'est pas lu dans la liturgie de ce jour.
Soudain se présente devant Jésus un homme souffrant d'un oedème. Or c'est shabbat ! L'interdiction de travailler est stricte : même les médecins ne peuvent intervenir qu'en cas de danger de mort. Mais d'un geste Jésus guérit l'homme en expliquant aux convives :
" Lequel d'entre vous si son fils ou son b½uf tombe dans un puits,ne le hissera pas aussitôt en plein shabbat ?".
Dès le début de sa mission, Jésus avait eu une algarade avec les Pharisiens en osant guérir, à la synagogue, un jour de shabbat, un homme à la main paralysée ( Luc 6, 6).
Admirable est le saint shabbat, respectables sont les lois de la Torah mais il reste que la vie de l'homme l'emportera toujours sur des observances formelles.
2ème ENSEIGNEMENT : L'HUMILITE
Jésus remarquait que les invités choisissaient les 1ères places, il leur dit : " Quand tu es invité à des noces, ne va pas te mettre à la 1ère place de peur qu'on ait invité quelqu'un de plus important que toi et que celui qui vous a invités ne vienne te dire : Cède-lui la place. Alors tu irais tout confus prendre la dernière place.
Au contraire, quand tu es invité, va te mettre à la dernière place afin qu'à son arrivée celui qui t'a invité te dise : "Mon ami, avance plus haut". Alors ce sera pour toi un honneur devant tous ceux qui sont à table avec toi.
Car tout homme qui s'élève sera abaissé
et celui qui s'abaisse sera élevé".
Dans les sectes juives de l'époque et notamment à Qumran, on avait un sens très fort de la hiérarchie : les titres académiques, le prestige des grandes familles, le niveau de fortune fixaient l'ordre des places et permettaient de reconnaître les qualités et les fonctions de chacun. Jésus demande à ces hommes de cesser de jouer des coudes et de se faufiler habilement pour se glisser dans le haut du panier.
Pas de vanité, plus d'ambition, plus de rivalités mesquines, plus de "carriérisme". L'invitation au repas avec Jésus ne se confond pas avec une course aux honneurs, une compétition où l'on entend montrer aux autres qui l'on est.
Laissons Dieu distribuer les places. Imitons Jésus qui, au lieu de revendiquer la gloire qui lui revenait, a pris la place de serviteur.
Et rappelons-nous comment Marie, dans son cantique du Magnificat, chantait la conduite de Dieu :
"Il disperse les orgueilleux,renverse les puissants de leurs trônes,
mais élève les humbles
et comble de biens les affamés" ( Luc 1, 51).
3ème ENSEIGNEMENT : LE DON DESINTERRESSE
Jésus dit à celui qui l'avait invité :
" Quand tu donnes un déjeuner ou un dîner, n'invite pas tes amis ni tes parents ni de riches voisins sinon eux aussi t'inviteront en retour et cela te sera rendu. Au contraire, quand tu donnes un festin, invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles et tu seras heureux parce qu'ils n'ont pas de quoi te rendre.En effet cela te sera rendu à la résurrection des justes".
Autre défaut très répandu dans les confréries et les équipes de toutes sortes : on se regroupe par affinité, on mange ensemble dans la concorde et la bonne humeur parce que l'on appartient à la même classe. Et celui qui reçoit ses confrères sait très bien que la pareille lui sera rendue bientôt. C'est un prêté pour un rendu.
Jésus appelle à rompre avec cette mentalité de ghetto, il exhorte les riches à ne pas s'enfermer dans leur milieu, entre gens bien élevés, bien habillés, qui savent se tenir à table et rivalisent pour s'offrir de somptueuses réceptions. Les handicapés dont parle Jésus étaient considérés comme plus ou moins marqués par le mal et le péché : ils ne pouvaient faire partie des Pharisiens, ils étaient pauvres, mal habillés, peu instruits...donc ils n'étaient pas gens fréquentables. Jésus fait éclater le cercle, il appelle à aller plus loin que l'échange et à découvrir la valeur du don désintéressé.
Il apprend à donner sans attendre de retour. Cet acte d'amour sera récompensé : Dieu y veillera à la Résurrection.
Toute page d'évangile ne se limite jamais à évoquer un souvenir historique. Ces leçons données jadis par Jésus n'ont pas pour but de jeter le discrédit sur ces Juifs pharisiens. Par cette scène, l'évangéliste nous rappelle comment nous comporter, et en paroisse et dans nos Mouvements, afin de célébrer dignement "le Repas du Seigneur".
1) Si essentielles que soient les obligations légales, elles s'effacent devant le devoir impérieux de soigner le malade si l'occasion s'en présente. Ainsi l'obligation de la messe est suspendue s'il faut sauver une vie.
2) L'ambition, la recherche des honneurs sont à bannir absolument. Pas de rivalité mesquine pour obtenir les meilleures places. Pas de chaises en velours réservées à certains, pas d'élite. Si les hommes se rassemblent par goût ou par intérêt (à l'Opéra ou au Rock, à la Tour d'Argent ou au snack, au conseil d'administration ou au syndicat), la communauté du Repas de Jésus n'admet pas ces divisions : chacun y est accepté tel qu'il est, revêtu de la même dignité. Car chacun a une valeur unique : être racheté par le sang du Christ.
3) Il faut veiller à ne pas nous enclore dans des milieux uniformisés et à pratiquer le don totalement désintéressé, l'amour des handicapés, des pauvres, de tous ceux qui n'ont pas de quoi nous rendre.