Maître, serviteur, ces mots reviennent souvent dans l'évangile de ce jour. Si ce n'est pas spontanément un vocabulaire que nous aimons, surtout en ce temps de vacances, cela vaut cependant la peine de s'arrêter pour en chercher le sens.
Jésus est sur la route de Jérusalem et il va vers sa passion. Ses paroles s'adressent à ses disciples qui doivent se préparer à son départ. En l'absence de Jésus, après sa mort, ils devraient être en attente, préparer l'établissement du Règne de Dieu, qui viendrait en son temps.
Avant donc de quitter ses disciples, Jésus leur avait dit : « Soyez comme des gens qui attendent leur maître. » Et il était parti. Il leur avait demandé de rester en tenue de service, de garder leurs lampes allumées. Il s'agissait donc pour eux de veiller et d'attendre activement . Les premières communautés chrétiennes ont espéré avec impatience un retour de Jésus. Elles étaient persuadées que le Seigneur reviendrait bien vite, qu'il ne tarderait pas trop. Il ferait lui-même justice et rendrait à chacun selon sa conduite. Cet espoir les a beaucoup aidé pendant les temps difficiles de la persécution. Il était une condition indispensable au soutien de leur persévérance. Mais avec les siècles, l'absence durait beaucoup plus que prévu et ses effets commençaient tout doucement à se faire sentir.
Comme le Christ ne semblait pas revenir, certains ne croyèrent plus à son retour, d'autres cherchèrent ailleurs. Plusieurs rêvaient aussi de recréer ici, dès maintenant, ce monde pacifié où il était allé. Ils cherchaient un peu à établir le paradis sur terre. Alors, pour cela ils se mirent à préciser, en son nom, des lois et des codes de morale. Ils imposèrent des règles de foi avec un pouvoir fort, qui pourrait s'exprimer au nom du grand Absent. Ainsi parviendraient-ils à resserrer les liens et à redorer un peu le blason du petit troupeau restant.
Oui, mais voilà, peut-être oubliait-on trop vite qu'il avait dit : « Restez en tenue de service et la lampe allumée » Alors, il faudrait, par delà nos prudences, nos craintes, nos manques de foi, devenir serviteurs comme il l'avait été lui-même. Hommes du XXème siècle nous savons bien que la fin du monde n'est pas pour bientôt et qu'à moins d'une catastrophe écologique, notre monde moderne peut toujours évoluer encore pendant bien des siècles. Il nous faudrait donc éclairer nos pas vers l'avenir à la lumière de son message, l'Evangile.
Tout d'abord ce maître attendu et tardant à venir est quelqu'un de surprenant : « Heureux les serviteurs que le maître trouvera ainsi en train de veiller. Amen, je vous le dis : c'est lui-même qui prendra la tenue de service et les servira chacun à son tour. » Avez-vous déjà vu un maître qui sert son serviteur ? Un maître qui, rentrant de voyage prend lui-même la tenue de service et sert son domestique ? Aucun maître sur terre n'agit comme cela.
Pourtant Jésus est capable de proposer un tel comportement. Alors que ses disciples se disputaient pour savoir qui était le plus grand, il leur déclare : « Je suis au milieu de vous à la place de celui qui sert » En une autre occasion, il dira encore : « Le Fils de l'Homme est venu non pour être servi mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude ». Et en effet, au soir du jeudi-saint, il se lève de table, dépose son vêtement et prend un linge qu'il noue à sa ceinture. Il verse de l'eau dans un bassin et commence à laver les pieds de ses amis et à les essuyer avec le linge dont il était ceint. « C'est un exemple, dit-il, que je vous ai donné ». Nous avons donc un maître qui se fait serviteur de ses serviteurs. Voilà pourquoi il nous demande de rester en tenue de service. Puisque lui-même a vécu le service jusqu'à la mort, jusqu'à donner sa propre vie, nous pouvons lui ressembler lorsque nous nous faisons serviteurs et rendons service à ceux qui nous entourent. C'est l'occasion pour nous de nous demander si nous sommes comme lui d'abord et avant tout des serviteurs ? Sommes-nous aussi des veilleurs ? « Soyez comme des gens qui attendent » nous a-t-il dit.
Mais justement qui peut avoir encore aujourd'hui le temps d'attendre ? Le temps n'est-il pas de l'argent ? Et actuellement n'est-ce pas le temps qui coûte le plus cher ? En économie, ne sont-ce pas les délais qui sont les plus ruineux ?
Il est important pour nous chrétiens de ne plus confondre l'attente et l'impatience. L'attente du Royaume n'est pas celle d'un départ de T.G.V. ! Elle est davantage un c½ur en désir plutôt que la peur d'être en retard. Celui qui attend, c'est celui qui, regardant autour de lui, trouve encore un peu d'espérance et intensifie celle-ci d'un grand désir.
Ainsi nous verrions autour de nous et en nous, tant de gestes d'amour, de luttes pour la justice, pour la paix et l'entraide, pour la solidarité, tant de passions pour l'homme, pour son respect, pour sa grandeur que nous nous écrierions : « Mais le Seigneur est déjà là et nous ne l'avions pas reconnu ! » Nous le decouvririons présent et agissant, à travers tant d'hommes et de femmes au c½ur droit et sincère, à travers nous aussi ! Il est là présent et agissant dans le monde et dans les chrétiens, par son Esprit.