1er dimanche de Carême B

Auteur: Raphaël Devillers
Date de rédaction: 22/02/15
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

CHOUETTE …….. V’LA LE CARÊME !

Naguère les choses étaient simples : l’entrée en carême signifiait « faire pénitence », c.à.d. nous priver de friandises et manger du poisson le vendredi. La qualité du carême se mesurait au nombre de petits sacrifices consentis. Bien ! mais on a progressé : « le carême de partage » nous appelle à un geste de générosité à l’endroit de la multitude des pauvres. Bien ! mais aujourd’hui l’état du monde et de l’Eglise ne nous oblige-t-il pas à aller plus loin encore ?

L’évangile de ce dimanche nous permet de méditer sur l’unique période de jeûne de Jésus et d’éclairer les dimensions de cette pratique.

Jésus venait d’être baptisé. Aussitôt l’Esprit le pousse au désert. Et, dans le désert, il resta quarante jours, tenté par Satan. Il vivait parmi les bêtes sauvages, et les anges le servaient.

Après l’arrestation de Jean le Baptiste, Jésus partit pour la Galilée proclamer l’Évangile de Dieu ; il disait : « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle ».

BAPTEME : CONSCIENCE DE SON IDENTITE. Au point de départ, avant de se demander ce qu’il faut faire, il importe de se rappeler qui l’on est : le baptême nous a réellement fait renaître, l’Esprit-Saint nous a investis et nous sommes devenus des enfants de Dieu. « Mes bien-aimés, dès à présent nous sommes enfants de Dieu » (1e lettre de Jean 3, 2) : « Vous avez reçu un Esprit qui fait de vous des fils adoptifs et par lequel nous crions : ABBA-PERE ! » (Paul aux Romains 8, 15)

Cet honneur ne nous met pas à part, ce privilège ne nous place pas au-dessus des autres. Le baptême n’est pas une assurance tout-risques, une garantie contre l’enfer mais une vocation, un appel à consacrer son existence à Dieu et au service des hommes afin que tous deviennent aussi des enfants de Dieu rassemblés dans un monde de droit, de justice et de paix. Nous redevenons conscients de notre baptême dont nous renouvellerons les engagements dans la nuit de Pâques.

REFLEXION ET LUTTE DANS LA SOLITUDE. - Etre « fils bien-aimé » est un acte d’investiture qui confère une mission mais Dieu n’a rien précisé pour la suite. C’est pourquoi Jésus rompt avec la foule et s’enfonce, seul, dans la solitude pour méditer. Il va être tenté. La tentation n’est donc pas un mal, un péché : elle est le revers de notre liberté. Le « Fils de Dieu » demeure « fils d’homme », tenu de réfléchir de façon personnelle, d’opter pour tel comportement et rejeter l’autre.

Le carême n’est donc pas un temps de piété tranquille mais de combat. S’il est normal d’avoir envie de goûter son petit bonheur à l’abri dans le bunker de son ego, il est chrétien de déceler la tiédeur de notre foi, la perversité de notre indifférence et de notre cupidité et de prendre la décision de « sortir », de prendre des engagements.

Réchauffement climatique, pollution, centaines de millions d’hommes affamés, distorsion sociale (de plus en plus de riches et davantage de pauvres), fraude fiscale, diminution des prêtres, panne de transmission de la foi… : quelles décisions puis-je prendre sans attendre que d’autres commencent ?...

La vie chrétienne, parce que libre, est un combat perpétuel car nous serons toujours tentés de chercher la solution la plus facile, celle qui nous arrange le mieux.

Nous ne sommes pas toujours vainqueurs mais jamais désespérés car la confiance en Jésus nous permet de ne pas perdre cœur  L’humiliation de nos chutes nous fait demander et obtenir la miséricorde.

AVEC LES BETES. « Il vivait parmi les bêtes sauvages » : cela évoque le mythe d’Adam qui, sans faute, pouvait vivre au milieu de toutes les créatures dans un univers sans hostilité.

Le carême est un temps pacifié, sans agressivité, libéré de la loi de la jungle où tout prédateur dévore sa proie, où le plus fort tue le plus faible. Il n’y a plus de ressentiment, de rancune, de peur de l’autre. On rentre ses griffes, on goûte la douceur de Dieu.

AVEC LES ANGES. « Les anges le servaient ». Marc ne parle pas du jeûne mais il est évident que « le désert », ce lieu à l’écart, oblige à la sobriété, fait ressentir le manque. La privation n’est pas seulement un geste d’ascèse : le corps non repu incite le cœur à se nourrir de la vérité. Parce que Jésus était tout donné à son Père, parce que sa « nourriture était de faire la volonté de son Père et d’accomplir son œuvre » (Jn 4, 34), il était tendu pour percevoir le grand désir de Dieu qui le faisait vivre.

Le carême est le grand temps d’écoute de la parole de Dieu. Comment m’y appliquer ?...

FOI DANGEREUSE : JEAN-BAPTISTE EST LIVRÉ. Un jour, Jésus apprend que l’on vient d’arrêter Jean-Baptiste qui osait dénoncer les mœurs du roi. Jésus y voit un signal et, terminant sa retraite, il remonte vers sa province de Galilée et commence sa mission. La fin tragique de son maître lui fait augurer de la sienne : lui aussi devra dénoncer les pratiques des puissants et il sera en danger de mort. Après l’eau du baptême et le feu du soleil du désert, il y aura le sang répandu.  

Le carême initial jette une lueur sur la croix future et donne à Jésus la force et le courage d’aller jusqu’au bout. Fils bien-aimé, comment pourrait-il jamais être abandonné par son Père ? Le passage du Jourdain et du désert l’assurent de pouvoir passer le torrent de la mort.

Faire advenir le Royaume de Dieu sur terre est une tâche très dangereuse qui outrepasse les discours pieux, les consolations émollientes, la morale privée. Le carême n’est pas une illusion, un mirage, une parenthèse : il ouvre les yeux sur l’enjeu dramatique du salut des hommes.

LE BUT : JESUS PROCLAME LA BONNE NOUVELLE.  En sortant du désert, Jésus a compris comment réaliser la volonté de son Père : par la parole et la pauvreté, au cœur des relations humaines.

Le carême est un temps de préparation, d’entraînement. La solitude permettra de se plonger ensuite dans l’humanité ; le silence autorisera à parler avec franchise et vérité ; le jeûne enverra partager les fêtes des hommes afin de leur annoncer la joie de la Bonne Nouvelle.

CONCLUSION. Les 5 lignes de Marc nous ouvrent à une réflexion profonde à propos de notre carême et de l’engagement qui peut s’ensuivre.

Le texte très fort de notre Pape (ci-dessous) alimentera notre méditation de ces prochaines semaines.