1er dimanche de l'Avent, année B

Auteur: Raphaël Devillers
Date de rédaction: 30/11/14
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : A
Année: 2014-2015

« Que la Grâce et la Paix soient toujours avec vous,
de la part de Dieu notre Père et de Jésus Christ le Seigneur »

On accuse souvent l’Eglise d’être en retard sur son époque, embourbée dans des coutumes désuètes, apeurée devant le monde moderne. Certains de ces reproches sont parfois mérités car l’Eglise proclame aujourd’hui qu’elle devrait être en avance sur son temps puisque, un mois avant la société, elle entre dans l’année 2015. Nous sommes donc invités ce jour non seulement à répéter des « Bonne Année ! » mais à prier pour que la grâce nous travaille, à nous interroger sur « le temps » et à reprendre conscience de nos privilèges, lesquels sont également des responsabilités.
Privilège : d’abord nous savons pourquoi nous entrons en 2015 : c’est parce que le calendrier a été établi à partir de la venue du Christ dans l’histoire (même si le moine Denys le Petit, chargé du calcul, a commis une légère erreur et que nous entrons sans doute en 2020 ou 21). L’histoire porte donc essentiellement l’accomplissement progressif du mystère du salut de l’humanité.
Ensuite nous savons vers quoi nous nous dirigeons. L’histoire n’est pas une simple succession d’années qui nous emportent vers la déflagration finale et le néant : elle nous conduit à la rencontre du même Christ. Celui qui fut un pauvre homme, méprisé et condamné, sera le Juge de l’humanité dans la Gloire de Dieu. A quelques jours de son rejet par les hommes et de sa Passion, il l’affirmait clairement à ses disciples comme nous le redit l’évangile de ce jour :
Jésus parlait à ses disciples de sa venue :
«  Prenez garde, restez éveillés : car vous ne savez pas quand ce sera le moment.
C’est comme un homme parti en voyage : en quittant sa maison, il a donné tout pouvoir à ses serviteurs, fixé à chacun son travail, et demandé au portier de veiller.
Veillez donc, car vous ne savez pas quand vient le maître de la maison, le soir ou à minuit, au chant du coq ou le matin ; s’il arrive à l’improviste, il ne faudrait pas qu’il vous trouve endormis.
Ce que je vous dis là, je le dis à tous : Veillez ! »
Jésus se compare à un maître qui a fondé une maison : son Eglise n’a pas un territoire, elle ne se démarque pas de la marche du monde.
Cette communauté, il l’a voulue organisée : « il a donné tout pouvoir à ses serviteurs » les apôtres : ils communiquent Sa vie, proclament son Evangile, donnent le pardon à toux ceux qui le demandent.
Les chrétiens ne sont pas des moutons qui se contentent d’obéir à des ordres, ni des soldats qui partent à la conquête du monde. « Il a fixé à chacun son travail » : chacun a reçu une vocation unique, un ou des talents qu’il doit mettre en œuvre pour que le témoignage du Christ se répande dans le monde entier et que la Maison se remplisse. Non par la violence mais par la séduction de la beauté du message.
« Le portier » c.à.d. le responsable de l’Eglise universelle et tous ceux qui ont reçu mission de conduire leurs frères sont l’objet d’une exhortation spéciale parce que leur fonction est essentielle : garder leurs frères dans la concorde, veiller à la lumière de la foi, relever les déchus, rendre force aux découragés, réfuter les objections, encourager dans les persécutions.

A ECHEANCE INDETERMINEE

Des millions d’êtres humains ont commencé 2014 dans l’allégresse, dotés d’une bonne santé et d’une belle situation et ne verront pas l’année suivante ; les savants cherchent le nombre de milliards d’années qui restent à l’univers ; devant les dangers qui s’accumulent de plus en plus menaçants, certains annoncent une fin plus proche qu’on ne l’avait cru. Impossible donc de prédire le terme. Jésus ne précise pas la date afin que nous ne vivions pas dans l’angoisse du péril imminent mais il dévoile le contenu de l’événement : ce ne sera pas essentiellement l’arrêt du cœur, la catastrophe, la mort, la déflagration finale mais sa rencontre avec lui : « Le Maître de maison reviendra ».
Il jette quand même une certaine lueur sur le moment : « soir – minuit- chant du coq – matin » : les 4 veilles de la nuit romaine. Comme si sa venue n’allait pas survenir en pleine lumière quand tout semble aller pour le mieux, mais à l’heure nocturne, lorsque l’humanité traverse les ténèbres et que la tentation du sommeil et de l’oubli est la plus forte. La nuit nous décourage ? C’est Lui qui approche.

LE GRAND DEVOIR : VEILLER


Répété à 4 reprises en finale de l’ultime instruction de Jésus à ses disciples, la consigne de « VEILLER », liée à celle d’ « AIMER » est l’une des plus importantes de l’Evangile. Il ne s’agit évidemment pas que la peur nous empêche de dormir. La vigilance de certains est nécessaire pour la survie des autres.
Le berger veille sur son troupeau parce qu’il sait que des prédateurs rôdent et que ses bêtes sont fragiles ; la sentinelle reçoit l’ordre de demeurer vigilante pour que ses camarades puissent prendre du repos et afin d’alerter au moindre danger ; l’’infirmière veille au chevet d’un malade à la santé déclinante.

Le disciple de Jésus se bat contre l’assoupissement et l’oubli, il garde conscience de l’enjeu de sa vie, de sa responsabilité vis-à-vis des hommes. Il ne cherche pas seulement à être au courant des événements du monde : il tente d’en percevoir le sens et les signes que fait Dieu dans l’actualité. Il n’est pas un cassandre qui se lamente sur les mauvaises nouvelles : au contraire il est un vrai prophète qui rend l’espérance quand tout s’écroule, qui montre les étoiles quand les ténèbres terrifient, qui alerte ses  frères aveugles sur un danger imminent.
« Chacun a son travail fixé » car la vigilance est active. Lors des précédents dimanches, Matthieu nous redisait que chacun – même celui qui n’en n’a reçu qu’un – est tenu de faire fructifier son talent ; qu’il faut absolument avoir sa lampe allumée et conserver une provision d’huile (l’Esprit-Saint) lorsque font rage les tempêtes qui se déchaînent pour éteindre la foi.
Ainsi chaque jour de chaque créature humaine a une importance unique. Nous savons donc comment il nous faut vivre : au milieu des temps Jésus nous l’a révélé.

C’est pourquoi l’Eglise entre déjà aujourd’hui dans la nouvelle année. Non bardée de certitudes pour condamner les incrédules. Non drapée dans son honneur et fière de ses privilèges. Mais chargée de mission pour le monde, nommée avant-garde de l’humanité qui se débat dans les ténèbres du mal.
Humiliée de n’avoir jamais très bien accompli sa mission, elle se tourne vers son Seigneur et lui demande la grâce de se convertir et d’assumer ses responsabilités : alerter les hommes sur les périls mortels de l’orgueil, de la haine, de la violence, rendre courage à ceux qui sont abîmés, relever ceux qui sont tombés, éclairer les désespérés.  
Lorsqu’elle est vraie, l’Eglise est prophétique. Elle n’assomme pas des certitudes, elle ne défend pas sa vanité, elle ne racole pas pour accroître ses effectifs. Si elle est la Voix qui souvent se perd dans le désert, elle est surtout un peuple, une communauté d’hommes, de femmes et d’enfants qui partagent la même condition humaine et ne désertent pas les combats des hommes. Quand la nuit s’étend, qu’il est beau et courageux d’annoncer l’aube.
L’année 2015 ne sera peut-être pas bonne (à vue humaine) mais elle sera sainte parce que le souffle de l’Esprit continue à emporter le monde du Père à la rencontre de son Fils. Parce que la longévité ne se confond pas avec l’éternité. Parce que la croix du Christ, plantée au centre de l’histoire, proclame que l’horreur peut se transformer en honneur, et parce qu’elle annonce toujours Pâques.