1er dimanche de Carême, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : B
Année: 2008-2009

"Carême" ? Encore un mot devenu insignifiant. Aussi importe-t-il d'abord de ressaisir le sens de cette période qui nous prépare à Pâques. Au moment même où la nature figée par l'hiver frémit sous le renouveau du printemps, l'Eglise nous propose non pas la tristesse mais au contraire un sursaut de vie, une "ré-surrection". Ne tirons pas "une face de carême", quittons cette piété morose et sinistre qui fait fuir les jeunes et osons un christianisme de vie. Notre bonheur, en effet, consiste dans l'équilibre des trois relations qui nous constituent : relation à nous-mêmes et à notre corps - rectifiée par le JEÛNE relation aux autres- justifiée par le PARTAGE DES BIENS relation à Dieu. - établie par la PRIERE

Jadis, on nous invitait à un "carême de pénitence" - 1ère relation - : faire des sacrifices, jeûner, nous priver de dessert, manger du poisson à certains jours. On risquait de tomber dans le formalisme et l'enfantillage. Pharisaïsme ! Dans les années 60, avec le Concile et la découverte de la tragédie de la faim dans le monde, on inventa le "carême de partage"- 2ème relation - : donner de l'argent pour soutenir des projets de développement dans le tiers-monde. Bien ! mais combien de chrétiens ne donnent même pas le 1/10ème de ce qu'ils dépensent pour leur superflu et leurs voyages ?...Pharisaïsme !

Le temps est venu de redécouvrir en priorité notre relation à Dieu et de faire un "carême de prière". Non de rabâchage de formules mais d'oraison courageuse à l'écoute de Dieu, dans le silence et la solitude. Car c'est la vérité de ce rapport essentiel qui nous permettra de convertir les autres relations

LE CAREME INAUGURAL DE JESUS AU DESERT

En effet telle fut bien l'action première de Jésus au lendemain de son baptême, comme le rapporte Marc dans l'évangile de ce 1er dimanche : il ne dit pas que Jésus n'a plus mangé ni qu'il s'est lancé dans l'action humanitaire ni qu'il s'est mis à prêcher aux foules. Il est allé prier tout seul.

Comme beaucoup de jeunes de son temps, le charpentier de Nazareth, avait répondu à l'appel de Jean-Baptiste qui annonçait la venue du Messie. Sous l'exhortation du prophète, Jésus était descendu dans le Jourdain mais, en sortant de l'eau, il avait soudain perçu l'appel de Dieu : " Tu es mon fils bien aimé : en toi j'ai mis mon bon plaisir".

Tous les autres baptisés retournèrent chez eux et reprirent leur vie ordinaire. Ils avaient accompli un rite mais allaient-ils se convertir réellement comme l'exigeait le Baptiste ? Rien n'est moins sûr. Jésus, lui, bouleversé par la Voix de Dieu, s'enfonça dans la solitude du désert.

Jésus venait d'être baptisé. Aussitôt l'Esprit le poussa au désert. Et dans le désert, il resta 40 jours, tenté par satan. Il vivait parmi les bêtes sauvages et les anges le servaient.

Jésus vient de recevoir son ordre de mission : il est le Fils chéri de son Père du ciel qui le charge d'instaurer aujourd'hui le Royaume de Dieu parmi les hommes. Son identité et sa mission lui sont solennellement proclamées, mais dès lors que faire ? Aucune précision ne lui a été communiquée. Le Fils de Dieu n'est pas un pantin manipulé mais un homme libre qui doit réfléchir, méditer, chercher afin d'accomplir le projet de Dieu tel que Dieu le veut.

Sous la poussée de l'Esprit, Jésus commence une retraite personnelle. Elle durera 40 jours - claire allusion au peuple de ses ancêtres, les esclaves hébreux, libérés d'Egypte, et ayant passé la Mer pour marcher pendant 40 ans dans le désert du SinaÏ. Jésus reprend l'aventure de son peuple qui, à cause de ses infidélités, a échoué à faire venir le Royaume de Dieu.

Jésus est "tenté par satan" - La tentation n'est pas un péché : elle est la conséquence normale de notre liberté. Si l'animal est conduit par ses instincts, l'être humain se trouve perpétuellement devant un choix : deux chemins s'offrent à lui. Au contraire des Hébreux dans le désert qui succombaient sans cesse aux tentations, renâclaient devant les volontés de Dieu, "râlaient" devant les circonstances précaires, refaisaient des idoles, Jésus, lui, discerne le bien du mal, il écarte les suggestions mensongères et opte pour Dieu seul !

Inaugurer le Royaume de Dieu : par quelle méthode, par quel moyen ? A la différence de Matthieu et Luc, Marc ne précise pas les trois tentations fondamentales auxquelles Jésus est soumis ( le matérialisme, le prestige du miracle, l'emploi de la violence). Elles sont celles que tout homme rencontre.

Il vit "parmi les bêtes sauvages du désert" : il retrouve la paix du paradis, il échappe à la cruauté, à la loi de la jungle, à la dictature de la violence. Avec lui déjà la création retrouve son harmonie.

Et "les anges le servent" : les mystérieuses créatures spirituelles s'inclinent devant cet homme qu'elles reconnaissent d'un statut supérieur au leur.

Un jour, Jésus apprend que Jean-Baptiste vient d'être arrêté. La voix du précurseur s'est tue : la voix du Messie peut retentir. Jésus est décidé et il sait que sa mission le conduira sans doute au même destin. Il retourne dans sa province. Le héraut de l'Evangile se fait entendre et appelle les libertés :

Jésus partit pour la Galilée, il proclamait la Bonne Nouvelle de Dieu : " Les temps sont accomplis ; le Règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l'Evangile"

POUR NOTRE CAREME EN VERITE

Voilà la scène, brève mais capitale, que l'Eglise met sous nos yeux en ce jour inaugural. Qu'est donc le carême ? D'abord reprendre conscience de notre identité nouvelle. Au baptême, en nous disant : " Tu es mon fils, tu es ma fille" et en nous donnant son Esprit, Dieu nous a offert la communion de vie avec lui et donc entre nous. Nous sommes devenus le peuple des enfants de Dieu, des frères et s½urs animés du même Esprit. Cet Esprit nous pousse à débusquer les tentations insidieuses qui nous éloignent de Dieu. Redécouvrons l'essence de notre mission et la manière de l'accomplir. Nous sommes le peuple messianique : telle est notre vocation fondamentale, notre profession. Donc comme Jésus, entrons en désert : solitude, silence, recul, réflexion. Ecartons les divertissements futiles.


Baptisés et même pratiquants de la messe dominicale, ne vivons-nous pas finalement comme des païens ? Suffit-il d'être gentil, honnête, serviable pour être chrétien ?

 

-- -Quel est le signal de la crise actuelle ? On se rend compte que l'on a adoré l'Argent, couru après le profit, oublié les pauvres, gaspillé les ressources . L'Evangile avait prévenu que là était le mal, l'ignominie, le péché !!


Depuis la naissance de "la société de consommation" (jouir de tout, tout de suite), pourquoi séminaires et couvents se vident-ils ? Pourquoi n'arrivons-nous plus à transmettre nos convictions de foi aux nouvelles générations ? Le carême est un temps favorable pour le débat, les échanges : réunissons-nous. Que faire ensemble ?

 

-- - Alors que le Concile avait promu une formidable réforme afin de nous offrir une liturgie vivante, parlante, interpellante, pourquoi nos assemblées s'amenuisent-elles à ce point ? Pourquoi cette hémorragie des pratiquants ? Faut-il accuser la société ou prendre conscience de l'insuffisance de nos engagements devant les défis de la modernité ?