Avant un examen, un contrôle, voire une interrogation, lorsque j'étais enfant, j'aimais prier intensément pour que je réussisse l'épreuve à laquelle j'allais être soumis. Il faut dire que j'avais des parents qui étaient loin d'être daltoniens et qui repéraient toujours le possible rouge dans le bulletin, oubliant ainsi par la même occasion tous les verts qui étaient en grande majorité sur la page blanche. Humblement, je dois reconnaître que mes prières étaient très souvent entendues. Toutefois, de temps à autre, j'avais l'impression que Dieu était atteint d'une certaine surdité car il refusait de répondre à mes prières et je me trouvais alors en échec. Je me demandais pourquoi, il m'imposait un tel traitement : la réussite puis l'échec. Après de longs moments de réflexion, tout s'éclaira en moi. Je réussissais les examens, contrôles et interrogations que j'avais étudiés et j'échouais dans ceux pour lesquels je n'avais pas focalisé toute mon attention. Prier ne suffisait donc pas. Il fallait que ma prière soit accompagnée d'un certain temps de travail personnel. En d'autres termes, contrairement à mes espérances d'enfant, Dieu n'était pas un magicien. Et c'est vrai que de temps à autre, nous aimerions bien qu'il le soit ce fameux magicien qui en un coup de baguette magique pourrait transformer notre destin. Il me suffirait de le prier, de le supplier. Et lui, du haut de sa Majesté suprême, m'octroierait ma supplique. Cette tentation d'espérer que notre Dieu puisse changer le cours des événements, peut être vécue tout au long de la vie lorsque nous sommes touchés par la souffrance physique, mentale ou morale. Il peut nous arriver d'espérer que le coup du destin qui nous met tant à mal puisse en un instant se transformer pour retrouver le sourire de la vie. Nous pouvons parfois avoir l'impression que notre démon intérieur nous pousse à cela. Un peu à l'image de ces trois tentations vécues par Jésus dans le désert. Dieu n'est pas un magicien nous démontre son Fils. Il n'aime pas se donner en spectacle, comme si le spectaculaire ne pouvait plus faire partie de son monde divin. Non, Dieu se laisse appréhender autrement dans le cours de nos existences. Il se dévoile tout en intériorité. L'Esprit souffle en nous comme une brise légère. Pourtant, le destin peut nous frapper à tout moment. Le destin, oui. Mais pas notre destinée. En effet, le destin, il se subit. Il s'impose à nous. Nous ne l'attendions pas. Nous ne le souhaitions pas. Tandis que cette destinée à laquelle toutes et tous nous sommes appelés et qui varie d'une personne à l'autre, elle s'accomplit par la manière dont nous vivons les événements qui traversent nos vies. Et il est vrai que lorsque le destin nous frappe, nous avons le sentiment que l'expérience à laquelle nous sommes confrontés peut nous diviser, c'est-à-dire nous détourner de nous-mêmes puisque mon identité est devenue intimement liée à la douleur que je subis comme si le « je pense donc je suis » de Descartes se transformait en « je souffre donc je suis » tellement je suis identifié à cette nouvelle situation. Confronté à cette réalité insensée, je peux me demander pourquoi de telles épreuves me sont envoyées. Mais est-ce vraiment la volonté de Dieu ? D'après l'évangile de ce jour, il semble qu'il n'en soit pas ainsi. Dieu ne nous envoie pas des épreuves. En effet, l'Esprit ne conduit pas Jésus dans le désert pour être tenté. Loin s'en faut. L'évangéliste nous fait découvrir que Jésus fut conduit par l'Esprit à travers le désert. « A travers » et non plus « dans ». Voilà une nuance de langage qui me paraît essentiel lorsque nous traversons à notre tour un temps de désert où nous nous sentons tentés par l'image d'un Dieu qui pourrait tellement facilement changer le cours des événements lorsque le destin nous frappe injustement. Dieu ne nous conduit pas dans le désert. Il ne cherche pas à nous tenter pour nous faire mal. Dieu nous conduit à travers nos déserts. Il est à nos côtés dans cette traversée. Il nous accompagne sur le chemin de la vie. Il nous tient par la main, même si cette main divine est tellement humaine puisqu'elle appartient à celle ou celui qui s'est fait proche de moi. L'Esprit de Dieu se dévoile à nous dans l'intimité de l'amour et de l'amitié, dans l'intériorité nos vies là où vivent des forces qui sont bien plus grandes que ce que nous aurions pu imaginer. Puissions-nous alors en ce temps de Carême, oser quitter nos espérances d'un Dieu magicien pour retrouver le Dieu de Jésus-Christ qui nous accompagne sur la route de notre destinée même si nous n'en connaîtrons jamais tous les tenants et aboutissants. Qu'au plus intime de notre intime et qu'au plus intime de l'autre, là où la sève du c½ur prend sa source, nous trouvions les forces nécessaires pour rencontrer l'Esprit de Dieu qui traverse avec nous les épreuves de la vie.
Amen.