Nos trois années liturgiques commencent chacune par la lecture d'un passage de la fin de l'évangile qui la caractérise. En cette année « A » qui commence, c'est un passage du dernier discours de Jésus dans l'évangile de Matthieu au chapitre 24. Commencer par la fin, voilà qui n'est pas banal ! Ouvrir l'année par un enseignement de Jésus qui annonce sa venue à la fin des temps et qui nous invite à la vigilance afin d'être prêts à l'accueillir à tout moment : « Tenez-vous donc prêts, c'est à l'heure où vous n'y pensez pas que le Fils de l'homme viendra ! »
C'est que le temps de l'Avent est à la fois le temps du commencement et celui de la fin. Depuis la naissance de Jésus, nous sommes dans le temps de la fin car, comme le dira Jésus en croix : « tout est accompli ». La manière chrétienne de vivre consiste à recueillir les fruits de ce qui s'est accompli jadis, au temps de Jésus, et de vivre chaque jour dans l'espérance de sa venue. En effet, notre existence ne trouve son véritable sens que si elle est à la fois enracinée dans cette venue que nous célébrerons à Noël et aimantée par sa venue toujours imminente.
Or, bien souvent, nous ne sommes pas dans le présent ; nous rêvons au passé que nous regrettons ou nous faisons des projets pour un demain qui n'existe pas encore. Or, c'est au présent que tout se joue, parce que Dieu est toujours présent. Nous ne devrions jamais oublier cela.
Dans moins de quatre semaines, nous serons donc à Noël, et nous célébrerons dans la joie des « gloria » ce mystérieux événement de la naissance de Dieu dans l'humanité. Cette naissance a très secrètement bouleversé le cours de l'histoire humaine. Car Celui qui est né de Marie, c'est l'Emmanuel, Dieu « en personne » qui a décidé de venir pour être avec nous, pour habiter quotidiennement au c½ur de nos histoires, jusqu'à la fin des temps (cf. Mt 28,20).
C'est souvent dans l'épreuve qu'on découvre en soi la force inouïe de l'espérance. Croire, c'est découvrir en soi, comme Abraham, la force divine d'« espérer contre toute espérance » (Rm 4,18). Il y a tant de souffrances, tant de drames et de larmes sur notre terre : pensons à nos frères des Philippines, de Syrie et de Centrafrique. Il y a trop de lieux sur la terre, où des hommes, des femmes et des enfants vivent en enfer ! La question de l'espérance est vitale surtout pour eux, qui tiennent malgré tout, dans des difficultés terribles. Prions pour qu'ils gardent l'espérance.
La venue de Jésus nous a donné la certitude que l'enfer passera. Nous avons cette folle espérance que le mal n'aura pas le dernier mot en ce monde, parce que Dieu a décidé de l'habiter et qu'il s'est fait proche de ceux qui sont perdus, comme Jésus crucifié au milieu des larrons.
La force du chrétien réside donc dans l'espérance qui l'habite ! Sa force est de croire que la nouveauté promise s'est infiltrée en profondeur en ce monde et que la nuit ne l'emportera jamais sur le jour. Notre vie ne s'arrête pas à ce que nous en percevons. Elle a une dimension cachée, secrète et subversive. L'espérance habite au fond de notre c½ur, même et surtout quand les choses tournent mal. Ainsi, quand la ville de Jérusalem est assiégée par les armées assyriennes, le prophète Isaïe annonce que Dieu va libérer son peuple et réunir toutes les nations sur sa montagne sainte, à Jérusalem (1ère lecture). Au moment où les armes menacent de tuer, il a l'audace de faire cette annonce : « Des épées, on forgera des socs de charrue, des lances, on fera des faucilles. On ne lèvera plus l'épée nation contre nation. On ne s'entraînera plus à faire la guerre. » C'est l'espérance qui donne cette audace au prophète Isaïe ; il sait que Dieu va venir sauver ce monde de ses guerres fratricides. Qui d'autre que Dieu pourrait réaliser cela ?
La période de l'Avent est le temps de l'incroyable et tellement nécessaire espérance ! Laissons renaître en nous la confiance en Celui qui a promis de venir et qui vient. Un avenir heureux se prépare. Il est déjà semé au c½ur de ce monde de violences et d'injustices. Cela est si nécessaire pour tous ceux qui sont dans l'angoisse et qui souffrent...
L'Avent c'est le temps de la renaissance (de la résurrection) de l'espérance pour toute l'Église qui se prépare à accueillir Celui qui peut réaliser ce que nous n'arrivons pas à réaliser. Il y a, enfouie dans l'aujourd'hui de nos vies, une attente cachée, une promesse d'avenir : Dieu vient et, en secret, il sème sa Présence en ce monde !
Sortons de notre sommeil, cessons de vivre en oubliant Celui qui habite nos c½urs et qui frappe à notre porte. Ouvrons notre porte ! Cessons de vivre en oubliant tous ceux qui nous entourent et qui ont peut-être besoin de notre espérance. Soyons prêts pour accueillir Celui qui vient en accueillant tous ceux qui nous entourent.
« Marchons à la lumière du Seigneur » comme nous y invitait Isaïe car nous sommes sûrs que « le Fils de l'homme viendra ». Il vient faire sa crèche en chacun de nous. Angélus Silésius, disciple de Maître Eckhart, a cette belle formule :
Christ serait-il né mille fois à Bethléem,
S'il n'est pas né en toi, tu es perdu à jamais.
Préparons donc nos c½urs pour l'accueillir. Qu'il vienne naître en nous ! Que chacun de nos c½urs devienne une crèche où Dieu vient sommeiller. Il a décidé de naître partout où il est attendu et accueilli. Viendra-t-il chez nous ? N'allons pas simplement voir la crèche en curieux sur la grand place... Préparons en nous cette crèche !
1er dimanche de l'Avent, année A
- Auteur: Charles Dominique
- Temps liturgique: Avent
- Année liturgique : A
- Année: 2013-2014