1er dimanche de l'Avent, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : B
Année: 2002-2003

En entendant l'évangile de ce jour et en observant notre société occidentale en ce début de vingt et unième siècle, je me demande s'il n'y aurait pas lieu de proposer au comité directeur des Jeux Olympiques un nouveau sport. Le danger, c'est que ce nouveau sport risque d'avoir tellement d'adeptes qu'il sera très difficile de préparer convenablement les épreuves éliminatoires. En tout cas si le comité olympique y arrive, la tâche sera certainement très laborieuse. Je crois que ce sera la catégorie sportive qui aura le plus d'adhérents. Une carte de membre à un club ne sera pas nécessaire puisque l'affiliation se fait par notre manière de vivre dans cette société. De quel sport suis-je entrain de parler se demande sans doute certains d'entre vous ? De la course évidemment mais pas de n'importe laquelle : de la course après le temps.

La course après le temps est devenu depuis quelques décennies un sport non seulement national, mais également international. Nous ne sommes plus à même de compter les pays qui après leur hymne national, ont fait de la course après le temps un sport presque obligatoire pour tous leurs citoyens. Nous ne sommes pas loin d'une dictature du temps à un niveau planétaire.

C'est vrai souvent nous nous sentons submergés par tout ce qu'il y a lieu de faire, d'organiser. Parfois même le sentiment d'être noyé nous envahit. Il est vrai que nous répondons sans doute généreusement à un certain nombre de sollicitations extérieures et c'est tant mieux. Mais par-delà ce constat, nos agendas sont pollués de rendez-vous en tout genre. Et là, il y a un risque sérieux de trébucher, de glisser sans s'en apercevoir dans des relations qui ne prennent plus le temps de se rencontrer mais de simplement gérer l'urgence, le fonctionnel. Avant, lorsque nous rencontrions quelqu'un et que nous lui posions la question « ça va ? », nous prenions le temps de nous arrêter ; aujourd'hui trop souvent débordé par un emploi du temps surchargé, nous posons la question tout en continuant notre chemin.

Nous ne prenons plus le temps d'entendre la réponse et si elle s'avérait négative, nous devrions freiner nos semelles tellement surpris par de tels propos. C'est vrai que nous pouvons être submergés par le travail, les attentes de la famille, des amis voire même de simples connaissances. Mais n'est-il justement pas temps d'également reconnaître que quelque part nous sommes aussi submergés par notre propre désirs. Et peut-être même, qu'en faisant un chemin de vérité sur nous-mêmes, nous sommes sans doute prêts à répondre aux attentes des autres parce que, d'une certaine manière, elles rejoignent les nôtres. L'éventail des possibles est devenu tel qu'il est de plus en plus difficile de choisir, c'est-à-dire de renoncer.

Or la vie dans l'exercice de la liberté n'est-elle pas par définition renoncement ? Dire « non » à l'autre peut déjà être quelque chose de difficile, alors quand c'est pour soi, n'en parlons pas. Nous sommes donc conviés par l'évangile que nous venons d'entendre à vivre une véritable révolution intérieure quant à nos attitudes face à cette course au temps. Un peu comme si Dieu n'avait que faire de notre « faire ». Ce n'est pas là qu'il nous attend. Il sait que le fait d'être submergé peut nous conduire assez rapidement à devenir de plus en plus impatient n'ayant plus le temps. Une impatience qui peut conduire à une certaine intolérance, elle-même source de violence.

Et voilà que nous découvrons que la course effrénée au temps est risquée, voire même dangereuse puisqu'elle peut conduire à toute forme de violence. Le temps ne se rentabilise donc pas, il se donne à vivre pour que nous découvrions ce qui fait l'essentiel de nos existences. Le temps est sans doute un cadeau que nous pourrions nous offrir à nous-mêmes. Reprendre le temps de regarder les étoiles, d'admirer un feu. Du temps pour soi, du temps pour l'autre, du temps pour Dieu. Puissions-nous prendre ce temps, puisque c'est dans cette veille dont parle le Christ que nous redécouvrons l'essentiel de notre humanité s'enracinant dans la divinité. Le découvrir puis l'accepter afin d'en vivre, n'est alors possible que si nous réapprenons non plus à courir après le temps mais à le perdre. C'est peut-être cela aussi « veiller ».

Amen.