Lors de l'évaluation de son groupe, une formatrice émit un jugement un peu sévère contre un des membres. La responsable s'étonna de la sévérité de ses propos et rappela que d'après ce qu'elle pouvait voir le membre en question s'appliquait toujours dans ses tâches et faisait correctement son travail. C'est vrai reconnu la formatrice mais il est un peu trop lent. Or comme vous le savez, aujourd'hui, tout est question de rendement, de rentabilité dit-elle.
Ce type de dialogue n'étonne plus grand monde en ce début de troisième millénaire. Et pourtant, lorsqu'il m'a été raconté, il y a un peu plus de deux semaines, je me suis inquiété pour notre société. Certains se disent peut-être que je me suis réveillé, que je vois enfin la réalité en face. Non, je me suis inquiété car la responsable était ma belle-s½ur, la formatrice, une institutrice maternelle et le membre du groupe qui n'était pas assez rentable, un de mes neveux âgé de quatre ans à peine. Alors, si de tels propos de rentabilité, de rendement sont tenus pour des enfants de quatre ans dans notre pays, j'estime être en droit de m'interroger. Est-ce cette institutrice qui est complètement à côté de ses pompes ou bien utilise-t-elle un tel langage car notre société occidentale est entrain de dérailler ?
En tout cas, ce qui est certain, c'est qu'à lecture des extraits de la Bible qui nous ont été proposés aujourd'hui, nous n'avons rien inventé. Nous ne faisons que poursuivre ce qui a toujours été fait, c'est-à-dire courir après le temps. Un peu comme si la fête de l'Assomption telle que prêchée par Mère Marie-Thérèse, il y a deux jours, résonne en nous aujourd'hui encore : où cours-tu comme cela, ne sais-tu pas que le ciel est en toi ?
Cependant, une différence existe peut-être par rapport à avant, c'est que nous courrons de plus en plus vite comme si nous essayons non seulement de rattraper le temps mais également de le dépasser. Le dépasser non pas pour nous, mais pour gagner. Le problème, c'est qu'aujourd'hui encore personne ne sait ce qu'il aura vraiment gagné le jour où il aura dépassé le temps. Nous n'avons donc rien compris et ne faisons que répéter l'histoire du passé. Nos ancêtres vivaient les mêmes difficultés que nous.
Déjà, dans l'Ancien Testament, nos aïeuls étaient invités à changer de vie puisque le livre des Proverbes mentionne cette phrase : " quittez votre folie et vous vivrez ". C'était il y a plus de deux mille ans. Et il y a un peu moins de deux mille ans, saint Paul exhorte celles et ceux à qui il s'adresse par ses mots : " ne vivez pas comme des fous ? ". Avec des phrases pareilles, la Bible reste éternellement jeune et continue à s'adresser à nous de manière plus que surprenante.
Quittons notre folie et ne vivons plus comme des fous car cette folie est la folie des êtres humains, c'est-à-dire une folie qui finalement ne donne sens que dans le court terme. Cette folie se vit au quotidien dans l'overbooking de nos agendas, dans la quête incessante de l'argent pour soi sans aucun souci de solidarité, dans ce besoin incessant de paraître, ce désir grandissant de pouvoir, cette nécessité de la vitesse.
Il y a peu encore, n'ayant pas répondu à un message de ma boîte vocale, je recevais dans les 24 heures, un nouveau message et un mail me donnant de répondre dans les plus brefs délais et c'était pour quelque chose de vraiment anodin. Tout doit aller vite, de plus en plus vite et peut-être tellement vite que nous sommes sur le chemin de croiser bientôt un mur sur lequel nous nous heurterons.
Mais, à ce moment là, il sera alors trop tard. Nous serons passés à côté du plus important, de l'essentiel. Courir après le temps pour tenter de le dépasser et croire que nous y arriverons, telle est la folie des êtres humains. Une folie où il n'y a plus de place pour la modération comme si le mot " modération " était devenu synonyme de pâleur, de mièvrerie. Face à cette folie, dans la foi, nous sommes conviés à plutôt vivre d'une autre folie, celle de Dieu. Or comme le rappelle saint Paul dans sa Lettre aux Corinthiens (1, 25) : " ce qui est folie de Dieu est plus sage que la sagesse des hommes ".
La folie de Dieu, c'est de quitter la folie des humains pour vivre mais pas n'importe de quelle manière. En nous laissant remplir de l'Esprit Saint. Si ce dernier guide notre route, sur les traces de la folie de Dieu, nous ne chercherons plus à dépasser le temps mais plutôt à vivre et profiter de chaque instant. Remettre un peu de Dieu dans sa vie, c'est accepter de reprendre le temps de vivre non plus seulement l'instant présent mais éternellement. Remettre un peu dans Dieu dans nos existences, c'est prendre le temps de s'arrêter pour manger de ce pain descendu du ciel car celui qui mange de ce pain vivra éternellement. Oui, Dieu est un peu fou en affirmant cela, mais sa folie conduit à la vie.
Amen.