L'HISTOIRE A-T-ELLE UN SENS ?
Nous commençons aujourd'hui une nouvelle année liturgique qui sera éclairée par l'évangile selon saint Luc.
Sur la grille de départ, la première chose qu'il importe de savoir, c'est le but, la destination : où le temps nous emmène-t-il ? L'histoire serait-elle un cycle sans cesse recommencé, rythmé par l'éternel retour des saisons ? Nous offrirait-elle platement de nouvelles opportunités de jouir d'un amas de choses ? Nous conduirait-elle dans un nirvana où tout se dissout dans le grand Tout ? Serait-elle une course suicidaire à l'abîme, une glissade absurde vers le néant ? L'évangile inaugural, extrait de l'ultime enseignement de Jésus à ses disciples, nous révèle notre horizon et nous enseigne par conséquent l'attitude qu'il nous convient de prendre.
Jésus parlait à ses disciples de sa venue : « Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles. Sur terre, les nations seront affolées par le fracas de la mer et de la tempête. Les hommes mourront de peur dans la crainte des malheurs arrivant sur le monde, car les puissances des cieux seront ébranlées. ALORS ON VERRA LE FILS DE L'HOMME VENIR dans la nuée, avec grande puissance et grande gloire. Quand ces événements commenceront, redressez-vous et relevez la tête, car votre rédemption approche..... »
Naguère il était de bon ton de se moquer de la bible qui parlait d'un commencement et de la fin du monde, mythes, disait-on, pour esprits retardataires. Or aujourd'hui les sciences affirment bien l'explosion inaugurale d'où est issu le cosmos (le big bang) et elles annoncent, avec la même assurance, l'extinction du soleil et la disparition de l'univers (rassurons-nous : pas avant quelques milliards d'années).
Jésus n'est ni un savant qui nous offre des connaissances ni un voyant qui cherche à nous terroriser. Prophète authentique, évoquant les catastrophes sidérales, il en parle comme de SIGNES. Sachez, dit-il, comprendre les perturbations et les calamités : au c½ur de vos détresses, réalisez que vous ne vivez pas dans un univers stable et définitivement clos. Ces malheurs doivent vous remettre devant la fragilité des choses, l'impermanence des réalités qui paraissent les plus éternelles. Les catastrophes sont certes terrifiantes mais elles sont comme des failles qui vous permettent d'entrevoir la Vie qui survient à travers la mort.
Les sciences peuvent bien parler de « la fin du monde » : les disciples qui savent lire « les signes » croient qu'ils vont à la rencontre de Quelqu'un : le Sauveur Jésus.
En effet, le pauvre Galiléen condamné et exécuté un certain vendredi à Jérusalem est apparu SEIGNEUR GLORIEUX ET VIVANT à ses disciples. Leur épouvante a viré en émerveillement, leur tristesse en joie, leurs ténèbres en lumière. De même tous les disciples traverseront des nuits, s'abîmeront dans les tempêtes des souffrances mais ils verront Jésus venir dans la lumière de l'amour vainqueur. Car de même qu'il s'identifiait au « Serviteur souffrant », homme défiguré, affreux à voir, abandonné de tous mais dont Dieu promettait la réussite et l'élévation glorieuse (Isaïe 52,13), Jésus savait tout autant qu'il était aussi le mystérieux Fils de l'homme prophétisé par Daniel. Dans une vision apocalyptique, celui-ci avait annoncé qu'après la succession des empires basés sur l'usage de la violence et donc représentés par des monstres, viendrait enfin un royaume humain.
« Et voici qu'avec les nuées du ciel venait comme un FILS D'HOMME : il arriva près de Dieu et il lui fut donné souveraineté, gloire et majesté : les gens de tous peuples, nations et langues le servent. Sa royauté ne sera jamais détruite « (Daniel 7, 13)
Les manifestations de l'ébranlement cosmique devront donc être, pour les croyants, les SIGNES non que le monde va sauter, mais que Jésus vient comme FILS DE L'HOMME glorieux à qui Dieu remet son Royaume de splendeur. Les secousses de l'univers seront, pour les fidèles, le signal pour « se redresser et relever la tête car VOTRE REDEMPTION APPROCHE ». L'accouchement est douleur mais essentiellement libération.
COMPORTEMENT NECESSAIRE.
Cette finalité de notre histoire ne nous épargne pas l'appréhension et la crainte, elle ne nous jette pas dans des élucubrations et des pronostics - car la date et l'heure, personne ne les connaît-, et elle nous interdit de nous perdre dans une quête effrénée des plaisirs (Mangeons et buvons car demain nous mourrons). Jésus nous donne la bonne attitude à avoir.
« Tenez-vous sur vos gardes de crainte que votre c½ur ne s'alourdisse dans la débauche, l'ivrognerie et les soucis de la vie et que ce Jour-là ne tombe sur vous à l'improviste.
Comme un filet, il s'abattra sur tous les hommes de la terre..... ».
De même que la destination commande le choix d'un chemin, de même qu'une compétition sportive oblige à l'observance des règles, ainsi l'eschatologie, c.à.d. la révélation des fins dernières, appelle à une morale, à un comportement. Il faut se décider sur le champ sans remettre à plus tard une conversion aléatoire puisque le Jour surviendra subitement. Le 12.12.12......ou ?............ou le 1.1 de l'an 245.678.999 ???
L'oubli de cette échéance peut, dit Jésus, nous faire tomber dans trois tentations : les déviances sexuelles, les excès alcooliques, les soucis obsédants quant aux nécessités de la vie. Déjà la parabole du semeur nous avait alerté sur ce dernier danger : si les paroles de Jésus sur le Royaume sont comme des graines jetées par un semeur, certaines tombent sur le chemin durci et disparaissent ; d'autres dans la pierraille se dessèchent ; d'autres dans des buissons épineux qui les étouffent. Et l'évangile expliquait : « Ce qui est tombé dans les épines, ce sont ceux qui entendent et qui, du fait des soucis, des richesses et des plaisirs de la vie, sont étouffés en cours de route et n'arrivent pas à maturité » (8, 14). Il est normal de se préoccuper du nécessaire, d'avoir besoin d'argent, de goûter aux jouissances de la vie mais attention que notre « c½ur » ne se laisse envahir par l'obsession, la frénésie de l'achat (Matth 6, 25-33 : « Ne vous inquiétez pas.... »). N'est-ce pas là la tentation majeure d'une société « dite de consommation » ? Si l'on vous entraîne à « baisser les yeux » sur des étals combles et des publicités racoleuses : « Levez les yeux ».
REMEDES POUR TENIR BON
« Restez éveillés et priez en tout temps : ainsi vous serez jugés dignes d'échapper à tout ce qui doit arriver et de paraître debout devant le Fils de l'homme ».
La vie peut être une suite monotone de journées identiques ; elle peut être désespérée tant les malheurs sont immenses ; elle peut s'étourdir dans des divertissements insensés, s'enfuir dans les paradis artificiels de l'alcool et de la drogue, s'évader dans la nostalgie du passé perdu ou s'épouvanter à la perspective des catastrophes apocalyptiques.
Jésus nous enseigne la seule attitude raisonnable : L'EVEIL et la PRIERE.
Non bien sûr l'insomnie inquiète et les baratins bigots. Mais autant que possible, reprendre toujours conscience de l'enjeu majeur. La vie humaine sera jugée : ce qui veut dire qu'elle a une valeur personnelle unique, que toutes les décisions ne se valent pas, que chacun a des responsabilités, que l'endormissement nous est interdit. La prière est conscientisation, appel de notre fragilité, recours à une force divine : « Père, ne nous laisse pas tomber en tentation mais délivre-nous du Mal ».
Nous ne comparaîtrons pas devant notre conscience qui nous accable de reproches, ni face à un juge tenant un compte implacable de nos fautes mais devant « le Fils de l'homme ». Comment donc aurions-nous peur puisqu'il s'agit de ce même Jésus qui courait vers la brebis perdue, qui accueillait l'enfant prodigue, qui « est venu chercher et sauver ce qui est perdu » (19, 10) et qui en a donné la preuve suprême en donnant sa vie pour le pardon des pécheurs ? Sa croix est notre sentence libératrice.
Connaître le prix de la vie, la valeur unique de chaque instant,
ne pas subir un destin mais participer à une histoire qui a un but donc une signification,
recevoir l'Evangile non comme un récit passé mais comme lumière du présent et Bonne Nouvelle de l'avenir,
nous retrouver chaque dimanche pour surmonter nos peurs, accueillir le Fils de l'homme s'offrant comme notre hostie partagée afin que nous vivions déjà la communion du ciel.
En ce 1er jour de l'année chrétienne, tout l'essentiel nous est dit.
Le 1er janvier, nous lancerons un banal « Bonne année » : aujourd'hui nous nous disons : « EN AVENT ! »
Oui EN AVANT pour dire aux hommes qu'ils ne vivent pas en vain, que rien n'est jamais totalement perdu et qu'il est toujours urgent de lâcher les armes et de se réconcilier.
Le témoignage vital à donner dans un monde en crise est celui de l'ESPERANCE. « REDRESSEZ-VOUS »
1er dimanche de l'Avent, année C
- Auteur: Devillers Raphaël
- Temps liturgique: Avent
- Année liturgique : C
- Année: 2012-2013