21e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

Jn 6,59-71

Nous terminons aujourd'hui la lecture du long chapitre 6 de saint Jean qui s'est étendue sur cinq dimanches - cas unique dans l'année mais nécessaire vu l'importance du sujet. L'enchaînement avec l'épisode précédent s'effectue par le bref rappel de la stupéfiante révélation que Jésus vient de lancer :   Jésus avait dit dans la synagogue de Capharnaüm : " Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle".   Quel choc ! Comment admettre pareille affirmation ? L'auditoire, ahuri, exprime pour la troisième fois une réaction de refus brutal et ce rejet, à présent, vire à la colère sinon à la furie :   Beaucoup de ses disciples qui avaient entendu, s'écrièrent : " Ce qu'il dit est intolérable ! On ne peut pas continuer à l'écouter".   Or, à nouveau Jésus refuse de faire la moindre concession, d'édulcorer son message, de fournir des explications plus plausibles : tout au contraire il dénonce l'incroyance de son auditoire :   Jésus connaissait par lui-même ces récriminations des disciples. Il leur dit : "Cela vous heurte ? Et quand vous verrez le Fils de l'Homme monter là où il était auparavant ?... C'est l'Esprit qui fait vivre ; la chair n'est capable de rien. Les paroles que je vous ai dites sont Esprit et elles sont Vie... Mais il y en a parmi vous qui ne croient pas !".   Jésus savait en effet depuis le commencement qui étaient ceux qui ne croyaient pas, et même celui qui le livrerait. Il ajouta : " Voilà pourquoi je vous ai dit que personne ne peut venir à moi si cela ne lui est pas donné par mon Père ! . A partir de ce moment, beaucoup de ses disciples s'en allèrent et cessèrent de marcher avec lui.   Si l'Eucharistie est annonce stupéfiante, pierre d'achoppement, scandale pour la raison, la Résurrection de Jésus le sera bien plus encore ! Car il y a un lien entre le don du corps de Jésus aux siens et l'accueil de ce Corps dans la Vie du Père. Parce que la Croix sera don d'amour total de Jésus pour les disciples - don manifesté, prouvé et perpétué par leur partage du Pain de Vie -, ce corps sera "élevé", accueilli un jour dans la Gloire de son Père. C'est donc que "la chair" donnée à manger avait comme but de faire communier les disciples à l'Esprit, de leur communiquer l'ESPRIT ET LA VIE !   Comme il le fait souvent, saint Jean tient à souligner que Jésus n'est pas le jouet des événements : il est conscient de ce qu'il est en train de vivre car "il sait ce qu'il y a dans l'homme" ( Jean 2, 25). Si les hommes ne veulent pas se laisser attirer par la Lumière du Père en eux, ils n'accepteront pas ses discours, si beaux soient-ils.   Ce jour-là, la plupart de ceux qui s'étaient mis à suivre Jésus parce qu'ils étaient séduits par ses prédications et enthousiasmés par ses guérisons, se détournèrent d'un maître qui tenaient des propos qui leur paraissaient hors de sens.   Et Jésus regarde s'éloigner tous ses disciples qui l'accompagnaient depuis un certain temps et - chose admirable ! - il ne fait rien pour les retenir. Car il ne veut pas des automates aveugles, des supporters ivres de succès, des fans manipulés par une idole - mais des c½urs qui acquiescent librement à sa parole. La foi n'est jamais un carcan.   Aujourd'hui encore on se détourne de l'Eucharistie : on dit oui à une religion des droits de l'homme, mais non au partage du Pain de Vie.   Un à un ou par groupes, tous les disciples s'en vont. Cependant quelques-uns demeurent : ils sont DOUZE !   Alors Jésus dit aux Douze : " Voulez-vous partir, vous aussi ?" Simon-Pierre lui répondit : " Seigneur, vers qui pourrions-nous aller ? Tu as les paroles de la Vie éternelle. Quant à nous, nous croyons et nous savons que tu es le Saint, le Saint de Dieu".   Même eux, les Douze apôtres, Jésus ne veut pas se les attacher par ruse ou par autoritarisme : s'ils le désirent, eux aussi peuvent repartir... Mais en leur nom - et nous nous y reconnaissons si bien !-, Pierre exprime leur lien à Jésus. Non qu'ils aient tout compris de ses déclarations. Mais des instructions qu'ils ont pu entendre de lui, quelque chose est resté ; ils ont fait l'expérience que l'écoute des Paroles de Jésus communiquait la lumière et la paix. Davantage : cette écoute les faisait entrer dans une relation vive avec Celui qui leur parlait comme personne jamais ne leur avait parlé. Ils n'ont pas appris par c½ur les leçons d'un maître, ils n'ont pas compris toute la portée de ses enseignements mais entre lui et eux, la confiance est née. Oui Jésus est le "consacré" de Dieu, l'unique. Point n'est besoin de tout saisir : il suffit de rester avec lui.   Et d'ailleurs ceux qui l'abandonnent, à qui se donnent-ils ? A quel maître, quel sage, quel gourou, quel leader ? Personne ne peut remplacer Jésus. L'Evangile est insurpassable. Le ciel qu'il ouvre est immense de clarté, même s'il y flotte des nuages noirs.   Curieusement la liturgie omet les derniers versets de l'échange :   Jésus leur répondit : " N'est-ce pas moi qui vous ai choisis, vous les Douze ?...et cependant l'un de vous est un diable". Il désignait ainsi Judas, fils de Simon l'Iscariote : car c'était lui qui allait le livrer, lui, l'un des Douze !..."   Il n'y a pas un partage net, un mur, entre "les autres" et les croyants, entre les "mauvais" et l'Eglise : au sein de celle-ci rôde toujours la puissance du reniement. La foi n'emprisonne jamais le c½ur dans l'amour.

Au terme il nous faut relire ce chapitre d'une traite pour en saisir la cohérence, la beauté, la profondeur. Au commencement, Jésus appelle au partage du pain : personne ne doit avoir faim. L'option pour les pauvres est prioritaire. Mais de quoi l'homme a-t-il faim ? Jésus refuse de réitérer le don gratuit : il n'institue pas "un service social". Patiemment il essaie d'ouvrir les gens à une quête plus essentielle : celle de la Vérité et de Dieu. Dans ce but, il se présente, lui-même, comme le Révélateur dont les Paroles "se dévorent" , comme un Pain, dans la FOI. .Mais il faut encore aller plus loin et dépasser le stade d'un enseignement que l'on apprend. Il faut "manger", "dévorer", assimiler, intérioriser non un texte, non une prédication mais CELUI-LA, le seul, l'Unique, Celui qui donne sa chair et son sang sur la Croix afin que cet amour crucifié devienne le PAIN DE VIE et donne l'Esprit et la Vie aux pauvres qui n'ont d'autre bonheur que de rester avec Lui. Cette semaine méditons à nouveau ce parcours : sortir ses provisions pour partager avec les pauvres - écouter une Parole qui nourrit la faim de Vérité - manger le Pain qui est Corps de Jésus pour que nous soyons son Corps. - assister à des lâchages et des reniements - être une Eglise dont "le judas" permet au salut de se communiquer partout.