21e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

Au printemps passé, un petit couple de crécerelles avait établi sa demeure sur le coin supérieur d'une corniche d'une veille maison. Ils étaient heureux dans leur petit nid et décidèrent rapidement de créer leur petite famille. Quelques semaines plus tard, du trottoir d'en face, il était possible de voir quatre petites crécerelles qui gazouillaient ensemble dans leur nid, attendant que leur maman revienne leur apporter quelque nourriture trouvée dans la nature des environs. Ces petits oiseaux étaient bien entre eux, profitant au maximum du confort de leur nid. Et puis voilà qu'un jour, leurs parents décidèrent qu'il était temps pour eux de quitter le nid douillet, de prendre leur vie en main ; en fait, tout simplement, de voler de leurs propres ailes. Ce qui fut décidé, fut aussitôt accompli. Les petits oiseaux avaient peur de prendre leur envol. Leurs parents les ont alors poussé hors du nid alors qu'ils se posaient sans doute les questions suivantes : vais-je y arriver ? est-il facile de voler ? est-ce que je ne risque pas de tomber tout simplement ? Les lois de la pesanteur existent-elles vraiment ? Je doute que leurs questions aillent aussi loin mais je peux comprendre leur peur, leur inquiétude face à cet inconnu de la vie. En effet, depuis l'instant de notre conception, notre vie n'est pas une sorte d'odyssée de laquelle nous pouvons un jour revenir, elle est plutôt un exode, c'est-à-dire nous partons constamment à l'aventure sans trop bien savoir de quoi demain sera fait.

A l'image de ces petits oiseaux quittant leur nid douillet et confortable, nous sommes nous aussi poussés par l'Esprit à aller vers cet ailleurs dont nous ne connaissons pas tous les contours. Nous en percevons certains, en craignons d'autres. En fait, l'Esprit de Dieu d'une certaine manière nous déménage et nous conduit parfois là où ne nous y attendions pas. Pour être honnête, je trouve que ce n'est pas toujours confortable ; comme si Dieu n'aimait pas notre confort intérieur qui risque de nous endormir à la beauté de la vie. Dieu nous veut en marche même si nous sommes couchés, atteints par la maladie ou par d'autres maux de l'existence. Il attend que nous marchions dans notre tête et dans notre c½ur. Nous n'avons pas besoin de courir en nous, d'être pris dans l'empressement. Non, Dieu semble prendre plaisir à bousculer nos idées préconçues, à nous montrer que sa logique n'est pas la nôtre. Il est alors normal que certains de ses disciples décident de le quitter, de retourner dans un petit nid de certitudes et de sécurité mais là où le souffle de vie est tombé depuis bien longtemps. Jésus le Christ nous convoque ailleurs, toujours ailleurs, c'est-à-dire dans l'inconfort, dans l'incertain, dans l'imprévu, ou encore dans l'infini du Père. Nous aurions pu nous attendre à un Dieu tout puissant qui résoudrait tous nos maux et tous nos problèmes, en quelque sorte un Dieu magicien. Or l'Ancien Testament nous fait découvrir qu'il s'est révélé dans une brise légère, l'événement de l'Incarnation nous rappelle que Dieu s'est révélé dans la fragilité d'un nouveau-né. L'Esprit de Dieu souffle encore et toujours mais là où nous ne l'attendons pas. Il nous fait sortir de nous même pour partir à la rencontre de celles et ceux en qui il se révèle plus encore. Les premiers disciples se sont divisés, séparés car certains n'étaient plus prêts à entendre les paroles du Fils. Il y a donc bien eu une brisure, une fêlure au sein de la première communauté chrétienne. Et pourtant, c'est au c½ur même de cette fêlure que Pierre s'autorisera à chanter sa foi : « Tu as les paroles de la vie éternelle. Quant à nous, nous croyons, et nous savons que tu es le Saint, le Saint de Dieu ». S'il en est ainsi, ne craignons pas toutes ces fêlures, ces lézardes qui nous constituent. Comme le disait un des fils de Georgette qui nous a introduit à cette célébration : « bienheureux les gens fêlés, ils laissent passer la lumière ». Assis, couchés ou debout, nous sommes toutes et tous des êtres en marche dans notre c½ur et dans notre tête lorsque nous acceptons ces fêlures, ces lézardes intérieures. Elles sont là, présentes en nous. Elles nous constituent. Mieux encore, elles laissent passer la lumière mais pas n'importe laquelle. Cette fois, il s'agit de la lumière du Père, du souffle de l'Esprit. La lumière divine passe par chacune et chacun de nous dans cette expérience du lâcher prise, de cette confiance offerte. Offrons-nous les uns les autres nos brisures intérieures pour que notre assemblée soit, par nous, pleinement illuminée de cette éclaircie trouvant sa source en Dieu.