La grande Révélation menée depuis la "multiplication des pains" se poursuit et atteint son sommet dans l' épisode lu ce jour. Il est construit selon la même structure que le précédent : Jésus se présente comme Pain vivant - réaction de refus des gens - explication.
JESUS OFFRE SA CHAIR
(Jésus reprend) Je suis le Pain de Vie qui est descendu du ciel :
si quelqu'un mange de ce Pain, il vivra éternellement.
Le Pain que je donnerai, c'est ma chair donnée pour que le monde vive.
Lorsque Jésus se proclamait "Pain" de Vie offert à celui qui croit en lui (évangile de dimanche passé), il utilisait une métaphore que les gens pouvaient comprendre : il y a en effet des paroles qui font vivre quand on les pratique. Au plus haut point celles de Dieu.
Ici, à nouveau, Jésus se proclame nourriture des hommes...mais dans un sens terriblement "réaliste". Il ne proclame pas seulement un message qui éclaire et vivifie mais IL SE LIVRERA de tout son être, dans sa"chair"- ce qui, en hébreu, désigne la personne humaine dans sa constitution de faiblesse. Comment est-ce possible ?...
Evidemment cela provoque tout de suite une très violente réaction.
UNE DECLARATION SCANDALEUSE
Les Juifs discutaient entre eux :
" Comment cet homme-là peut-il nous donner sa chair à manger ?".
On a adouci la traduction : Jean évoque un véritable combat : ce sont des cris de fureur, des clameurs violentes qui jaillissent à ce moment. Jamais on n'a proféré pareille aberration, jamais on n'a entendu prétention aussi épouvantable. C'est inacceptable ! Anthropophagie ? Barbarie ? Cannibalisme ?...
EXTRAORDINAIRE REVELATION DE L'EUCHARISTIE
Face à cette contestation virulente, on attend que Jésus édulcore son langage, explique qu'il emploie un langage "symbolique", une façon de parler... Pas du tout ! Au contraire, il va reprendre sa déclaration sous une forme solennelle en l'introduisant par le double "amen" qui prévient de l'importance de ce qui va suivre. Chaque phrase est essentielle et doit être méditée longuement : voici quelques lignes pour y introduire.
Amen, amen, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l'homme et si vous ne buvez pas son sang, vous n'aurez pas la Vie en vous.
Quoi que disent certains qui entendent réduire la foi chrétienne à un moralisme et à "de bonnes actions", Jésus est formel : le don total qu'il fera de lui-même doit être non raconté, admiré, adoré, imité... mais "assimilé". Ce qu'on appellera "eucharistie" est, pour Jésus, nécessaire, indispensable aux disciples.
" Si vous..." : vous n'êtes pas obligés mais vous voilà prévenus !
Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la Vie éternelle ;
et moi je le ressusciterai au dernier jour.
Chair et sang sont séparés : il y aura donc mort violente. Mais la Passion (subie) sera ACTION, don suprême et total, que les croyants sont invités à accepter, "à prendre en eux". Cet accueil de Jésus les comble ( au présent !) de la Vie divine et les assurera (au futur)de la résurrection de leur corps. La Puissance de Dieu qui ressuscitera Jésus agira en eux à leur tour puisqu'ils seront "en lui".
En effet, ma chair est la vraie nourriture
et mon sang est la vraie boisson.
Notre besoin d'alimentation est signe d'un désir plus essentiel : la lutte contre la mort, l'aspiration à la Vraie Vie. Et celle-ci ne peut s'évaporer dans un monde idéal, des pensées pieuses, des sensations sacrées. Le désir de Dieu passe par le corps. Nous ne péchons pas parce que nous avons des désirs mais parce que nous rétrécissons ceux-ci à des besoins matériels. Qui reste dans l'en-deça y meurt.
Celui qui mange ma chair et boit mon sang
demeure en moi et moi, je demeure en lui.
Lorsque nous nous nourrissons, nous assimilons des éléments qui deviennent nôtres. Au contraire, en communiant au corps et au sang du Christ, c'est Lui qui nous fait entrer en Lui. Il nous assume, nous agglomère dans l'Eglise qui est "son corps communautaire".
Mais dans le même mouvement, Il vient en nous, nous devenons christophores, tabernacles. L'amour n'est-il pas la réalisation de l'inhabitation réciproque...quand l'un n'est plus étranger à l'autre, quand la Présence est "réelle" parce qu'elle est celle des deux l'un à l'autre ?
De même que le Père, qui est vivant, m'a envoyé et que moi, je vis par le Père, de même aussi celui qui me mangera vivra par moi.
L'Eucharistie n'est pas arrêt sur extase, évasion dans la piété individuelle, oubli du monde. L'amour du Père qui a envoyé Jésus parmi les hommes jusqu'à lui faire partager l'horreur de leur mort se prolonge en ceux et celles qui accueillent en eux cet Amour devenu Passion et Croix. Communier au Christ, c'est cesser de vivre pour soi : c'est se laisser animer par le désir de salut de toute l'humanité et décider d'en réaliser toutes les exigences. L'Eucharistie n'est pas consolation, récompense, exaltation...mais envoi, mission, ambassade.
Tel est le Pain qui descend du ciel : il n'est pas comme celui que vos pères ont mangé : eux ils sont morts.
Celui qui mange de ce Pain vivra éternellement.
En conclusion Jésus répète ce qu'il avait dit au début de l'entretien : la manne n'a pas pu empêcher les ancêtres de mourir dans le désert. Tandis que le Corps et le Sang de Jésus accueillis dans la foi vivifient et font entrer dans le Royaume du Père.
Ces phrases stupéfiantes vont susciter la rupture chez les disciples : on le verra la semaine prochaine.
Saint Jean ne racontera pas l'institution de l'Eucharistie à la dernière Cène : c'est ici qu'il expose en quelques lignes inépuisables le trésor et la merveille de l'Amour qui "se laisse manger".
Quelle tristesse de voir tant de baptisés, surtout dans les nouvelles générations, être tellement repus qu'ils n'ont plus faim de leur Dieu !...
Mais voient-ils, ces jeunes, des "pratiquants" avides de manger le Pain de la Parole , convertis par l'Evangile, heureux de communier et manifestant qu'ils sont, sans mérites, par pure grâce, le Corps du Christ donné pour le salut du monde ?...