Avoir un petit creux, c'est avoir faim de quelque chose. Quand nous venons à l'église, nous avons un petit creux, une faim d'autre chose. Beaucoup disent qu'ils viennent chercher ici une nourriture spirituelle. La plupart d'entre nous, nous quittons cette église pour aller partager le repas en famille ou entre amis. Donc, nous arrivons avec notre faim d'autre chose, et nous repartons avec une faim précise. Même si en nous quittant, beaucoup auront encore faim, ce sera surtout une faim matérielle : un appétit qui attend le fromage ou les spaghetti. En fait, je pense que cela n'est pas tout à fait exact.
C'est vrai que c'est une faim ou une soif de recueillement, de méditation, d'écoute et de paroles qui nous motivent à mettre les pieds dans ce lieu. Nous avons envie d'entendre une parole qui nous interpelle, qui éclaire notre route, qui nous apporte un supplément de sagesse. Nous ne sommes pas fous, peut-être seulement un peu dur d'oreille, lent à croire, au prise avec les doutes et les questions. Si nous avons soif de réponses toutes faites, nous serons vite déçus. Nous n'aurons pas la démonstration scientifique de l'existence de Dieu, tout comme nous n'aurons aucun reportage sur l'au-delà. Nous avons soif de sens, faim d'une parole qui suscite en nous la confiance en la vie et le vouloir aimer. Nous sommes tous affamés d'espérance, de liberté et de relations harmonieuses. A cette faim aux multiples couleurs, pas de réponse clé sur porte mais du pain et du vin. Pas de démonstration mais un bouquet de paroles et de prières. Est-ce que cela nous fait vivre ? Si oui, nous repartons léger et revigorés. Si ce n'est pas le cas, et cela arrive, c'est que nous avions peut-être faim que de nous-mêmes. En effet, pour avoir un petit creux, il faut parfois prendre le temps de creuser. Le « tout, tout de suite » ne fonctionne pas souvent en matière de foi et de prière. Le menu, c'est plutôt une dose de patience et de persévérance.
Le petit creux, c'est avoir faim de l'autre. Si je suis conscient qu'un autre peut me nourrir, je vois que je suis relié à lui. Quand Jésus se présente à nous comme le Pain Vivant, c'est pour dire cela. Nous avons besoin de lui comme d'une nourriture pour vivre. Manger le pain, boire le vin, qui sont pour nous corps et sang du Christ, c'est vivre par lui. La communion exprime que nous ne sommes pas des êtres autosuffisants mais que nous existons grâce à autrui. Et nous continuons à exister dans l'éternité grâce à Dieu. Ce n'est pas facile de nous en remettre à un autre que nous-mêmes. C'est pourtant le chemin que propose la Bonne nouvelle annoncée par Jésus. Dans l'Evangile, s'ouvrir à Dieu s'accompagne d'une mission particulière : devenir pain de vie pour autrui. Autrement dit, la faim existentielle qui nous conduit à Dieu ne va pas être simplement rassasiée par la communion eucharistique. Au contraire, nous allons découvrir une faim supplémentaire : celle de communiquer aux autres le goût de Dieu. En quittant cette église, nous aurons peut-être faim de spaghettis mais nous aurons aussi faim de donner aux autres une joie de vivre, une confiance en la vie, une espérance malgré le découragement. C'est à cela que Jésus passait son temps : rendre confiance à une femme adultère, relever celui qui n'a plus le courage d'avancer, rendre une dignité à celui qui est considéré comme un voleur. Il ne comptabilisait pas les fautes de chacun mais il donnait le goût de Dieu en même temps que le goût de la vie. A l'approche de sa mort, il a voulu que cette mission continue à travers ces disciples : prendre du pain et du vin, se nourrir de la Vie même de Dieu, faire cela en mémoire de lui. Ensuite, partir sur les routes, et annoncer la Bonne nouvelle.
En quittant cette église, nous aurons encore faim. Le pain de la vie aura même renforcé la faim d'être disciple pour ceux que nous rencontrerons. Dans le respect et la douceur, nous pouvons leur offrir un don de Dieu.
Amen.