Saint Luc nous rappelle encore que, depuis un temps, Jésus a décidé de quitter sa province de Galilée pour monter à la capitale. Dans cette longue marche, Jésus est sans illusions : ce qu'il dit exaspère les autorités religieuses qui chercheront à le supprimer.
Mais tout au long de la route, Jésus poursuit sa mission d'enseignant remarquez ce verbe important que Luc répète 12 fois dans son évangile.
Dans sa marche vers Jérusalem, Jésus passait par les villes et les villages en enseignant.
Telle est l'activité essentielle à laquelle Jésus s'est donné depuis le premier jour et qu'il poursuivra jusqu'à la fin. Il nous faut donc écouter, apprendre la Bonne Nouvelle, elle n'est pas innée. La foi n'est pas un vague sentiment religieux, un sens du sacré, le goût des belles cérémonies, l'attrait du mystère, l'honnêteté des m½urs.
Les compatriotes de Jésus, et plus encore les prêtres du temple de Jérusalem, s'estimaient très croyants, très pieux...et cependant il va y avoir un choc terrible. Tous connaissaient et vénéraient les mêmes Ecritures, tous disaient les mêmes formules de prière...néanmoins Jésus apportait une nouveauté qui allait paraître intolérable et même "blasphématoire".
Ne croyons donc pas trop vite que nous croyons : vérifions sans cesse nos croyances et pratiques avec l'Evangile qu'il ne faut jamais cesser de lire, relire et méditer. Car un chrétien est d'abord "un disciple", c'est-à-dire quelqu'un qui se met à l'école du Christ, qui écoute son enseignement, qui s'applique à comprendre son message et qui l'aime jusqu'à accepter de le suivre. Donc de vivre comme lui. En conséquence s'attendant à être contesté par "les croyants" !
Quelqu'un lui demanda :
" Seigneur, n'y aura-t-il que peu de gens à être sauvés ?".
Question gravissime, qui nous tourmente encore peut-être. Epouvantés par le mal commis sur terre, des saint(e)s ont affirmé avoir eu des révélations : ils voyaient des multitudes innombrables d'âmes basculant irrémédiablement en enfer.
A l'inverse, un chanteur célèbre affirmait récemment que "nous irons tous au paradis" !?!?... Qui a raison ?
Jésus refuse de répondre et il renvoie le questionneur anonyme (et nous) à la seule chose qui importe :
"Toi, fais-tu ce que tu peux pour entrer dans le Royaume de Dieu ?"
Jésus leur dit :
" Efforcez-vous d'entrer par la porte étroite, car, je vous le déclare, beaucoup chercheront à entrer et ne le pourront pas.Quand le maître de la maison se sera levé et aura fermé la porte, si vous, du dehors, vous vous mettez à frapper à la porte en disant : " Seigneur, ouvre-nous !", il vous répondra : " Je ne sais pas d'où vous êtes".
Alors vous vous mettrez à dire :" Nous avons mangé et bu en ta présence, et tu as enseigné sur nos places !".Il vous répondra : " Je ne sais pas d'où vous êtes. Eloignez-vous de moi, vous tous qui faites le mal".
Pendant quelques dizaines d'années, nous vivons tous ensemble sur la même planète mais, à un moment, il y a un passage. Extrêmement étroit. Et qui donne sur une "maison". Dont Jésus se dit le Maître.
Comment y pénétrer ? Au prix de très gros efforts (le verbe donnera le mot français "agonie"- ce qui veut tout dire). Pas de ticket automatique pour ceux qui ont bien connu Jésus, qui l'ont reçu chez eux, qui ont écouté ses prédications...mais qui ont continué à "faire le mal", donc qui n'ont pas vécu comme Jésus l'exigeait et comme il l'a sans arrêt enseigné.
Certes ils croyaient "connaître" Jésus mais d'une connaissance superficielle (des mots, des idées, des routines, un vernis de crédulité) : ils ne se sont pas convertis, ils n'ont pas voulu que l'enseignement de Jésus les change et les provoque à FAIRE LE BIEN, tel qu'il l'avait précisé de mille manières et tel qu'il reste écrit dans les évangiles.
Oui, le problème ne porte pas sur la quantité, petite ou grande, des "sauvés", mais sur l'interpellation vigoureuse de ce discours. Pendant qu'il en est temps, lisons l'évangile, écoutons le Seigneur, vivons comme il nous l'apprend, prenons conscience de la valeur du temps qui passe. Il n'est jamais trop tard.
Ne te décourage pas à cause de tes erreurs passées, de ton passé lourd de péchés...Il est toujours l'heure de te reprendre. Lorsque tu te trouveras devant la mystérieuse porte, on ne te demandera pas ce que tu as été, mais ce que tu es.
Il y aura des pleurs et des grincements de dents quand vous verrez Abraham, Isaac et Jacob, et tous les Prophètes dans le Royaume de Dieu, et que vous serez jetés dehors !Alors on viendra de l'orient et de l'occident, du nord et du midi, prendre place au festin dans le Royaume de Dieu...
Les théologiens juifs l'ont souvent répété : le danger d'une religion, c'est de donner des assurances illusoires. Parce qu'on est de la "race élue", de la descendance d'Abraham, on croit disposer d'un droit d'entrée près de Dieu. A la suite de tant de prophètes avant lui, Jésus torpille cette fausse sécurité et compare le Royaume à un immense festin où tout être humain est invité.
Peu importe le peuple auquel on appartient, la terre où l'on habite, l'hérédité dont on se vante. Le Royaume éternel accueille les multitudes innombrables, de toutes cultures, de toutes langues. Tous sont pécheurs, certes, car nul n'est impeccable. Mais aucun n'est justifié par ses ancêtres ou ses pratiques, aucun ne se détourne de tous les autres si différents soient-ils. Tous sont heureux de se retrouver, accueillis par grâce dans la Maison de Dieu.
"Oui, il y a des derniers qui seront premiers, et des premiers qui seront derniers ".
Hélas, dit Luc, le peuple d'Israël avait été le premier appelé : or en majorité, il refuse le Christ...et voilà que des Barbares, des Grecs, des Romains accueillent Jésus !
L'avertissement, on le comprend, s'adresse aussi à nous, "les bons chrétiens", qui avons entendu les paroles de Jésus, mangé avec lui (L'Eucharistie). Ne nous rassurons pas avec des pratiques pieuses superficielles. Nul sacrement ne donne de certitude.
Ne voit-on pas aujourd'hui des multitudes d'Européens se détourner de l'Evangile tandis que des Indous et des Chinois découvrent, émerveillés, un message qui les comble de bonheur et pour lequel ils sont prêts à donner leur vie ?
Comme à la naissance, étroit est le goulot qui permet la re-naissance ! Mais au-delà des douleurs de l'enfantement spirituel, il y aura la Joie immense de découvrir NOTRE PERE.
Regardons Jésus qui a pris ce chemin : il lui fallait aller au Golgotha. Car l'amour est la porte. Et l'amour, c'est de donner sa vie.