22e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Sélis Claude
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

Comme habituellement dans les évangiles, c'est une scène de la vie courante qui sert de point de départ à une mise au point sur un sujet important et délicat : les notions de pureté / impureté et leur lien avec l'identité religieuse profonde.

Les règles relatives au pur et à l'impur ont pris une importance considérable dans le judaïsme à partir d'une certaine époque. Il n'y a pas lieu de tourner ces règles en dérision : elles veulent dire que rien n'est indifférent, que le sacré s'approche avec crainte et tremblement et que le respect de toutes petites choses peut aider à garder la Loi à l'esprit. Mais l'effet pervers n'est jamais loin de l'intention louable. L'effet pervers est ici le formalisme : une mentalité selon laquelle le respect scrupuleux de règles extérieures suffirait pour « être en ordre » et mériter le Salut. Toutes les religions, y compris le christianisme, ont connu ou connaissent ce genre de phase. A l'antipode de cette mentalité, dans le judaïsme même, le courant prophétique avait dénoncé et condamné le culte hypocrite où Dieu est honoré des lèvres mais non des c½urs. Jésus s'inscrit nettement dans cette tradition prophétique. Il veut un culte « en esprit et vérité ». Il veut un respect de la Loi dans son esprit et l'esprit de la Loi est d'être une Loi pour la vie et non pour la mort ni pour tout ce qui est mortifère. Il veut la pureté intérieure, jusque dans les intentions, et non une pureté extérieure. Bref, il veut la pureté morale et peu importe la pureté cultuelle. Cette exigence de pureté morale est illustrée ici par une liste de douze vices (actes ou attitudes) à proscrire.

Que l'esprit de la Loi soit de nous donner la Vie est redit avec force dans l'épître de Jacques. Le respect purement formaliste n'a pas non plus de place chez Jacques, mais même l'écoute -attitude déjà plus intérieure- ne suffit pas. La mise en application de la Loi, dans son esprit, sera notre manière de nous rendre intime, personnelle, cette Loi. Cela se réduit-il à « venir en aide aux orphelins et aux veuves » comme l'exprime ici l'épître ? On sait que cette expression très biblique désigne les ½uvres de charité en général. On connaît l'insistance de Jacques sur les ½uvres de charité, lui qui nous dira plus loin : « la foi sans les ½uvres est une foi morte ». Mais il est assurément sous-entendu que les ½uvres sans la foi ne se situent pas dans cette Vie donnée par la Loi.

L'insistance sur la mise en pratique était déjà également un thème-clé du Deutéronome. La promesse de la Terre n'en est plus une à l'époque où le livret a été écrit puisqu'Israël y était implanté depuis plusieurs siècles (ou bien n'avait plus du tout de terre, si le livret a été composé en exil). Il n'y a pas là marchandage ou récompense à un enfant obéissant mais signe qu'il est question de l'identité profonde du peuple, de son enracinement religieux. Ce qui doit faire la grandeur de cette nation, ce n'est pas sa superficie, ni son nombre d'habitants, ni sa puissance politique, c'est sa sagesse, son intelligence, la justice de ses lois et de ses coutumes. C'est cela son territoire ! Mais un tel idéal n'est-il pas lointain, inaccessible ? Assurément, les divinités du paganisme ont l'air bien plus proches (puisqu'elles ne sont que la divinisation de nos fétiches ou de nos pulsions). Mais ce Dieu du peuple hébreu est proche d'une autre manière. Il est proche parce que sa Parole, appliquée dans son esprit, va transformer profondément nos comportements moraux, sociaux, notre manière de prendre la vie.