Ces dernières semaines, il suffisait d'ouvrir un journal, d'écouter la radio ou encore d'allumer la télévision pour découvrir à quel point l'évangile de ce jour est au c½ur de notre actualité. En tant que baptisés, nous nous devons de dénoncer le piège dans lequel sont tombés certains décideurs publics et surtout la vague sentimentale sur laquelle de nombreux médias ont décidé de surfer en frisant parfois l'immoralité de leurs propos. Certains d'entre nous ont peut-être eu le sentiment que notre pays glissait de la démocratie vers une nouvelle forme d'émocratie. Si la démocratie est le pouvoir par le peuple, l'émocratie quant à elle est la mise en place d'un système où les émotions prennent le dessus. Ces dernières iront jusqu'à malmener notre raison. Dans une émocratie, il n'y a plus de place pour la réflexion. Sentiments et émotions ont toujours raison. Les limites du sensé sautent et les frontières du raisonnable sont abattues. L'émocratie conduit ainsi insidieusement toute une partie de la population à sortir le plus mauvais d'elle-même.
C'est sans doute la raison pour laquelle le Christ rappelle avec force aujourd'hui : « C'est du dedans, du c½ur de l'homme, que sortent les pensées perverses: inconduite, vols, meurtres, adultères, cupidités, méchancetés, fraude, débauche, envie, diffamation, orgueil et démesure. Tout ce mal vient du dedans, et rend l'homme impur ». Effectivement, la démesure d'émotions négatives telles que la haine peuvent conduire à des propos qui n'élèvent jamais l'humanité. Nous en sortons toujours diminués, au risque de nous faire manipuler par certaines personnes aux objectifs nettement moins nobles. De par le fait que toutes et tous, nous sommes des êtres inachevés mais en voie de réalisation et d'accomplissement, nous ne sommes pas encore à même de vivre à la hauteur des exigences du Nouveau Testament. C'est vrai. Dès lors, il est fondamental, comme l'indique Moïse dans la première lecture, que nous écoutions les commandements et les décrets qu'il nous enseigne et que nous sommes priés de mettre en pratique. Ces lois sont là pour régir les rapports entre les humains. Elles cherchent à créer une certaine harmonie, c'est pourquoi elles sont au service de la communauté. Mais une loi n'est jamais son propre objet. Elle est toujours écrite en vue d'un mieux-être, d'un mieux-vivre ensemble. Au fil des années, de ces lois vont émerger des traditions. Certaines pourront faire grandir alors que d'autres risquent d'avilir l'être humain. Ces traditions des anciens ne s'enracinent pas toujours dans les lois de Dieu. Elles ont été élaborées par des personnes au fil du temps. Elles peuvent avoir un relan d'hypocrisie, un goût de puritanisme comme s'il suffisait de simplement les mettre en pratique sans pour autant changer son c½ur. Certaines traditions deviennent des principes mortifères et il est bon qu'ils soient dénoncés. Il est alors heureux de revenir aux lois édictées par Moïse sans pour autant ne jamais oublier qu'elles ont été écrites sur des tables de pierre. Il en va tout autrement avec la loi du Fils de Dieu. La loi du Christ s'inscrit cette fois dans le c½ur. Par Jésus, le c½ur devient la source et la finalité de tous nos actes, de tous nos gestes, de toutes nos paroles et également de toutes nos pensées. Dans la foi, notre c½ur ne peut se laisser déborder par nos émotions mais plutôt se laisse attendrir par notre douceur et notre tendresse. Ces dernières se déclinent dans la manière de vivre nos vies et ont toujours comme visée le bien être de celles et ceux de qui nous nous faisons proches. Pour que des choses impures ne sortent jamais plus de nous, nous sommes conviés aujourd'hui, avec une certaine urgence, à veiller à ce que nos regards, nos paroles et nos actes soient toujours signes de la foi qui nous anime, de l'espérance qui donne sens à nos existences et de l'amour qui nous ouvre le chemin de l'évangile. Soyons reconnaissants pour notre démocratie, dénonçons toutes les émocraties qui font ressortir les mauvais côtés de l'être humain et osons mettre en place une cardiocratie, c'est-à-dire une société fondée sur le c½ur de l'évangile, c'est-à-dire une société où l'amour guide nos vies. La cardiocratie sera ainsi la mise en ½uvre du Royaume de Dieu au c½ur de notre humanité.
Amen