22e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

DIEU DEMANDE LE COEUR

Après 5 dimanches consacrés à l'admirable chapitre 6 de S. Jean (Le Pain de Vie), nous revenons aujourd'hui à l'évangile de Marc qui nous rapporte un nouvel affrontement entre Jésus et des pharisiens à propos de la pureté. Il importe de restituer l'entièreté de ce texte qui malheureusement, dans le lectionnaire liturgique,  est amputé de plusieurs versets indispensables à sa compréhension.

HYGIENE ET NETTOYAGE

Les pharisiens et quelques scribes étaient venus de Jérusalem. Ils se réunissent autour de Jésus et voient quelques-uns de ses disciples prendre leur repas avec des mains impures, c.à.d. non lavées. (Les pharisiens en effet, comme tous les Juifs, se lavent toujours soigneusement les mains avant de manger, fidèles à la tradition des anciens ; et au retour du marché, ils ne mangent pas avant de s'être aspergés d'eau ; et ils sont attachés encore par tradition à beaucoup d'autres pratiques : lavage de coupes, de cruches et de plats). Les pharisiens et les scribes demandent : «  Pourquoi tes disciples ne suivent-ils pas la tradition des anciens ?... » .

Il faut savoir que ce débat dépasse largement les règles d'hygiène : le problème n'est pas de savoir s'il faut se mettre à table avec des mains propres - ce qui va de soi. Si, depuis  quelques siècles, des scribes-théologiens et des laïcs pieux, membres de la secte pharisienne, avaient développé tout un arsenal de pratiques tatillonnes, d'observances minutieuses, de gestes obsessionnels de propreté, c'était pour lutter contre la tentation de se laisser contaminer par la civilisation grecque dont le prestige était tel que beaucoup de Juifs en venaient à abandonner leur foi. Effrayés par cette contagion hellénistique qui entraînait tant de leurs compatriotes dans « l'impureté païenne », ces croyants fervents voulaient se protéger en inventant des usages qui les gardaient « autres ». Toutes ces pratiques tendaient à marquer la différence, à se distinguer comme juifs, comme « purs » au milieu d'un océan d' « impuretés ».

PRATIQUES PIEUSES ET MEPRIS DE LA LOI DE DIEU.

Jésus répond : «  Isaïe a fait une bonne prophétie sur vous, hypocrites, dans ce passage de l'Ecriture :           « Ce peuple m'honore des lèvres mais son c½ur est loin de moi ! Le culte qu'ils me rendent est inutile ;
les doctrines qu'ils enseignent ne sont que des préceptes humains » (Isaïe 29, 13)
Vous laissez de côté le commandement de Dieu pour vous attacher à la tradition des hommes.
(Et Jésus prend un exemple vécu - texte dont il faut restituer la lecture)
Vous repoussez bel et bien le commandement de Dieu pour garder votre tradition. En effet :
Moïse a dit : «  Honore ton père et ta mère ». Et vous, vous dites : «  Si quelqu'un dit à son père ou sa mère : Le secours que tu devais recevoir de moi est « qorbane », offrande sacrée », vous lui permettez de ne plus rien faire pour ses parents. Vous annulez ainsi la Parole de Dieu par la tradition que vous transmettez et vous faites beaucoup de choses du même genre ».

A l'époque, il n'y a pas de système de retraite : les vieux parents dépendent de l'aide de leurs enfants (d'où la nécessité d'en avoir beaucoup) et ce soutien est un devoir sacré (5ème commandement du Décalogue). Or Jésus a constaté que, sur le conseil de certains scribes à l'esprit tordu, des jeunes couples refusaient de pourvoir aux besoins de leurs vieux parents en prétextant qu'ils avaient déclaré leurs biens « qorbane », c.à.d. consacrés à Dieu, dédiés pour appartenir au trésor du temple.
Cette ignominie révulse Jésus et le fait hurler : Comment ? Vous êtes obsédés par la propreté de vos mains et de vos casseroles mais vous bafouez un commandement de Dieu ? Vous inventez des pratiques soi-disant pieuses et vous piétinez l'amour des parents ? Vous appelez « tradition des anciens » ce qui n'est qu'inventions récentes ? A nouveau vous retombez dans le mensonge dénoncé jadis par les prophètes : il n'y a là que gestes hypocrites, ce culte est faux et inutile parce qu'il n'est pas donné avec le c½ur.

OÙ SIÈGE LA PURETÉ ?

Jésus appela de nouveau la foule : «  Ecoutez-moi tous et comprenez bien. Rien de ce qui est extérieur à l'homme et qui pénètre en lui ne peut le rendre impur. Mais ce qui sort de l'homme, voilà ce qui rend l'homme impur ».  Rentré à la maison loin de la foule, ses disciples l'interrogeaient sur cette parole énigmatique. Il leur dit : «  Vous aussi, vous êtes sans intelligence ? Rien de ce qui pénètre de l'extérieur dans l'homme ne peut le rendre impur puisque cela ne pénètre pas dans son c½ur mais dans son ventre puis aux toilettes » -------- Il déclarait ainsi que tous les aliments sont purs ! -

Le débat s'élargit : on passe de la  pureté  des mains et des ustensiles à celle des aliments. Il était bien écrit dans la Loi que certains aliments étaient purs et d'autres, comme le porc, impurs, donc strictement interdits  à la consommation (Lévitique 11). Jésus déclare qu'aucune nourriture ne peut souiller l'homme. Et Marc en profite pour lui attribuer l'interprétation de l'Eglise qui, on le sait par les « Actes des Apôtres » et par Paul, a connu de très vifs débats à propos des aliments autorisés ou non. Jésus, dit-il, a renversé ce mur du régime alimentaire qui séparait Juifs et Païens et empêchait toute commensalité entre eux. Désormais tous peuvent se retrouver à la même table, partager les mêmes menus, sans restrictions.

« Ce qui sort de l'homme, c'est ça qui rend l'homme impur.
C'est de l'intérieur, du c½ur de l'homme que sortent les pensées perverses : inconduite, vols, meurtres, adultères, cupidités, méchancetés, fraude, débauche, envie, diffamation, orgueil et démesure.
Tout ce mal vient du dedans et rend l'homme impur ».

Les règles d'hygiène et de régime équilibré sont certes importantes pour la santé du corps : il importe donc de veiller au choix des aliments et à leur préparation. Mais la pureté véritable est celle du c½ur, c.à.d. ce centre profond où murissent nos pensées, où bouillonnent sentiments, passions, désirs, où s'élaborent les projets. C'est au profond de notre personne que se joue la question de la pureté et de l'impureté ; c'est là que l'homme opte pour le bien ou le mal, l'égoïsme ou le partage, l'orgueil ou l'humilité, l'amour ou la haine. Les bains, les vaisselles, les observances diététiques, les régimes alimentaires sont bien impuissants à régler ce problème ultime où se joue notre destinée. La pureté  ne se réduit pas à la propreté extérieure ni au choix de l'alimentation : la vraie souillure est le péché, le mal que nous fomentons et qui s'extériorise en injures, en coups, en malversations, en mépris de l'autre (remarquez : les 12 mots de la liste ne concernent que les rapports à autrui et non à Dieu)

CONCLUSIONS

La ruse peut donc se glisser au sein même de nos préoccupations religieuses. Ne pourrait-on faire plaisir à Dieu, obtenir la grâce, le pardon, la pureté, en pratiquant des ablutions, en nous interdisant certains aliments, en multipliant des rites, en portant de « saints habits », en suivant un régime ascétique ?... Jésus démasque ces tentatives dérisoires, cette fausse religiosité et nous fouaille jusqu'au plus intime : c'est dans le c½ur que se joue la relation avec Dieu et avec les hommes. La pureté ne s'acquiert pas par des rites superficiels, même onéreux : le c½ur est pur quand il aime le prochain.
Ce n'est pas pour rien que cette controverse se déroule entre les deux multiplications de pain, la première aux Juifs, la seconde aux païens. Rien d'extérieur ne peut nous souiller ni nous purifier : seul le Pain de Jésus peut pénétrer au tréfonds de notre être et guérir notre c½ur. Il est l'unique MONSIEUR PROPRE DU C¼UR. En l'accueillant « du fond du c½ur »,  nous sommes purifiés c.à.d. pardonnés : là est l'essentiel. C'est pourquoi nous pouvons, sans discrimination, partager côte à côte la même table. « Le règne de Dieu n'est pas affaire de nourriture et de boisson : il est justice, paix et joie dans l'Esprit-Saint. C'est en servant le Christ de cette manière qu'on est agréable à Dieu et estimé des hommes » (Romains 14, 17)
Le chrétien n'est tenu que par un unique « régime » : aimer. A part ça : BON APPETIT