« Je suis croyant, mais pas pratiquant ».
Voilà un refrain bien connu, trop connu peut-être. Vous avez certainement déjà rencontrés ces personnes qui se sentent obligées de se justifier,
d'ajouter un « mais » à l'affirmation de leur croyance.
Je suis chrétien mais... Je suis croyant, mais... pas pratiquant !
Comme s'il fallait toujours nuancer --par gêne ou par difficulté--
toute affirmation touchant au domaine de la foi.
Un frère anglais me disait un jour que, pour lui, être « croyant mais pas pratiquant » était une impossibilité, quelque chose d'aussi absurde que de se dire 'nudiste et non pratiquant'. Je ne sais pas si vous êtes d'accord avec lui, mais avouez que les anglais ont le sens de l'humour et de la formule !
Croyant et non pratiquant... une sorte d'incohérence également pour les textes de ce jour. Je vous cite à nouveau la première lettre de Jacques que nous avons entendue :
« Si quelqu'un prétend avoir la foi, alors qu'il n'agit pas, à quoi cela sert-il ? (...)
Pour celui qui n'agit pas, la foi est bel et bien morte».
Vous avez bien entendu, la foi découle des actes et non l'inverse.
Et l'extrait d'évangile que nous avons entendu, nous invite également à méditer sur cette tension entre paroles et actes.
En effet, la vraie confession ne consiste pas à avoir des mots justes, mais plus radicalement à avoir une vie ajustée, une vie qui parle, et pour cela, il faut prendre sa croix, autrement dit... prendre sa vie en mains.
Voilà la vraie pratique : prendre sa croix et sa vie en main.
Mais qu'est-ce à dire ? Avouez que cela peut faire peur !
Alors, reprenons la figure de Pierre :
Pierre --dans tout l'évangile de Marc-- est constamment dans la logique du pouvoir.
Il veut sauver la vie de Jésus et la sienne.
Et cependant, Pierre comme nous, avons à découvrir
qu'il y a une vie dont il faut se séparer.
C'est seulement en laissant partir cette vie là, celle de pouvoir et de maîtrise
que nous trouverons notre propre vie.
Voilà donc l'expérience que nous avons à faire tous les jours : faire mourir une partie de nous-mêmes --un petit peu d'égoïsme, une part fantasmée qui nous tire vers le bas-- pour gagner une vie plus pleine de vie ! Tel est bien le paradoxe de l'évangile.
C'est donc une démarche quotidienne de renoncement à tout ce qui nous empêche d'accueillir la vie.
Et vous l'avez entendu : Pierre parle de Jésus comme du « Messie »,
c'est à dire encore une fois en terme de pouvoir, avec des accents politiques, nationalistes. Etre dans le pouvoir, amène toujours une forme de conservation, voire de conservatisme, pour ceux qui ont peur de le perdre...
Mais Jésus parle de lui en terme non de pouvoir mais de « Fils de l'homme », en terme d'humilité, de relation et de démaîtrise. Si nous nous mettons à la suite de Jésus, il ne s'agit plus alors de conservation, mais de conversion, qui est naît toujours d'une conversation : « et pour vous, qui suis-je ? »
Si nous quittons la conservation de notre vie pour découvrir une conversion de vie,
alors nous pourrons paradoxalement la gagner au sens de l'évangile
et la prendre en main.
Vous l'aurez compris : l'enjeu essentiel n'est donc pas la confession, mais l'agir et la conversion. Nous ne sommes pas pratiquants parce que nous croyons, mais croyons chaque fois que nos actes --quels qu'ils soient-- manifestent une foi réelle en la vie.
C'est cela prendre sa croix, prendre sa vie en mains.
Prendre sa croix, c'est enfin prendre ses échecs en mains, oser les regarder.
Non pas en les justifiant comme s'ils faisaient partie du plan
de je ne sais quel dieu pervers,
mais en disant qu'il y a de l'inexplicable qui peut être franchi,
de l'échec qui peut être traversé,
une impasse qui peut devenir paradoxalement féconde.
Alors, s'il tel est l'appel qui nous est lancé aujourd'hui, ne tentons pas de prendre la croix des autres --c'est cela faire obstacle aux autres comme Pierre l'a fait avec Jésus--, mais prenons notre croix pour prendre de la hauteur dans notre vie.
Car prendre de la hauteur, suivre Jésus, c'est aller Pâques, vers un passage.
car la croix dont il est question pour les croyants n'est une croix de mort,
mais une croix de vie, une croix de résurrection ! Amen.
24e dimanche ordinaire, année B
- Auteur: Croonenberghs Didier
- Temps liturgique: Temps ordinaire
- Année liturgique : B
- Année: 2011-2012