24eme dimanche du temps ordinaire

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 12/09/15
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

« Pour vous, qui suis-je ? » Voilà bien la question que chacun d’entre nous, nous posons à notre conjoint, à notre frère, à notre sœur, à nos parents, à nos enfants. « Pour vous, qui suis-je ? » N’est-ce pas la question que nous voyons dans les yeux des migrants échoués sur une plage, recueillis dans un bateau en mer, repoussés par des agents à une frontière ? N’est-ce pas la question muette que pose la présence de jeunes étudiants étrangers, ici à Louvain-la-Neuve ? Leurs papiers sont en règle, leur inscription est régularisée, mais ils n’ont pas de bourse, ils n’ont pas d’ami. « Pour vous, qui suis-je ? » C’est la question de tant d’hommes et de femmes arrivés à un certain âge nous posent à nous, qui sommes installés à Louvain-la-Neuve, ou partout ailleurs. Quel accueil réservons-nous à ces nouveau-venus ? Certes, il ne faut pas les envahir, ni les heurter par une débordante générosité. Mais il n’est pas interdit de leur sourire, de les saluer et, comme le petit prince avec son renard, de nous apprivoiser les uns les autres.

            Et saint Pierre s’exclame : « tu es le Messie ». C’est un éclair dans son âme et dans son cerveau, une illumination. Il n’y avait jamais pensé, mais maintenant c’est clair, c’est évident : Jésus, c’est le Messie. Il est intéressant de noter que c’est Pierre, et pas le disciple que Jésus aimait, qui a découvert cela. Comme quoi, ce n’est pas toujours l’amour ou l’amitié qui nous permettent de bien connaître quelqu’un. Pierre n’est probablement pas le plus intelligent parmi les apôtres, mais il y a en lui une générosité, une spontanéité qui lui permettent de découvrir les choses les plus belles et les plus simples. Voilà pourquoi il a été jugé digne de devenir le prince des apôtres. La simplicité de son cœur lui a permis de recevoir la grâce de l’Esprit et d’apercevoir la profondeur et la richesse du mystère de ce Jésus qu’il suit et qu’il fréquente depuis des semaines et des mois.

            Et cette révélation n’a pas lieu n’importe quand. Elle se situe en plein milieu de l’Evangile selon saint Marc. Il y un avant, où les disciples sont séduits par la personnalité de Jésus. Et il y a un après, où ils apprennent la grandeur et la tragédie du destin du Messie. Jésus leur parle de sa Passion et de sa mort sur la croix, et Pierre le rabroue : non, ce n’est pas ça qui était prévu ; ce qui était prévu, c’est que le Messie apporte la paix et l’indépendance au peuple juif dispersé. Non, ce n’est pas ça qui était prévu pour les chrétiens d’Orient. Ils étaient réunis dans des églises bondées où ils chantaient la gloire de Dieu. Ils travaillaient dans le bâtiment ou dans le commerce. Ils ont encore un GSM, mais ils n’ont plus de clients qui les appellent. Ils ont encore la clé de leur maison, mais un obus l’a ravagée, et ils n’ont plus que des sandales au pied et la peur au ventre. La foi chrétienne n’est pas une assurance bonheur, ni assurance confort. C’est une ouverture à une vie plus riche, plus profonde, plus aimante. C’est ce qui a poussé saint Pierre à quitter ses filets et sa barque de pêcheur pour annoncer l’amour de Dieu toujours plus loin, jusqu’à Rome où il mourut sur une croix, seul, abandonné, mais transfiguré par l’amour de Dieu.

            Et cela pose la question d’accueillir quelque de nouveau, car Jésus était quelqu’un de nouveau, d’inconnu pour Pierre et tous les disciples. C’était quelqu’un qui leur disait de belles choses et qui les bouleversait. Car accueillir quelqu’un, ce n’est pas l’obliger à être comme moi, de penser comme moi, de croire en Dieu comme moi. Accueillir quelqu’un, c’est comme accueillir un enfant dans une famille ou un frère dans une communauté, c’est accepter d’être dérangé, de voir la vie autrement, non plus en ayant notre petite personne comme le centre du monde. Accueillir quelqu’un, c’est accepter de recevoir quelque chose de lui, c’est être capable de lui demander : « apprends-moi à aimer Dieu ». J’ai ma petite idée de Dieu, elle n’est pas mauvaise, mais ce n’est qu’une petite idée. Apprends-moi qui est Dieu pour toi et je découvrirai une autre facette du Bien-aimé. Alors nous pourrons tous ensemble nous élancer vers notre Seigneur et Sauveur, emportés par l’enthousiasme de chacun d’entre nous.


Philippe Henne