25e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Dianda Jean-Baptiste
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 1998-1999

 

 

Mt 20, 1-16a

Frères et S½urs,

Il y a quelques années, j'ai assisté à un débat houleux sur la manière de réduire de façon drastique le chômage. A l'époque la thèse controversée était la suivante : il faut « partager le travail et le revenu ». Pour le tenant de cette thèse « les richesses mondiales étant limitées, et la population mondiale ne cessant pas de croître, le jour viendra où il sera non seulement nécessaire de redistribuer les richesses mais aussi d'accepter une diminution globale du travail et de s revenus qui l'accompagnent,... » Selon ce prophète, le temps de plein emploi est révolu et avec lui les meilleurs salaires, la véritable révolution planétaire à laquelle nous devons nous préparer c'est le partage de travail c'est-à-dire « travailler moins et avoir plus de temps pour d'autres occupations, et aussi gagner moins d'argent et donc apprendre à moins consommer ». La réaction fut immédiate. Il a été sifflé, copieusement hué car il passait pour l'ennemi du monde ouvrier. Mais depuis les choses ont changé. Aujourd'hui, ce sont les syndicats eux-mêmes qui demandent à rencontrer le patronat et l'Etat pour trouver, en concertation les solutions les moins inhumaines pour le partage de travail.(cfr . tout le débat sur les 35 heures) C'est dire que ce débat reste d'actualité.

L'évangile de ce dimanche semble évoquer, comme en écho, toutes ces situations autour de chômage et emploi par des images et cadre imaginés par Jésus pour décrire le Royaume des cieux.

En effet, cette parabole des ouvriers de la dernière heure semble se situer au temps des vendanges. « Le propriétaire de la vigne prend des ouvriers où il les trouve. Les gens arrivent à toute les heures de la journée. Un contrat s'effectue avec les premiers. » Les suivants sont envoyés au « boulot » avec la garantie d'un salaire juste ; mais sans contrat clair. Avec les derniers, un dialogue s'enclenche avant de les recruter. Eux , non plus , ils ne signent de contrat précis. Ce qui est clair ,c'est que le Seigneur embauche » : « allez ,vous aussi à ma vigne » dit-il !

Comme dans d'autres passages de son évangile, Matthieu partage à nouveau sa principale préoccupation qui est de rassembler. Il s'agit d'embaucher largement, quelle que soit l'heure, pour que la vendange soit réussie. Le coup de théâtre intervient au moment du règlement des salaires : les derniers sont payés les premiers, en plus , la durée de travail n'est pas prise en compte. Le contrat de travail fait avec les ouvriers de la première heure semble être juste, puisque les ouvriers ne rouspètent pas ; dans tous les cas , ce contrat ne comporte pas une clause sur la durée et même sur le volume du travail. Maître donne à chacun la même somme. C'est alors que les problèmes commencent ! Relisons attentivement la réponse du Maître. Il dit trois choses principales :

1. « Je n'ai pas commis d'injustice envers vous ». Il s'agit du respect du contrat, le respect de la parole d'honneur. Nous admettons cette réponse, mais elle ne nous convainc pas. Il y a quelque chose qui peut nous inspirer en Afrique. Quand on voit le nombre impressionnant d'accords signés, mais sans effets, dans le règlement des nombreux conflits armés qui déchirent le continent.

2. « Ne puis-je pas faire de mon bien ce que je veux ? » Très souvent, nous lui refusons cette liberté. Nous exigeons sans le dire tout haut, le salaire d'après prestation. Heureusement les contrats modernes sont plus précis sur le volume de travail pour lequel on s'engage et le temps qu'il faut pour le réaliser.

3. « Vas-tu regarder avec un ½il mauvais parce que moi je suis bon ? » c'est la pointe de cette parabole. Dieu n'a pas agi par caprice mais par bonté. Serons-nous fâchés contre lui parce qu'il est bon ? La parabole veut nous faire comprendre combien, de ce point de vue, nous sommes mesquins et calculateurs. Et pourquoi l'attitude de Dieu fait- elle mal ? Pourquoi concluons-nous que Dieu nous aime moins ,alors que la parabole dit seulement qu'il aime les autres autant que nous ? Tous nos malheurs ne proviendraient-ils pas de ce que nous nous comparons aux autres ? « Ce qui est reproché aux ouvriers de la première heure, c'est leur jalousie et leur jugement du comportement du maître ».

Frères et s½urs,

Nous n'oublions pas qu'il s'agit d'une parabole dans la bouche de Jésus qui veut nous parler du « royaume des cieux » et donc de Dieu. Jésus ne nous parle pas de justice sociale et des conventions collectives. Cette parabole est un moyen, une image pour nous parler de la justice de Dieu, ce maître qui embauche à toute heure et rétribue chacun de la même manière. Ce maître dont la bonté est sans mesure accueille tout le monde chez lui chacun peut y trouver sa part. Ce n'est pas parce qu'on est chrétien depuis longtemps ou parce que l'on est meilleur que Dieu nous aime. Dieu nous aime avant tout ça. Il donne tout son amour à chacun.

Cette parabole se termine par une question adressée à tous, une remise en question de notre mentalité. C'est une provocation à la conversion. Comme le montre le passage du livre d'Isaie (55,6-9) : « riche en miséricorde », Dieu laisse à chacun le temps de se convertir. Il est urgent de mettre ce délai à profit pour « le chercher », « l'invoquer », « revenir » à lui, « abandonner » la voie de la perversion. Ces quatre verbes indiquent qu'il ne suffit pas de prendre de bonnes résolutions . Il faut agir. La foi ne se paie pas de mots : elle doit se traduire également en actes dans la vie de chaque jour, en toutes circonstances :la liturgie de ce week-end exhorte à ne pas l'oublier. Le Seigneur embauche pour un salaire juste, viens découvrir sa bonté !