25e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2008-2009

Après avoir longtemps circulé à travers sa province de Galilée (sans guère de résultats !), Jésus a entraîné ses disciples au-delà des frontières d'Israël. En Phénicie (le Liban), en Décapole puis aux environs de la nouvelle cité de Césarée, ils ont découvert le monde païen et sa prestigieuse civilisation.

Mais au lieu de fustiger les m½urs parfois dissolues de ces incirconcis, friands de charcuterie (interdite au Juif !), au lieu de maudire ces gens adonnés à des cultes idolâtriques, au lieu de prédire le déchaînement imminent de la colère divine sur ces villes licencieuses, Jésus a pris une décision inverse.

Ce qui s'impose à lui comme prioritaire, nécessaire, urgent, indispensable, ce n'est pas de stigmatiser le péché du monde mais c'est d'abord de purifier la propre religion d'Israël.

 

C'est pourquoi il vient d'annoncer à son groupe qu'il montait à Jérusalem, lieu du temple, centre du culte. En y proclamant la venue du Royaume de Dieu son Père, il appellera à une religion du c½ur donc à une conversion radicale: par conséquent il sera tenu de dénoncer les durcissements d'une religion légaliste, de dévoiler l'hypocrisie, la cupidité et la vanité de certains hauts dignitaires religieux, grands prêtres et théologiens.

Pas besoin d'un don spécial de prophétie: Jésus est bien conscient que s'il agit de la sorte, il sera farouchement refusé, excitera la fureur des Autorités, sera condamné et exécuté. Mais il en est absolument sûr: son Père, qui l'a appelé son "Fils bien-aimé" et lui a donné sa mission, ne l'abandonnera jamais: il lui rendra la Vie.

Le Royaume de Dieu ne viendra donc pas grâce à des prédications ou des miracles mais par la croix, par la Pâque, le don de l'amour total, le passage de la mort à la Vie.

 

A partir de Césarée, la traversée du nord au sud du pays est scandée par trois annonces de la Passion: après celle du point de départ (dimanche passé), voici aujourd'hui la 2ème:

 

Jésus traversait la Galilée avec ses disciples, et il ne voulait pas qu'on le sache.

Car il les instruisait en disant: " Le Fils de l'homme est livré aux mains des hommes: ils le tueront et, trois jours après sa mort, il ressuscitera". Ses disciples ne comprenaient pas ces paroles et ils avaient peur de l'interroger.

 

Toujours "le secret messianique": puisque les gens n'attendent qu'un libérateur nationaliste et tout-puissant, il vaut mieux se taire. Et les pauvres disciples, toujours aussi obtus, ne peuvent admettre ce nouveau message (rappelons-nous Pierre qui voulait s'interposer et morigénait son maître): ils craignent de demander des raisons de cette décision qui les déstabilise. Il nous faudrait pourtant oser questionner Jésus, lui demander la raison de son projet qui nous entraîne vers le même destin.

 

L'INSTRUCTION AUX DOUZE A CAPHARNAÜM

 

Le groupe repasse par le petit port de Capharnaüm sur le lac de Galilée et fait halte sans doute dans l'ancienne maison de Simon et André ( 1, 29): ce sera l'occasion d'un enseignement aux apôtres.

 

Ils arrivèrent à Capharnaüm et, une fois à la maison, Jésus leur demandait:

                     " De quoi discutiez-vous en chemin ?".

Ils se taisaient car, sur la route,   ils avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand.

 

En chemin, Jésus, comme les rabbins de son temps, marchait en tête, suivi par le petit groupe des disciples: peut-être avec un petit sourire moqueur, il s'informe du sujet des conversations animées dont il a perçu les éclats sur la route.

"Qui est donc le plus grand d'entre nous?": On devine que, depuis que Jésus a constitué, parmi la foule des disciples anonymes,  le groupe des Douze premiers et qu'il a nommé Pierre, un pauvre pêcheur,  à leur tête, le jeu des rivalités s'est enflammé.

MOI, j'ai fait plus d'études...MOI je prêche mieux...MOI, je serais un meilleur dirigeant...

MOI ...MOI...MOI...Cacophonie des affirmations de soi, revendications hargneuses, duel des ambitions rivales.

Immense bêtise des hommes: on suit un Maître qui martèle la nécessité de la croix...et on se jalouse, on cherche la première place !!!  Là est le plus gros péché des disciples, dénoncé sans cesse par les évangélistes - avant leur lâcheté, plus tard,  à l'approche de la croix.

 

Jésus appela les Douze et leur dit:

" Si quelqu'un veut être le premier, qu'il soit le dernier de tous et le serviteur de tous".

 

Vous avez de l'ambition, chers amis ? Vous désirez être reconnus à votre juste valeur ?  Vous voulez occuper le rang qui vous revient - avant les autres évidemment ? Eh bien, dans ce cas, retournez vos idées païennes d'autopromotion et courez en sens inverse.

Dans le jargon du "Tour de France", pour être "maillot jaune" dans le peloton de Jésus, il ne faut pas s'élancer orgueilleusement en tête afin de manifester devant tous que l'on est le plus fort, mais se faire humble "porteur d'eau", esclave empressé qui se met au service de tous ses frères, surtout les moins doués et les plus misérables. Ne pas cacher ses talents mais les déployer comme service de tous.

 

Prenant alors un enfant, il le plaça au milieu d'eux, l'embrassa et leur dit:

" Celui qui accueille en mon nom, un enfant comme celui-ci, c'est moi qu'il accueille.

Et celui qui m'accueille, ne m'accueille pas moi, mais Celui qui m'a envoyé".

 

 

Nous sommes habitués aujourd'hui à voir même de grands personnages s'approcher des enfants, leur parler, jouer avec eux. Il n'en allait pas du tout de même dans l'antiquité où l'enfant était mis à l'écart, renvoyé à son monde de jeux et de frivolités. Aimé certes mais jamais admis dans la société des grandes personnes. Les Douze ont dû être complètement ébahis par cette "parabole en acte" de leur Maître qui prend l'initiative d'attraper un gosse ( il en courait partout dans toutes les maisons), de le placer au milieu du groupe, de l'embrasser - donc de montrer qu'il s'assimile à lui.

 

Ainsi non seulement chaque disciple doit se faire petit, modeste serviteur mais en outre il doit cesser de chercher un Messie triomphant, de rêver d'un Royaume de gloire et de faste. Au centre de la communauté chrétienne,  au c½ur de l'Eglise, il y a Jésus, un Messie faible comme un enfant, attendant que les grandes personnes capitulent de leur vanité et leur égocentrisme pour se pencher sur lui et l'accueillir.

Car seule cette attitude d'ouverture à la petitesse et à la fragilité permet de recevoir le véritable Jésus et, à travers lui, avec lui, c'est bien Dieu lui-même qui, enfin, est compris, reconnu et aimé.

 

NOTRE  EGLISE  A  CONVERTIR

 

Aujourd'hui l'Eglise ne cesse de lancer de vibrants appels à la conversion du monde; le Vatican publie de grands documents qui exhortent à la fin des conflits et à la paix; les médias chrétiens dénoncent les scandales financiers et les injustices de la société; nous nous plaignons du spectacle d'horreurs qui s'affichent....Tout cela ne change pas grand chose !

Et si, comme Jésus, nous commencions d'abord par décider de la conversion de notre Eglise  ?

Au point de départ, contrairement aux Douze,  osons demander à notre Seigneur pourquoi il a pris ce chemin de vérité souffrante et pourquoi il nous invite à marcher sur ses traces. "Si quelqu'un veut être mon disciple...". Comprendre, admettre le chemin de la croix. S'accrocher tellement au Christ que l'on est prêt à le suivre partout.

Alors nous accepterons de renoncer aux enfantillages du monde ( "Je suis le meilleur...je vaux mieux que toi...") pour devenir, comme Jésus, de vrais Enfants de Dieu. Fragiles comme l'amour. Vulnérables comme la tendresse. Mais forts comme la Foi. Parce que portés par une Espérance infaillible.