25ème dimanche ordinaire

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 24/09/17
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2016-2017

C’est une question qui m’a taraudé dès le début de ma vie religieuse : à quoi passer toute ma vie au couvent, si les prostituées, les voleurs, les menteurs et les adultères auront la même récompense que moi, celle du paradis ? A quoi cela sert-il de passer toute une vie dans la prière et dans la vie commune, si c’est pour obtenir le même résultat que ceux qui profitent de la vie ? Parce qu’il y a là quelque chose de pervers. 

Pourquoi s’encombrer de lois et de règlements supplémentaires alors que nous sommes déjà surchargés de contraintes ? Je le voyais autour de moi quand je suis entré au couvent : les gens ne comprenaient pas pourquoi je m’imposais de nouvelles restrictions à ma liberté.  L’image de l’Eglise dans la société n’est d’ailleurs pas très positive.  L’Eglise apparaît comme un institution qui empêche de s’amuser et même qui empêche de créer, d’innover.  La route de la vie n’est déjà pas très large, et voilà que l’Eglise réduit encore l’espace libre en ajoutant de nouveaux fils barbelés.

La première chose qu’il faut sans doute retenir, c’est que, c’est vrai, nous n’avons plus le choix.  Quand Roméo a rencontré Juliette, il n’avait plus le choix : il devait vivre avec Juliette, auprès de Juliette.  C’est comme si le barrage qui retenait toutes les eaux de notre amour avait été fendu par le doigt aiguisé de Dieu.  Brutalement tout ce qu’il avait dans le cœur comme amour se trouvait libéré et pouvait s’élancer vers Dieu.  Oui, Dieu libère.  Avant de la connaître, nous étions dans les marécages de la solitude et de l’ennui.  Quand nous le rencontrons, nous ne pouvons que nous élancer tout entiers vers lui.  Les sources vives de notre cœur peuvent s’élancer vers l’océan de son amour.

Et ça fait mal.  Oui, ça fait mal parce que cet élan vers Dieu arrache le chiendent de notre égoïsme.  Oui, nous étions attachés à de multiples petites chose : la poupée que l’on gardait précieusement près de soi ou les gros camion rouge avec lequel nous avions construite tant de routes et de belles maisons.  Oui, il a fallu abandonner toutes ces petites habitues qui nous faisaient plaisir pour nous élancer vers une vie plus grande, plus belle.  Il a fallu aussi arracher les écailles de nos yeux.  On croyait tout le monde soutenait le Royal Albert Elisabeth Club de Mons et que chaque weekend tout le monde se précipitait sur son porte radio pour écouter le résultat du dernier match.  Mais il y a d’autres personnes qui n’ont pas les mêmes goûts que moi.  Il y en a qui aiment la peinture, le potager, le tricot.  Et cela fait mal de na pas avoir à côté de soi quelqu’un qui crie de joie chaque fois qu’on marque un but. 

Oui, suivre Dieu, cela demande parfois beaucoup de sacrifices, mais cela ne peut pas gâcher la plus grande joie, le plus grand bonheur : celui d’être avec Dieu.  Oui, c’est ce que je me suis dit, quand j’étais jeune religieux.  Que tout le monde danse et chante, moi, je suis avec le Bien-aimé.  Et la différence entre le bon larron et moi, c’est que, déjà maintenant, je peux vivre avec le Christ Jésus ressuscité.  Alors, oui, je ne souhaite qu’une chose : c’est tout le monde puisse connaître ce grand bonheur.