26e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Van Aerde Michel
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2008-2009

A force de travailler sur  les ordinateurs ou de manipuler les chiffres, nous finissons par penser que tout est régulé, automatique, exact. Il y a bien sûr de temps en temps quelque « bug » et quelque erreur de calcul, mais cela doit justement rentrer dans l'ordre, c'est-à-dire être corrigé, mis aux normes, mis sous contrôle « under control » disent les anglais. « Under », dessous, le mot en dit long : nous maîtrisons, comme des petits dieux dominateurs.

 

Mais en est-il ainsi avec la vie ? Est-ce que nous la contrôlons ? Celle-ci, le plus souvent nous échappe. Voyez les enfants, ils ne nous ressemblent pas, ou du moins nous avons l'impression qu'ils sont vraiment différents, surprenants. Ils nous imposent leur rythme, leur culture, leurs manières nouvelles de penser. Et puis, dans la vie, il y a quantité d'événements surprenants. Le jour où je deviens amoureux, tout change soudainement. Il y a un 'avant' et un 'après' et je ne contrôle plus rien ! La vie, l'amour, il y a aussi la foi. Ce qui est vrai de la vie et de son cours imprévisible, ce qui est plus vrai encore de l'amour, devient permanent dans la vie spirituelle. « L'Esprit souffle où il veut, tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d'où il vient ni où il va » nous dit Jésus. Il ne respecte pas souvent l'ordre hiérarchique, il surprend toujours. Il est trop vivant pour être purement « logique » comme l'informatique ou la comptabilité. Il y a chez lui une fantaisie qui voisine la folie (c'est saint Paul qui le dit ! « Folie pour les païens, scandale pour les juifs »).

 

Quand Marie apparaît à Lourdes, elle ne va pas voir l'évêque ni un théologien, elle s'adresse à une jeune fille illettrée, pauvre et méprisée : Bernadette, « une petite merdeuse » a-t-on dit alors dans le milieu des gens bien... Et puis dès le commencement il en est ainsi. Pourquoi Jésus ne faisait-il pas partie des autorités, n'était ni grand prêtre, ni docteur de la Loi, ni membre du Sanhédrin ?

 

Pourquoi n'apparaît-il pas à Pierre en premier mais à Marie Madeleine, une ancienne prostituée ?

Et puis cela continue : Pierre est appelé chez un païen, le centurion Corneille, un romain. Il constate que celui-ci a déjà reçu l'Esprit Saint. Pierre baptise donc le tout premier non-juif de l'histoire, et il va s'en expliquer devant la communauté.

Autre question encore : le christianisme se serait-il développé sans Paul ? Sans le persécuteur intégriste et assassin qui emmenait captifs des chrétiens sur la route de Damas ? La conversion et la mission de Paul étaient-elles prévisibles ? Faisait-il partie des autorités ? On parle de lui comme d'un apôtre mais le treizième apôtre, c'est Mathias, dont on ne sait pratiquement rien. Au moment même où les onze sont réunis pour remplacer Judas, voilà que l'Esprit Saint agit de son côté en toute clandestinité pour susciter saint Paul qui fera l'essentiel du travail de manière quasi informelle !

 

N'est-ce pas un peu déroutant ? Et, reconnaissons-le aussi, pour les responsables qui portent le souci du sérieux de la transmission, n'est-ce pas un peu vexant ?

Leur tâche n'est pas de diriger l'Esprit Saint mais de le reconnaître et de l'authentifier pour la communauté. Nous sommes tous appelés à discerner ce qui est juste et ce qui est bon, ce qui est authentique et ce qui est faux. Au-delà des labels, des diplômes, des certificats multiples et variés, il peut y avoir des choses excellentes à ne pas mépriser. Ce rôle d'identification et de discernement est plus encore confié aux autorités.

 

Le rôle de la structure n'est pas de contrôler l'Esprit Saint ni de le canaliser, mais de le reconnaître humblement, de l'accueillir, de l'authentifier, de discerner sa présence et se mettre au service de son action. Le rôle de l'autorité est aussi de nous mettre en garde contre ce qui pourrait être frelaté, perverti, contre ce qui se réclame du Christ mais peut lui être tout à fait opposé. Au cours de cette eucharistie prions Dieu pour qu'il nous donne son Esprit d'amour et de vie.

Prions Dieu pour que l'Esprit Saint soit aussi donné aux évêques et à toutes les autorités dans la société, afin qu'ils sachent se situer humblement comme serviteurs au service des serviteurs, ravis d'être surpris et même dépassés, comme un maître par ses disciples, comme un père par ses enfants.

 

Alors que Joseph, terriblement inquiet de ce qui se passait pour sa fiancée, envisageait de la renvoyer, un ange lui apparût en songe qui lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse : ce qui a été engendré en elle vient de l'Esprit Saint... » (Mt 1,15)