LOIN DU PAUVRE ... LOIN DE DIEU
Surprenant l'enseignement de Jésus à ses disciples à propos de l'argent (texte de dimanche passé), les pharisiens « se mirent à ricaner car ils aimaient l'argent », note s. Luc. Alors Jésus fait une nouvelle tentative pour leur ouvrir les yeux avant qu'il ne soit trop tard.
« Il y avait un homme riche, qui portait des vêtements de luxe et faisait chaque jour des festins somptueux. Un pauvre, nommé Lazare, était couché devant le portail, couvert de plaies. Il aurait bien voulu se rassasier de ce qui tombait de la table du riche ; mais c'étaient plutôt les chiens qui venaient lécher ses plaies.
Comme dans une caricature, Jésus simplifie la situation et force les traits des deux personnages pour en faire mieux ressortir le contraste. Le premier n'est pas un escroc, il doit sa fortune à un héritage ou à la réussite en affaires. Toujours vêtu à la dernière mode, capable d'offrir des festins quotidiens à ses amis et relations, il se présente comme un personnage important, objet de la considération générale des citoyens et même des autorités religieuses. Pour tous, c'est un homme béni de Dieu auquel d'ailleurs il ne manque pas de rendre grâce par sa pratique religieuse et ses prières au temple.
Vis-à-vis de lui, un misérable, le seul personnage des paraboles qui porte un nom : Lazare, ce qui signifie « Dieu aide ». Il n'est pas perdu au fond d'une ruelle obscure mais il gît juste devant le portail de la luxueuse demeure du riche si bien que celui-ci, chaque fois qu'il entre et sort, ne peut manquer de le voir. Dépenaillé, il laisse les chiens, sa seule compagnie, lécher ses plaies dues à la saleté. Il n'est pas dit un modèle de piété et de vertu : il n'appelle pas à la révolution, ne maudit pas le riche, ne revendique pas le partage des biens. Simplement il a faim et se contenterait d'un peu des restes qui surabondent et que l'on jette à la poubelle. Il s'en remet à Dieu.
Pour le riche, comme pour les voisins, les choses sont claires : Dieu l'a comblé de bienfaits tandis que ce loqueteux est un fainéant, puni pour sa paresse ou ses méfaits passés.
Et le temps passe, conduisant à l'issue que nulle fortune ne peut éviter.
Le pauvre mourut, et les anges l'emportèrent auprès d'Abraham. Le riche mourut aussi, et on l'enterra. Au séjour des morts, il était en proie à la torture ; il leva les yeux et vit de loin Abraham avec Lazare tout près de lui.
Alors il cria : 'Abraham, mon père, prends pitié de moi et envoie Lazare tremper dans l'eau le bout de son doigt pour me rafraîchir la langue, car je souffre terriblement dans cette fournaise '.
-- Mon enfant, répondit Abraham, rappelle-toi : Tu as reçu le bonheur pendant ta vie, et Lazare, le malheur. Maintenant il trouve ici la consolation, et toi, c'est ton tour de souffrir. De plus, un grand abîme a été mis entre vous et nous, pour que ceux qui voudraient aller vers vous ne le puissent pas, et que, de là-bas non plus, on ne vienne pas vers nous.'
On ne dit pas que Dieu punit : simplement les situations sont inversées. Lazare qui avait tant souffert est comblé par la bénédiction de vie due aux croyants dont Abraham est le prototype et le père. Le riche, lui, a tout perdu, il souffre des désirs qu'il ne peut plus assouvir car là-bas il n'y a plus besoin d'AVOIR de la prestance, de la gloire, du faste, des nourritures terrestres. Dans l'au-delà il n'y pas plus que la VIE, c.à.d. l'ETRE DANS L'AMOUR AVEC LES AUTRES.
Mais l'autre à présent est loin, tout contact est impossible : le riche gît par-delà l'ABIME qu'il a lui-même creusé. La mort scelle la situation que nous avons voulue mais désormais le retournement est total et définitif.
L'URGENCE DU CHANGEMENT
Le riche répliqua : 'Eh bien ! père, je te prie d'envoyer Lazare dans la maison de mon père. J'ai cinq frères : qu'il les avertisse pour qu'ils ne viennent pas, eux aussi, dans ce lieu de torture !" -- Abraham lui dit : 'Ils ont Moïse et les Prophètes : qu'ils les écoutent !
Jésus ne prétend pas délivrer une révélation nouvelle qu'il faudrait de toute urgence apporter aux égoïstes pour qu'ils sortent de leur ignominie. La Loi et les Prophètes, c.à.d. la Bible, ont de toujours donné ce même enseignement qu'il suffit d'écouter :
DEUTERONOME 15,7 - : « S'il y a chez toi un pauvre, l'un des tes frères, dans le pays que Dieu te donne, tu n'endurciras pas ton c½ur et tu ne fermeras pas ta main à ton frère pauvre mais tu lui ouvriras ta main toute grande »
AMOS 6, 1 (1ère lecture de ce jour) : « Malheur à ceux qui vivent bien tranquilles dans Jérusalem et qui se croient en sécurité. Vautrés sur leurs divans, ils mangent les meilleurs agneaux, ils improvisent au son de la harpe, ils boivent le vin, se parfument avec des crème de luxe. Mais ils ne se tourmentent pas du désastre d'Israël. Ils vont être déportés, et la bande des vautrés n'existera plus ! »
AMOS 8, 4 (1ère lecture de dimanche passé): « Ecoutez ceci, vous qui écrasez le pauvre pour anéantir les humbles du pays... Que le droit jaillisse comme les eaux et la justice comme un torrent intarissable... »(5,24)
ISAÏE (1, 15-17) : « Vous avez beau multiplier les prières, je n'écoute pas, dit le Seigneur, vos mains sont pleines de sang. Lavez-vous ! Otez de ma vue vos actions mauvaises, cessez de faire le mal, recherchez la justice, faites droit à l'orphelin, prenez la défense de la veuve !... »
MEME UN MIRACLE N' EBRANLE PAS UN C¼UR DE BETON
Le riche connaît bien ses frères : au culte ils entendent proclamer les Ecritures mais ils ne se décident pas à les mettre en pratique. Ne faudrait-il pas un miracle pour les changer ?
- Non, père Abraham, dit le riche, mais si quelqu'un de chez les morts vient les trouver, ils se convertiront.' - Abraham répondit : 'S'ils n'écoutent pas Moïse ni les Prophètes, quelqu'un pourra bien ressusciter d'entre les morts : ils ne seront pas convaincus.' »
A-t-on jamais souligné à ce point la dureté des c½urs avides, l'aveuglement de « ceux qui aiment l'argent » et ne veulent pas voir ni secourir leurs frères misérables ? Les liturgies, l'écoute des lectures les plus précises, les homélies et même une apparition miraculeuse : rien n'y fait, leur avarice est un bloc inébranlable. Et même lorsque saint Luc leur raconte l'Evangile, qu'il leur affirme que Jésus est en effet ressuscité, ils continuent à se moquer et à ricaner. Laisser mourir l'autre plutôt que de lui donner quelques miettes !
« Vous ne pouvez servir Dieu et l'argent » : lire les extraits de discours du pape ci-dessous.
26e dimanche ordinaire, année C
- Auteur: Devillers Raphaël
- Temps liturgique: Temps ordinaire
- Année liturgique : C
- Année: 2012-2013