26eme dimanche du temps ordinaire

Auteur: Raphaël Devillers
Date de rédaction: 12/09/15
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

LA FOI N’EST PAS CE QU’ON PENSAIT

Sur la route qui le mène à Jérusalem où il va connaître son triomphe messianique – mais en passant par l’horreur de la croix et de la mort -, Jésus donne en privé à ses disciples des instructions qui bouleversent leurs conceptions. Dimanche passé, nous avons vu les deux premières recommandations du « discours communautaire » qui en regroupe sept : voici les suivantes.

FAIRE LE BIEN N’EST PAS UN PRIVILEGE CHRETIEN

Jean, l’un des Douze, disait à Jésus : « Maître, nous avons vu quelqu’un expulser les démons en ton nom ; nous l’en avons empêché, car il n’est pas de ceux qui nous suivent. »

Jésus répondit : « Ne l’en empêchez pas, car celui qui fait un miracle en mon nom ne peut pas, aussitôt après, mal parler de moi ; celui qui n’est pas contre nous est pour nous ».

Les guérisseurs de ce temps avaient coutume d’accompagner leurs soins et leurs exorcismes par des invocations aux dieux et à de grands personnages célèbres pour leurs pouvoirs thérapeutiques Les apôtres ont remarqué un guérisseur qui opérait des guérisons en invoquant le nom de Jésus et cela déplait beaucoup à Jean. Cet homme me respecte, répond Jésus, laissez-le faire ; vous n’avez pas le monopole de mon pouvoir, vous verrez beaucoup d’hommes qui ne partagent pas votre foi mais qui luttent contre le mal, font du bien aux gens, leur rendent la santé. Croyants ou non, les hommes ne doivent pas rivaliser mais collaborer pour guérir et sauver tout homme, faire advenir la justice et la paix.

LE SALUT PAR LA CHARITE 

« Et celui qui vous donnera un verre d’eau au nom de votre appartenance au Christ, amen, je vous le dis, il ne restera pas sans récompense ».

Bien des gens, continue Jésus, ne se convertiront pas à l’Evangile mais ils montreront de la compassion, ils vous viendront en aide, vous soulageront dans vos détresses. Même sans une foi déclarée, la pitié, la charité seront pour beaucoup chemin du ciel.

Le concile Vatican II disait magnifiquement : « Puisque le Christ est mort pour tout et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit-Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associé au mystère pascal » (L’Eglise dans le monde - § 22)

 NE PAS FAIRE PERDRE LA FOI

« Celui qui est un scandale, une occasion de chute, pour un seul de ces petits qui croient en moi, mieux vaudrait pour lui qu’on lui attache au cou une de ces meules que tournent les ânes, et qu’on le jette à la mer ». 

Après l’ouverture aux incroyants, Jésus recommande à ses apôtres une grande vigilance à l’égard des disciples. La foi est une flamme fragile, exposée aux grands vents des tentations mais elle est un trésor d’une telle valeur que la faire perdre à quelqu’un par des paroles ou un comportement inconvenants est chose extrêmement grave qui entraîne la destruction.

DES AMPUTATIONS NECESSAIRES

« Et si ta main est pour toi une occasion de chute, coupe-la. Mieux vaut pour toi entrer manchot dans la vie éternelle que de t’en aller dans la géhenne avec tes deux mains, là où le feu ne s’éteint pas.

Si ton pied est pour toi une occasion de chute, coupe-le. Mieux vaut pour toi entrer estropié dans la vie éternelle que de t’en aller dans la géhenne avec tes deux pieds.

Si ton œil est pour toi une occasion de chute, arrache-le. Mieux vaut pour toi entrer borgne dans le royaume de Dieu que de t’en aller dans la géhenne avec tes deux yeux, là où le ver ne meurt pas et où le feu ne s’éteint pas ».

Ce n’est pas seulement le mauvais exemple d’un autre mais son propre comportement personnel qui peut faire perdre la foi. Le langage de Jésus est certes hyperbolique, à ne pas prendre à la lettre, mais on voit que sa mise en garde est extrêmement grave. Les tentations viennent du cœur, de l’esprit : elles incitent la main à voler, les pieds à se rendre en des endroits périlleux, les yeux à être fascinés au point d’exciter une envie irrésistible.

Les tentations sont normales car nos sens sont sollicités par la beauté, l’intérêt, l’attrait, l’utilité. Mais, en chaque cas, lorsque le désir risque d’entraîner dans l’infidélité, il est impérieux de ne pas tarder, de ne pas s’accorder des permissions dangereuses et de « trancher dans le vif ». Sinon il y a un moment où la résistance sera impossible et où l’on tombera dans le scandale.

La fidélité dans la foi et la charité mènent à la vraie Vie et cet enjeu mérite toutes les luttes et tous les sacrifices y compris celui de sa vie corporelle.

Les dérives voulues et décidées font basculer dans la « géhenne ». C’est-à-dire ?

Il y avait à la bordure sud-ouest de la ville de Jérusalem une terre qui avait appartenu à un certain Hinnôn, et que l’on appelait en grec « guè-hinnôn » (d’où le français « géhenne »). Cette terre avait été maudite car on y avait pratiqué jadis des sacrifices d’enfants, si bien qu’on en avait fait le dépotoir, la décharge de la ville. La vision des tas de détritus et de la vermine, l’odeur pestilentielle, la chaleur et la fumée qui s’en dégageaient avaient conduit à voir là une image de la putréfaction où s’abîmeraient les condamnés. Et on a parlé d’ « enfer ».

Jésus n’a pas l’obsession du péché et il n’a jamais envoyé personne en enfer. Au contraire il aime tous les hommes et fait tout pour les accueillir, les guérir, leur pardonner et leur promettre la Joie éternelle dans la Maison de son Père. Il est l’ « Agneau qui enlève le péché du monde ». Mais quelquefois, comme ici, il évoque une éventualité qui nous glace d’horreur. Y a-t-il vraiment un enfer ? Si oui y-a-t-il des condamnés dedans ? Peut-on imaginer une souffrance éternelle ?....Certains Saints assurent avoir eu des visions épouvantables ; des théologiens débattent et s’interrogent encore ; une chanson fredonne allègrement : « Nous irons tous au paradis » !?...

La vie humaine n’est pas un processus automatique où tous, quoi qu’ils aient commis, se retrouvent dans les délices ou disparaissent dans le néant. Notre liberté décide, nous optons pour tel chemin et pas tel autre. Certes notre faiblesse est immense mais à la dernière minute, le criminel peut crier : « Seigneur, souviens-toi de moi ». Certains refuseraient-ils jusqu’au bout la Miséricorde ?...

LE SEL

Chacun sera salé au feu. C’est une bonne chose que le sel ; mais s’il cesse d’être du sel, avec quoi allez-vous lui rendre sa saveur ? Ayez du sel en vous-mêmes, et vivez en paix entre vous. »

Cet ultime conseil est un peu obscur si bien qu’il n’est pas repris dans la liturgie de ce jour.

CONCLUSIONS

Le Jésus de Marc n’est pas bavard, il ne prononce pas de grands discours comme dans Matthieu ou Jean : il agit. Signe pour nous que l’essentiel est toujours l’action. Cependant l’enseignement lu ce jour, s’il est bref dans son expression, doit être médité avec la plus grande attention car il pointe des comportements qui resteront toujours importants pour notre témoignage.