27e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Van Aerde Michel
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Où trouver des expressions modernes pour rendre compte de la radicalité du changement annoncé ? Par quels mots suggérer le licenciement des vignerons, imposteurs et assassins ? Que signifie l'avertissement de Jésus d'un changement de postes, d'un changement de peuple, dans la vigne de Dieu ? Cela ne serait-il que du passé ? La vieille affaire du passage des juifs aux païens ? Pas seulement ! Nous lisons l'Evangile et nous le méditons parce qu'il porte un souffle toujours vivant, et que, mis au contact de notre réalité, il prend feu et devient Parole de Dieu. Aujourd'hui Jésus nous parle d'un bouleversement imminent. Il y a trois questions : celle du changement, celle des dirigeants et celle du grand patron.

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Parlons du changement. Y aurait-il des problèmes ? Jésus Christ nous inviterait-il à oser ouvrir les yeux, à prendre le risque de la lucidité, à nous avouer que tout ne va pas pour le mieux, ni dans notre Eglise, ni dans notre pays ni, plus largement, dans notre humanité ? Le Christ éveille notre intelligence, notre sens critique, notre capacité d'indignation. C'est peut être moins confortable que le conformisme moelleux de la religion, la répétition de formules toutes faites, une philosophie de prêt à penser, une morale de prêt à pratiquer, un système qui se prend pour l'éternité, à l'abri de toute surprise et de tout changement. Mais le Dieu chrétien n'est pas dans l'immuable ni dans l'éternité, il est dans l'histoire et dans la création.

Mais comment oser imaginer qu'un changement complet pourrait arriver ? Pourquoi pas ? nous dit Jésus : ouvrez les yeux, même la religion juive et sa loi révélée a été bouleversée. Accueillons aujourd'hui les leçons de l'actualité. Que signifient les événements de ces derniers jours sinon que tout peut basculer, y compris les institutions bancaires les plus renommées ? Que devient une vigne en manque de liquidité ? Elle sèche et voilà tout. Que devient une entreprise sans crédit, un gouvernement sans popularité ? Que devient une Eglise sans vie sinon une momie ou un musée ? Si, dans les banques, le capital premier c'est la confiance, dans l'Eglise c'est la foi. Sans la foi, administration, rituels et différentes fonctions, tout s'écroule comme un château de cartes soufflé par le vent.

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Quand Jésus nous dit que le Royaume de Dieu va être confié à un autre peuple, s'agit-il d'un divorce dans l'Alliance ou parle-t-il d'une révolution ou encore d'une délocalisation ? Il nous dit que tout peut changer et que ceux qui s'imaginent propriétaires vont, tôt ou tard, déchanter. Car, dans toutes les religions, il y en a qui s'imaginent propriétaires, ministres à vie, dirigeants à vie, propriétaires du Royaume de Dieu, propriétaires de la religion, propriétaires de la liturgie, propriétaires de la parole de Dieu, propriétaires de la théologie, propriétaires de la vérité, propriétaires de Dieu... Ils connaissent Dieu mieux que lui-même ne se connaît. Ils parlent en son nom, ils agissent en son nom. Vous connaissez la différence qu'il y a entre un intégriste et un terroriste ? C'est qu'avec le terroriste, vous pouvez négocier... L'intégriste, lui, fait toujours la volonté de Dieu, qu'il le veuille ou non ! Les intégristes ont oublié que Dieu n'est pas qu'une idée, un concept, une représentation et qu'il pourrait bien se réveiller, qu'il pourrait se manifester, qu'il pourrait exister. En attendant, leur manque de foi pratique fait beaucoup de mal car ces faux propriétaires de Dieu tuent les envoyés, leur coup d'état idéologique fait beaucoup de morts. Leur religion privatisée exige beaucoup de sacrifices humains. Dominicains, petits neveux ou petits fils d'inquisiteurs, nous ne pouvons pas l'oublier.

Mais il ne faudrait pas, parce que nous sommes dans une Eglise humaine, imparfaite, toujours à réformer, nous laisser obséder par nos problèmes de bénitiers. Ce que nous vivons entre nous se vit surtout en grosses lettres dans le monde entier. Comment cela se passe-t-il dans les partis, les grandes administrations, les entreprises, les universités ? Qui détourne à son profit les fruits du travail de tous ? Qui détourne le pouvoir, l'avoir, le savoir ? Qui s'approprie le vivant à coup de brevets ? Qui s'attribue la création, les plantes, les gènes, l'eau, l'espace, les ressources minières et jusqu'aux ½uvres d'art ? Apprenons à dénoncer les multiples formes de vol organisé !

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Mais le temps passe et il ne faut pas oublier de méditer dans notre parabole, l'attitude singulière du grand patron, maître de la vigne, Seigneur de l'histoire, père de Jésus, celui que nous choisissons comme notre Dieu.

Aucun responsable sérieux n'agirait comme il le fait. Personne, à sa place ne perdrait ainsi son temps et ses meilleurs éléments. Après le sacrifice des premiers envoyés, qui en enverrait d'autres, désarmés ? Et après ce nouveau massacre, qui enverrait son fils les mains nues ? Pourquoi cet immense gâchis de collaborateurs sacrifiés ? N'y a-t-il pas là le signe d'une fidélité insensée, d'une volonté extrême d'aller jusqu'au bout ?

Remarquez le bien : ce sont les interlocuteurs de Jésus qui parlent de la colère du propriétaire. Jésus ne dit rien de tel. Nous le voyons ces jours-ci. Ce qui est fondé sur le vide s'effondre dans le vide. On peut s'en réjouir mais combien d'affamés auraient pu être nourris, combien d'enfants auraient pu être scolarisés avec les milliers de milliards d'Euros et de dollars volatilisés ! Certains parlent d'une « nouvelle fondation » pour le capitalisme. La fondation du monde nouveau, nous dit Jésus, se fera sur les rebus, sur les exclus. La périphérie sera placée au c½ur. Oui, tout va changer, tout change incessamment. Et Jésus nous appelle à anticiper !