27e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Depuis les gigantesques travaux entrepris par le roi Hérode pour agrandir et embellir le temple de Jérusalem, celui-ci resplendissait comme un des plus magnifiques édifices du monde de l'époque. Le culte y déployait ses fastes avec ses prêtres richement vêtus, ses chorales de lévites, ses processions, ses sacrifices offerts dans l'observance minutieuse des rites. Caïphe et les grands prêtres officiaient avec piété ; les Anciens géraient l'administration avec prudence ; les scribes y étudiaient et enseignaient toutes les subtilités de la Loi. Vraiment on se trouvait au lieu le plus sacré de la création : YHWH, l'unique vrai Dieu, demeurait là et son peuple l'adorait et le célébrait avec ferveur. Tout était fait pour la plus grande gloire de Dieu

Cependant c'est là, dans l'enceinte, sur l'esplanade, que Jésus, au terme de son long voyage depuis la Galilée, s'installe et "enseigne". Et si la foule se presse pour l'écouter avec plaisir, les autorités religieuses sont de plus en plus outrées et scandalisées car Jésus ne se gêne pas pour leur dire leur fait - notamment à l'aide de trois paraboles qui, loin d'être des histoires roses, dénoncent crûment les mensonges "du système".

Après celle des deux fils de dimanche passé, voici la 2ème, évangile de ce jour.

ISRAEL LA VIGNE DU SEIGNEUR DIEU

Jésus disait aux chefs des prêtres et aux pharisiens : " Un homme était propriétaire d'un domaine ; il planta une vigne, l'entoura d'une clôture, y creusa un pressoir et y bâtit une tour de garde. Puis il la donna en fermage à des vignerons et partit en voyage".

On reconnaît tout de suite le "chant de la vigne" rapporté par le prophète Isaïe (Is. 5 = 1ère lecture) : parmi toutes les nations, Dieu a planté Israël, son peuple avec lequel il a fait alliance et qu'il a comblé de bienfaits...mais dont justement, en retour, il attend de très bons fruits. Et les vignerons sont évidemment les autorités religieuses qui doivent veiller à cette fécondité qui n'est rien d'autre que vivre selon la volonté de Dieu, en célébrant son culte, certes, mais surtout en étant une société où règnent le droit et la justice.

Quand arriva le moment de la vendange, il envoya des serviteurs auprès des vignerons pour se faire remettre le produit de la vigne : mais les vignerons se saisirent des serviteurs, frappèrent l'un, tuèrent l'autre, lapidèrent le 3ème. De nouveau le propriétaire envoya d'autres serviteurs, plus nombreux que les premiers : mais ils furent traités de la même façon.

Elie, Amos, Osée, Isaïe, Jérémie, et tant d'autres jusque Jean-Baptiste : depuis des siècles Dieu n'a cessé d'envoyer des prophètes afin de rappeler ses exigences et dénoncer les infidélités de son peuple. Mais hélas, la Bible rapporte les échecs successifs de ces envoyés de Dieu : non seulement on refusait de les écouter mais souvent ils suscitaient une telle furie que certains d'entre eux moururent martyrs ! Pour ne pas devoir se convertir, des hommes sont toujours capables de tuer ceux qui les remettent en question !

Finalement il leur envoya son fils en se disant : " Ils respecteront mon fils". Mais voyant le fils, les vignerons se dirent :" Voici l'héritier : allons-y, tuons-le, nous aurons l'héritage !". Ils se saisirent de lui, le jetèrent hors de la vigne et le tuèrent.

Tournant de l'histoire : Dieu, à la fin, envoie Jésus, son Fils bien-aimé, ainsi qu'il l'a appelé à son baptême. Devant sa bonté, sa tendresse, sa clarté, son amour, on s'attendrait qu'enfin les hommes admettent leur errements et se convertissent à son enseignement. Trois fois hélas, la haine s'exacerbe et on met à mort ce fils traité comme un blasphémateur impie et qui en effet sera exécuté hors de la ville, au Golgotha ( Hébreux 13, 12). Et quels sont les auteurs qui ont manigancé cette exécution ? Les autorités du temple, les célébrants du culte, les maîtres en théologie !!!...

Jésus interpelle son auditoire afin qu'il n'écoute pas une histoire étrangère et lointaine mais se sente concerné et participant :

Jésus dit : " Quand le maître de la vigne viendra, que fera-t-il à ces vignerons ?" On lui répond : " Ces misérables, il les fera périr misérablement ; il donnera la vigne en fermage à d'autres vignerons qui en remettront le produit en temps voulu".

Matthieu écrit son évangile dans les années 8O : il a donc vécu la grande catastrophe de l'an 70 quand les Romains ont impitoyablement écrasé la révolte juive, saccagé la ville, détruit le temple et donc mis fin au sacerdoce et au culte. Matthieu interprète cet événement comme conséquence du refus de l'évangile de Jésus : on n'a pas voulu vivre selon les Béatitudes, on a opté pour la violence et on l'a payé chèrement ! Il n'y a plus de prêtres juifs et plus de temple donc les nouveaux vignerons, ce sont les responsables de l'Eglise de Jésus.

Qu'ils prennent donc bien garde, qu'ils tirent la leçon de l'histoire : si Dieu leur remet le soin de "sa vigne", c'est avec la ferme volonté de voir enfin se réaliser la vie selon l'Evangile, une société qui accepte la royauté de Dieu en pratiquant droit et justice, - les fruits que Dieu exige puisqu'il en a donné les moyens de réalisation.

Jésus leur dit encore : " La pierre qu'ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre angulaire : c'est là l'½uvre du Seigneur, une merveille sous nos yeux."

Jésus s'approprie le psaume 118 dans lequel un juste persécuté clame sa joie d'avoir été sauvé par son Dieu. Alors que les chefs du peuple le considéraient comme "un rebut", le rejetaient comme les maçons écartent une pierre inapte à la construction, voilà que Dieu va rechercher cette pierre méprisée et en fait la pierre d'angle de sa nouvelle construction, l'Eglise. La merveille des merveilles, c'est que le Seigneur Dieu choisit un crucifié bafoué et déshonoré pour en faire le fondement de la Cité nouvelle qu'il construit ! Les autres pierres que nous sommes ne peuvent désirer d'autre destin.

Mais attention de bien interpréter la terrible sentence finale : Aussi, je vous le dis : le Royaume de Dieu vous sera enlevé pour être donné à un peuple qui lui fera produire son fruit".

Il n'est pas dit qu' Israël sera remplacé par un autre peuple ni même par l'Eglise puisque l'Eglise primitive était constituée de Juifs, puis de Juifs et de païens mêlés. C'est le système -"temple-sacerdoce-liturgie-théologie"- tel qu'il fonctionnait à Jérusalem, soucieux de rites mais stérile en actes de vie, qui doit disparaître. Comme d'ailleurs disparaîtra tout système similaire - fût-il catholique - qui s'enorgueillirait de ses constructions architecturales, de ses théories théologiques et de ses liturgies rituelles sans donner le fruit que Dieu exige et qu'il exigera toujours : former une communauté bâtie sur le droit et la justice.

Les premières générations chrétiennes n'ont bâti ni chapelle ni cathédrale. Le baptême était célébré comme rite significatif d'une option, l'engagement d'un adulte à qui on ne cachait pas un destin de souffrances de toutes sortes. Dans les maisons, les disciples de Jésus faisaient mémoire de l'offrande du FILS rejeté, tué mais ressuscité. Le calice contenait le FRUIT d' AMOUR agréable à Dieu. En l'offrant et en le partageant, les disciples s'accueillaient les uns les autres et constituaient UN CORPS car la communion eucharistique créait la communauté fraternelle. Ils acceptaient d'être rejetés par la société, dans la joie de partager le destin de leur Seigneur. Les temps ont changé mais l'Eglise doit toujours vérifier avec soin si ses activités cultuelles fructifient en charité vécue.