27e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 1998-1999

Cette histoire des vignerons homicides, (ce poème wallon concernant les cloueurs) nous montrent que l'histoire continue d'aller de commencements en recommencements, que notre humanité a bien des difficultés à apprendre les leçons du passé. C'est vrai des dictatures, il y en a eu ; des régimes totalitaires continuent d'exister et nous continuons à clouer ce Jésus Christ déjà Crucifié. Oh, prétendront certains, contre ces puissants nous ne pouvons pas faire grand chose et ils ont sans doute raison.

Par contre, ce qui est folie dans l'évangile de ce matin (de ce soir), c'est de découvrir que dans notre petite vie quotidienne, dans nos relations de tous les jours trop souvent encore nous nous conduisons comme ces vignerons. Heureusement, en n'allant pas jusqu'au meurtre physique. Mais il y a cependant des meurtres intérieurs qui ne tuent pas, des blessures que nous endurons et qui font tant souffrir. Le drame de cette vigne est le drame humain de toute violence qu'elle soit verbale ou physique. Cette violence-là a été mise au grand jour par ce grand anthropologue français René Girard. Cet auteur nous explique que la violence est inscrite en nous, qu'elle fait partie de nous-mêmes et que nous sommes invités à la maîtriser, à la transformer en douceur. Douceur de la vie, douceur de la rencontre. Et cela prend du temps.

C'est ce temps-là que les vignerons n'ont pas voulu prendre. Ils voulaient tout, tout de suite. Ils ne faisaient pas vraiment confiance. Et ils pensaient qu'ils obtiendraient cette unité, ce désir réalisé, cette paix en se séparant de l'autre. C'est toute l'idée du Bouc émissaire dont parle Girard. Qui d'entre nous n'a pas dans sa vie fait l'expérience dans sa classe, son staff, son groupe d'amis, son boulot, du bouc émissaire, de celle ou celui qui prend toutes les remarques, les critiques. Et le groupe se soude autour de cette personne qui devient ainsi le souffre douleur. Et le groupe se sent bien mais tout cela est bien éphémère car c'est fondé sur la violence, l'exclusion d'un être humain. Cette dynamique ne tient pas la route et le premier dans l'histoire de l'humanité à avoir refusé de répondre à la violence, à un tel jeu fut Jésus. Il a été ce bouc émissaire, mais il a refusé de s'exclure et il y a répondu par l'amour et le pardon. Tout simplement par la douceur.

Ce soir, l'évangile nous invite à nous poser les questions suivantes : pourquoi ai-je si souvent besoin d'exclure l'autre ? De le critiquer de manière négative, en le condamnant ? Est-ce le seul moyen mis à ma disposition pour trouver une paix intérieure ? Me rappelle-t-il trop mes propres faiblesses ? Suis-je envieux, voire jaloux de ce qu'il a ? Et même si j'ai du bonheur à me retrouver avec d'autres, est-ce que le bouc émissaire au sein de notre groupe n'a-t-il pas la fonction suprême de me permettre de ne pas devoir me dévoiler, de dire un peu de moi-même ? Si à ces différentes questions nous répondons de façon positive, alors il est sans doute plus que temps nous rappelle Jésus de reprendre sa propre route d'Emmaüs. Pour que le monde vive un jour en paix, il est de notre devoir d'arrêter de clouer encore et toujours le Christ sur le bois de sa Croix. Amen.