28e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

Je ne sais pas si certains d'entre vous connaissent Jessica Franklin. Jessica est une jeune fille de 19 ans qui adorent tchater sur internet. Peut-être qu'un jour vous la rencontrer virtuellement. Je dis bien virtuellement car il paraîtrait que Jessica serait en fait un garçon un peu plus âgé qui se fait passer pour elle. Pourquoi ? Tout simplement pour une question d'anonymat. Tel est le jeu de la nouvelle communication : pouvoir, si l'envie nous prend, nous faire passer pour quelqu'un d'autre et parler sans doute avec des personnes qui se cachent également.

Certains penseurs avaient prétendu, il y a quelques années que grâce à l'internet, tout être humain devient citoyen d'un village global. Notre planète ne serait plus qu'un hameau où nous pouvons nous rencontrer facilement. Ce média rapproche les gens entre eux. Et il y a du vrai dans ces affirmations mais si nous n'y prenons pas garde, nous risquons de nous couper les uns des autres. En effet, je peux dorénavant passer ma vie devant mon écran. Mais l'écran entre deux être humains n'est-il pas un moyen de dépasser sa peur d'être face à face ? Ne risquons-nous pas de perdre beaucoup de temps à communiquer avec des gens qui vivent un peu partout dans le monde tout en passant à côté de celles et ceux qui partagent la même maison ? N'y a-t-il pas un certain risque d'atomisation pour des gens plus fragiles, plus en mal de communication directe ?

L'être humain, être de relations par excellence, s'épanouit dans la socialisation, c'est-à-dire dans la rencontre de l'autre. L'atomisation serait alors ce risque d'aller contre notre nature et de nous enfermer en nous-mêmes, face à une immense solitude. Un peu comme si la solitude était une des lèpres de notre société. Tellement de gens en souffrent. Les lépreux de l'évangile nous le rappellent. Ils sont laids, mal dans leur peau, mal dans leur c½ur. La société les a mis à l'écart. Ils sont isolés. Nous avons trop peur de la contagion. Ils étaient les exclus d'hier dans notre région du monde. Mais chaque génération produit ces propres lépreux.

Il y a une quinzaine d'années, lorsque nous ne comprenions pas encore le sida, beaucoup de gens craignaient d'approcher les personnes atteintes de ce mal, tout simplement par crainte de l'attraper. Et aujourd'hui, dans une société prônant l'individualisme à outrance, nous sommes confrontés à la réalité de la solitude. Lorsque la maladie ou le deuil nous frappe, nous en faisons l'expérience. Certains nous accompagnent dans cette traversée alors que tant d'autres s'éloignent de nous par peur : peur de ne pas savoir quoi dire alors qu'il suffit simplement d'être là et d'écouter même un silence, peur aussi d'être confronté à sa propre souffrance ou sa propre mort. Une peur qui paralyse la relation au point d'enfermer la personne souffrante dans la solitude. Mais cette peur peut également exister chez cette dernière qui ne souhaite pas partager ses maux, qui se sent incapable de mettre des mots sur ce qui la tourmente. Cette fois, c'est nous qui coupons la relation. Nous n'avons plus la force de nous raconter. Or toute vie est une histoire et l'histoire ne peut exister que si elle se dit.

Espérons alors avoir autour de nous des personnes suffisamment patientes et aimantes qui acceptent ce temps de désert forcé par les événements de l'existence, ce temps de rupture et qui continuent malgré tout à venir frapper à la porte de notre c½ur. Un c½ur qui doit également réapprendre à s'abandonner dans la confiance. Et l'évangile de ce jour, nous propose un chemin possible.

Dans la course folle de la vie, enfermé dans notre solitude paralysante, ayons le courage de revenir sur nos pas et d'aller à la rencontre de Dieu qui se révèle à nous dans l'autre de l'homme, c'est-à-dire dans celle ou celui qui se fait proche de moi. Dieu se révèle à nous de la sorte mais également au c½ur de nous-mêmes, là où il a choisi de résider à jamais. En effet, c'est dans l'intimité de la prière, dans l'intimité de cette rencontre avec Dieu, que nous pouvons vider notre sac, lui partager nos souffrances et nos incompréhensions. Ayant agi de la sorte, nous nous sentons à nouveau plus léger, prêts à nous relever car nous vivons avec cette conviction que son Esprit nous accompagne. Tel est également le sens du sacrement des malades qui va être proposé dans quelques instants à celles et ceux qui ont été ou sont encore confrontés à l'expérience d'une maladie physique, mentale, spirituelle, émotionnelle. Ce sacrement est un sacrement de vie, un sacrement de la force divine qui agit en nous et nous permet de comprendre la manière dont Dieu nous tient la main dans cette traversée terrestre. Par ce sacrement, nous revenons sur nos pas pour entendre le Christ nous dire : " Relève-toi et va : ta foi t'a sauvé ".

Amen