29e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Van Aerde Michel
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

Savez vous qui est le père des fils de Zébédée ? Voilà une question de catéchisme très difficile. C'est un peu comme la question : quelle est la couleur du cheval blanc d'Henry IV ? Les fils de Zébédée, Jacques et Jean sont aussi surnommés « fils du tonnerre », (ils se croyaient peut être issus de la cuisse de Jupiter !). Ces jeunes gens sont pleins d'ambition. Pourquoi pas ? Ils se verraient bien l'un à droite, l'autre à gauche du Christ dans sa gloire : rien de moins. Ils ne sont pas inhibés, les fils de Zébédée, ils veulent le meilleur qu'on puisse imaginer.

Jésus ne les critique pas sur ce point. Il leur précise simplement qu'ils ne savent pas vraiment ce qu'ils demandent, ils ne savent pas vraiment ce qu'ils s'imaginent désirer. Nous en sommes tous là. Ayant perdu le nord, ayant perdu la saine relation à l'absolu, ayant perdu l'amitié de Dieu, nous ne savons pas vraiment ce que nous désirons, nous ne savons pas jusqu'où cela peut aller, jusqu'où cela peut mener.

Même si Jésus sait que la demande est mal formulée, il la reçoit et la reformule, en révélant ce qu'il y a derrière une pareille ambition. Et en l'occurrence cela peut mener très loin. Bien plus loin que devenir deux enfants de ch½ur, l'un à droite, l'autre à gauche, faisant décoration ; ce qui est représenté dans la liturgie prend une force extraordinaire quand c'est appliqué dans la vie. La participation à sa vie, que Jésus peut offrir à ses amis est bien plus riche, bien plus forte que le simple fait de siéger à ses côtés. Il s'agit de participer vraiment, activement, à ce qu'il vit, à ce qu'il ressent, à ce qui le fait souffrir comme à ce qui le réjouit. Et cette participation ne dépend pas de Jésus seulement, elle est offerte par le Père, ce Père que Jésus n'oublie jamais.

***

Bien entendu les autres disciples sont indignés. Nous vivons sans cesse entre nous des luttes mimétiques de rivalité. Ils sont indignés parce qu'ils en voudraient autant, sinon ils resteraient spectateurs amusés, indifférents. S'ils ne se retenaient pas, ils seraient prêts à se précipiter pour bénéficier eux aussi des mêmes honneurs, d'autant plus que le nombre des places apparaît limité.

C'est alors que Jésus effectue l'un de ces grands renversements dont il a le secret. Il invite à la conversion du regard et du c½ur. Il appelle alors un « chat » un « chat » et il prononce le mot, le mot du langage courant, le mot de la société des hommes, le mot « pouvoir ». Il ne s'agit plus seulement d'honneurs ou de places d'enfants de ch½ur. Il s'agit de la volonté de pouvoir, et de pouvoir peser (potestas) sur la vie des autres, le pouvoir de se faire servir.

La question du pouvoir, parmi les hommes, est sans cesse posée. Les luttes qui nous ravagent, plus ou moins violentes, ont toujours le même objet. Nous voulons changer les détenteurs du pouvoir, remplacer telle équipe par telle autre...

La grande révolution que propose Jésus, la seule qui en vaille la peine, la seule qui tienne debout, n'est pas de changer les détenteurs du pouvoir, pas même de remplacer les oppresseurs par les opprimés, mais de changer la nature du pouvoir.