29e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

Mc 10, 35-45

Le récit de la longue montée de Jésus vers Jérusalem est scandé par 3 annonces de la Passion inéluctable. Et c'est à la suite de la 3ème annonce que jaillit une demande tout à fait saugrenue de disciples :

 

Jacques et Jean, les fils de Zébédée, s'approchent de Jésus et lui disent :
Maître, nous voudrions que tu exauces notre demande.

 

Que voudriez-vous que je fasse pour vous ?.

Accorde-nous de siéger, l'un à ta droite et l'autre à ta gauche, dans ta gloire".

Manifestement les deux frères n'ont jamais avalé que Jésus nomme Simon à la tête du groupe. Pourquoi ? Parce qu'ils sont d'un statut social supérieur. Rappelez-vous l'appel des 4 premiers disciples au lac de Galilée : alors que Simon et André étaient en train de jeter un filet, Marc avait précisé que Jacques et Jean, eux, étaient "fils de Zébédée", sans doute patron d'une firme bien connue sur la place puisqu'ils ont plusieurs filets et des ouvriers (Marc 1, 16-20). Plus riches, n'est-ce pas à eux que revient la direction plutôt qu'à ce rustre de Simon ? Comme si la richesse donnait des droits supplémentaires !

A l'approche de la capitale, les deux frères ne doutent pas que Jésus va certainement y instaurer son règne en écrasant ses ennemis. C'est donc le moment de se préparer une carrière glorieuse et d'en profiter pour court-circuiter Simon-Pierre. Jésus balaye leurs rêves vaniteux .

 

Jésus leur dit : " Vous ne savez pas ce que vous demandez ! Pouvez-vous boire à la coupe que je vais boire, recevoir le baptême dans lequel je vais être plongé ?

 

Nous le pouvons.

La coupe que je vais boire, vous y boirez ; et le baptême dans lequel je vais être plongé, vous le recevrez ! .....Quant à siéger à ma droite ou à ma gauche, il ne m'appartient pas de l'accorder. Il y a ceux pour qui ces places sont préparées".

Dès le départ pourtant Jésus avait prévenu ses disciples : on me tuera et vous, vous devez vous renoncer et porter votre croix (8, 31-34). Ici il réaffirme cette nécessité de la souffrance avec deux images. Comme en ce temps il était de coutume que le président du repas donne à chacun sa coupe de vin, celle-ci était devenue le symbole d'un destin amer.(Nous disons encore qu'il faut "boire la coupe jusqu'à la lie") En outre, Jésus annonce mystérieusement que, s'il a reçu le baptême d'eau au Jourdain, il va bientôt subir une autre plongée, plus horrible. Jésus sait qu'il va devoir boire à la pire coupe d'amertume et qu'il sera jeté dans les abîmes de l'horreur et de la souffrance.

Les deux Zébédée n'ont pas compris, ils se targuent de pouvoir suivre Jésus - ce qu'ils feront... mais plus tard, après avoir d'abord lâchement abandonné leur Maître à son sort ! Mais les places d'honneur qu'ils convoitaient ne seront pas pour eux. Au Golgotha, lorsque Jésus couronné (d'épines) sera hissé sur son trône (de la croix), il sera entouré "à gauche et à droite" par deux anonymes, deux résistants juifs dont Pilate voulait se débarrasser ( 15, 27).

 

 

Le groupe ayant perçu les manigances des deux frères, les chamailleries éclatent à nouveau, comme naguère à Capharnaüm (9, 34) car tous au fond rêvent d' un avenir glorieux et chacun cherche à se pousser. On se croirait à la veille de l'élection d'un Président !

Les vers de l'ambition et de la jalousie rongent bien des c½urs, même au sein des apôtres ! Ah, la jalousie sacerdotale !!!....

 

JESUS DONNE SA VIE EN RANÇON POUR ...

Pour mettre fin à ces gamineries, Jésus clôture par une déclaration solennelle qui éclairera la formation qu'il a essayé de donner tout au cours de ce voyage :

 

Vous le savez : ceux que l'on regarde comme chefs des nations païennes commandent en maîtres ; les grands font sentir leur pouvoir.

 

Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi. Celui qui veut devenir grand sera votre serviteur ; celui qui veut être le premier sera l'esclave de tous.

Car le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude".

Jésus reconnaît que dans tout Etat, toute entreprise, il faut qu'il y ait des chefs, des dirigeants qui ont la responsabilité de l'ensemble et qui donnent des ordres à leurs subordonnés.....

MAIS, continue-t-il, entre disciples, il en ira tout à fait différemment. Et il reprend ce qu'il leur avait déjà enseigné à Capharnaüm (9, 35) et qui manifestement n'a pas été compris : la grandeur s'acquiert dans le service et le n° 1 s'obtient dans l'esclavage, non vis-à-vis de quelques-uns, choisis, ...mais de tous les autres. Au rebours de cette volonté de puissance qui nous habite, de ce goût de commander et d'imposer ses idées, Jésus ordonne la petitesse, l'humilité. Là est l'amour vrai - qui consent à se perdre pour l'autre...

Absurde ? D'aucuns le pensent. Terriblement ardu ? Certes. Impossible même ? Nous le croirions.

Aussi Jésus termine en demandant à ses disciples de le regarder : seuls l'attachement à sa personne et la compréhension de son itinéraire permettront d'accepter les sacrifices qu'il exige.

Il avait souvent annoncé sa passion proche : à présent il en donne le sens, la signification. Lui, le Fils de l'homme (figure de Juge, de puissance et de grandeur chez le prophète Daniel) doit être le SERVITEUR SOUFFRANT, cette figure énigmatique et extraordinaire dressée dans la 2ème partie du prophète Isaïe ( 52, 13 à 53, 12) :

Il était méprisé, homme de douleurs...En fait ce sont nos souffrances qu'il a portées. Il était déshonoré à cause de nos révoltes ; dans ses plaies se trouve notre guérison. Seigneur Dieu...., daigne faire de sa personne un sacrifice d'expiation.... Ayant payé de sa personne, il verra une descendance ; sitôt reconnu juste, il dispensera la justice au profit des foules du fait qu'il supporte leurs perversités.

Jésus va être la victime de ses ennemis, l'objet de leur haine mais de cette capture, il fait un don ; leurs coups, il les assume. Le pauvre prisonnier flagellé, torturé, exécuté sur le gibet de la croix fera de sa Passion une Action, son ½uvre suprême. Il offrira sa vie pour ceux qui l'ont lâché, afin qu'ils soient libérés de leur prison.

Sa croix sera le prix de leur EXODE, leur sortie d'un monde où les tyrans ne s'appellent pas Ponce-Pilate et les Romains mais : égoïsme, ambition, jalousie, rivalité, caprice, lâcheté, orgueil, cupidité.

Jamais encore Jésus n'avait ainsi dressé la vérité de son être et la stupéfiante, la bouleversante façon de réaliser sa mission.

Allons-nous comprendre ? Seigneur Jésus, garde-nous près de toi, en dépit de notre lâcheté, comme tu l'as fait pour tes disciples. Comme eux, nous sommes ambitieux, jaloux, mesquins, lents à comprendre. Nous refusons de changer, nous tenons à nos idées, nous restons sourds à tes paroles. Sois patient envers nous. Donne-nous ton Esprit : qu'il nous donne lumière et force. Que ton Eglise se dépouille et, à ta suite, donne sa vie pour les hommes.

 

Les dix autres disciples avaient entendu et ils s'indignaient contre Jacques et Jean.