L'évangile de ce dimanche intervient, chez Marc, après la 3° annonce de la Passion et juste avant le récit de l'entrée messianique à Jérusalem. A l'entendre comme elle est présentée dans cet évangile, la requête des fils de Zébédée nous semble présomptueuse. Et pourtant, en un sens, elle est tout à l'honneur de ces deux disciples les plus proches de Jésus, Jacques et Jean. Au moins eux ont perçu l'enjeu -et l'issue- de la Passion du Christ. Ils ont même très justement compris que son sacrifice allait le refaire entrer dans la gloire divine et que, désormais, cette gloire serait accessible aux hommes parce que le Christ, par son Incarnation, s'était chargé des péchés de l'humanité. Ils ont très bien compris, et quand le Christ leur dit: "Pouvez-vous boire à la coupe que je vais boire", ils ne sont pas décontenancés; la réponse est prête: "oui, nous le pouvons" et leur vie d'apôtres en sera l'illustration. Jésus ne s'était d'ailleurs pas indigné de leur question, mais bien les dix autres disciples. Et la leçon qui suit sur "le maître et le serviteur" ne s'adresse pas à Jacques ni à Jean mais à ces dix autres qui s'étaient indignés parce que eux n'y avaient vu qu'une affaire de préséance.
Ce qu'il y a à comprendre, c'est la différence entre la "gloire" au sens biblique et la "gloire" au sens païen. La "gloire de Yahweh" est un concept-clé de l'Ancien Testament: elle désigne la manifestation, dans les oeuvres, du souci divin de sauver son peuple. Le passage de la Mer Rouge, sauvant son peuple de l'esclavage du péché ou le don de la manne, qui nourrit le peuple comme peuple de Dieu, sont, par excellence, des manifestations de la gloire de Dieu.
Jésus naissant comme un exilé dans une crèche, humilié lors de sa Passion à l'image du Serviteur Souffrant décrit par Isaïe, est une manifestation de la gloire de Dieu. Parce que le Salut de tous passera par là.
La gloire au sens païen, c'est s'approprier un pouvoir et le faire sentir. Le faire sentir en infériorisant l'autre, en l'humiliant. Cette gloire-là se manifeste dans le paraître, dans le clinquant, l'extravagant, la démesure. Elle manifeste surtout les instincts les plus bas de l'animalité de l'homme. Elle est source de mort, de morts physiques, de mort de la dignité des personnes et ne peut qu'engendrer des sentiments de vengeance, sources de nouvelles morts et de nouveaux pouvoirs, qui n'auront de nouveaux que la succession dans le temps car ils sont, ne peuvent être, que de même nature.
Comment briser ce cercle infernal engendré par la soif de gloire païenne ? Isaïe l'avait pressenti: il fallait un Serviteur qui souffre toutes les humiliations, sans se venger. L' Evangile est cette Bonne Nouvelle d'un Jésus portant le péché de toutes ces humiliations et donnant le pardon de Dieu afin que tous soient sauvés. Et nous ? Et notre Eglise ? Sommes-nous prêts à nous faire serviteurs ? Sommes-nous vraiment à même de prendre le parti d'être porteurs de la gloire de Dieu plutôt que de celle des hommes ? Puissions-nous répondre, avec la pleine assurance de Jacques et Jean: "oui, nous le pouvons !".