29e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2006-2007

D'après une étude des plus sérieuses, il semble que la téléphonie puisse avoir une certaine incidence sur nos comportements. Prenons l'exemple suivant : si nous téléphonons à un téléphone fixe et que personne ne répond, nous laissons un message sur le répondeur quand il y en a un ou nous réessayerons plus tard dans la journée. Il nous paraît normal que les gens que nous appelons ne passent par leur vie à côté de leur téléphone et puissent avoir décidé de quitter leur maison pour vaquer à d'autres occupations. Par contre, toujours selon cette étude, lorsque nous appelons un GSM, nous devenons beaucoup plus impatients comme s'il était normal que la personne de l'autre côté réponde tout de suite puisqu'elle est censée avoir son téléphone mobile sur elle. Nous pourrons évidemment laisser un message mais cela peut nous énerver tellement nous nous attendions à ce qu'elle nous réponde sur le champ. Qu'il soit fixe ou mobile, il paraît que, pour beaucoup d'entre nous, nous développons des attitudes différentes : de la compréhension avec un fixe, un peu d'énervement avec le mobile.

Et s'il en était de même avec Dieu. En effet, en fonction des circonstances de la vie, nous l'appelons et nous pouvons parfois être pris d'un sentiment, non pas qu'il soit aux abonnés absents mais qu'il ne réponde pas directement alors qu'il pourrait le faire selon nous. Contre toute attente, il laisse un répondeur sur lequel nous pouvons laisser nos prières de demandes alors que nous attendons de lui qu'il agisse à l'instant même. Un peu comme si nous avions affaire à un Dieu GSM. G pour Grandeur, S pour Suprématie et M pour Majesté. Grandeur, Suprématie et Majesté sont des attributs de Dieu qui peuvent nous conduire à nous faire une fausse idée de Lui. Un peu comme si, en d'autres termes, nous pourrions utiliser GSM pour Grand Superbe Magicien. Parfois, nous aimerions qu'il en soit ainsi. Qu'il intervienne directement dans le cours des événements de nos vies pour le transformer radicalement et puis qu'il se retire tout aussi vite pour que nous puissions reprendre l'exercice de notre liberté. Je crois cependant qu'il n'est pas possible de tout avoir en même temps. Sa grandeur, sa suprématie et sa majesté se déclinent dans la manière dont nous-mêmes vivons notre vie sur cette terre qui nous a été confiée. Toutefois, nous ne sommes pas seuls, désemparés dans cette aventure. Deux attitudes s'offrent à nous : celle du juge inique ou celle de la veuve. Le professeur Lichtert, qui récemment encore a donné une brillante conférence, souligne la différence entre ces deux personnes. Selon lui, le juge n'a pas d'interlocuteur, il se parle à lui-même. Le monologue semble être son seul moyen de communication. L'autre n'a pas de place. Il occupe tout l'espace d'une rencontre possible. Ses propos sont comme une lamentation, une complainte qui le conduit à rester tourné sur lui. Or la dynamique de la lamentation est mortifère. En effet, aucun être humain ne peut s'enfermer en lui-même au risque de couler au plus profond d'une mer enténébrée par l'absence de respirations. Il en va tout autrement de la veuve. Cette dernière ne se lamente pas. Elle se plaint, c'est-à-dire qu'elle s'adresse à quelqu'un. Elle se met face un interlocuteur, ce fameux juge. De cette manière, elle se quitte pour entrer en dialogue avec l'autre. Elle s'élance dans la rencontre, dans la relation. La plainte est donc essentielle puisqu'elle nous permet de passer du monologue au dialogue. Et il en semble en aller de même pour Dieu. Par cet exemple, le Fils Jésus nous invite à entrer dans une dynamique de dialogue où nous pouvons nous tourner vers le Père et déposer en Lui tout ce qui nous encombre, nous oppresse. Dieu ne craint pas nos plaintes. Non seulement, il les entend mais il souhaite nous faire justice alors même que la situation peut parfois nous paraître pénible, voire sans issue. Toutefois, nous devons accepter que la justice de Dieu n'est pas de l'ordre de notre monde. Il ne s'agit pas de résoudre de manière immédiate tous nos soucis, toutes les épreuves que nous traversons alors qu'elles sont toute empreinte de maladie ou de deuil. Non, la justice divine est de nous ouvrir le chemin de la Vie en partant à la rencontre du Fils de Dieu qui nous le montre. N'a-t-il pas dit : « Je suis le chemin, la vérité et la vie » ? Nous sommes invités à retrouver en nous cette part divine pour nous tourner vers l'avenir qu'il soit ici ou dans un ailleurs. Ouvrir le chemin de la Vie, c'est accepter que cette dernière se vit non pas au passé composé mais au futur présent. Que l'Esprit de Dieu nous éclaire et nous illumine pour que nous devenions, les uns pour les autres, source de la présence divine car c'est par nous que sa Grandeur, sa Suprématie et sa Majesté peuvent continuer de s'exercer en notre monde.

Amen.