2e dimanche de Carême, année C

Auteur: Henne Philippe
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

Ce soir, nous avons le grand honneur d'accompagner quatre adultes vers le baptême.  Ce n'est pas seulement une grande fête pour eux, c'est aussi un grand événment pour nous.  J'ai peur que nous commettions un déni de baptême, comme il existe un déni de maternité.  Il arrive que des femmes tombent enceintes et refusent cette situation.  Elles vivent même sans sa laisser en aucune façon déranger ou perturber par cette transformation.  Il existe des hommes qui se sont mariés et ont eu des enfants et qui jamais ne les ont vraiment aimés.  Ils s'en sont occupés, mais ils n'ont jamais joué avec eux, jamais discuté avec eux, jamais essayé de les entendre ou de les comprendre.  C'était des éléments nouveaux dans leur vie.  Ils ne se sont pas laissé perturber par cette nouvelle situation.
Je me demande si nous aussi nous n'allons pas passé à côté de quelque chose de beau, de quelque chose qui peut nous aider à grandir.  Je pense à cela à cause d'une vieille coutume qui existait au début de l'histoire de l'Eglise.  En Syrie actuelle, durant les deux premiers siècles, certaines communautés chrétiennes avaient l'habitude de jeûner, de pratiquer le jeûne avec les candidats au baptême.  Il y avait donc les catéchumènes, ceux qui allaient être baptisés qui étaient obligés de pratiquer le jeûne.  Il y avait aussi le prêtre ou l'évêque qui allait pratique ce baptême qui devait jeûner.  Mais il y avait aussi tous les croyants, tous les chrétiens déjà baptisés qui étaient invités à jeûner.  Et je trouve cela très beau parce que cela veut dire que les croyants étaient non seulement invités à participer à la préparation du baptême, mais que les croyants étaient également invités à se préparer à ce grand changement, à ce grand bouleversement qu'allait être le baptême non seulement pour les catéchumènes, mais aussi pour chacun des croyants et des baptisés.
J'ai découvert cela grâce au frère Bernard.  Le frère Bernard est un frère dominicain camerounais qui est ici, au couvent des dominicains.  Il a été ordonné prêtre au début du mois de décembre, dans son pays, au Cameroun.  J'ai eu le plaisir et la surprise de le voir se préparer à cette ordination et de la voir après son ordination.  Il s'est préparé en toute vérité, par la prière.  Il est revenu transformé, transfiguré par ce sacrement.  C'est vrai.  C'est une chose qu'on oublie peut-être parfois, mais un sacrement, ce n'est pas un examen qu'on réussit, un cadeau qu'on reçoit, un gadget qu'on utilise.  Un sacrement, c'est la grâce de Dieu qui pénètre dans nos c½urs et qui peut nous transformer, nous transfigurer.  Et cette grâce peut couler sur nous comme la pluie sur les vitres de notre indifférence, comme elle peut pénétrer en nos c½urs et nous enrichir de sa nouveauté.
Car, et c'est cela qui est beau dans l'hospitalité, accueillir quelqu'un, c'est accepter d'être transformé par lui, d'être dérangé par lui, d'être amélioré par lui.  Pourquoi ? Parce qu'il a raison ? Non, pas nécessairement.  Je ne sais pas s'il a raison, mais je sais qu'il peut m'apprendre quelque chose, qu'il peut me permettre de découvrir quelqu'un.  Il a une autre manière de parler de Dieu, une autre façon de le prier, d'autres attentes de la part de l'Eglise et de chacun d'entre nous.  Je ne sais s'il a raison, mais je sais que j'ai quelque chose à apprendre de lui sur Dieu, sur l'Eglise et sur moi-même. 
Et c'est là sans doute le mystère de la Transfiguration que nous célébrons aujourd'hui.  Pierre, Jacques et Jean voient le Christ dans sa gloire, transfiguré, bien différent de cet homme qu'ils aiment et qu'ils suivent depuis des semaines.  Il est brutalement rayonnant, entouré de Moïse, le saint homme qui a transmis la Loi, et d'Elie, le plus grand des prophètes, qui n'a pas eu peur de se révolter contre les mauvais rois.  Oui, vraiment, ce n'est plus Jésus qu'ils ont devant eux, c'est le Fils de Dieu qui parle avec eux.  Mais pour qu'ils puissent voir cela, il a fallu que les trois apôtres acceptent d'oublier d'avoir raison.  Oui, trop souvent, nous sommes là, toujours prêts à donner des leçons, toujours prêts à corriger l'idée de notre voisin, de notre conjoint.  Les apôtres ont accepté de se dire que ce que Jésus leur dit, c'est beaucoup plus beau, beaucoup plus grand que tout ce qu'ils pouvaient imaginer.  Alors au cours de cette Eucharistie laissons-nous surprendre par tous ceux et toutes celles qui, avec nous, essaient de prier Dieu, de l'adorer et de le servir.  Ouvrons tout grands les yeux de notre âme et de notre c½ur pour découvrir une nouvelle façon d'aimer Dieu et de le servir.  Accueillons avec reconnaissance ce cadeau admirable de l'Eucharistie où le Dieu tout-puissant se fait nourriture pour notre âme et notre corps.  Alors transfigurés par son amour nous pourrons rayonner de sa tendresse au milieu de tous nos frères humains.

Philippe Henne