LA CRISE ET L'EXIGENCE DE CONVERSION !
Bruxelles, 7 déc 2008, fr Michel Van Aerde op
Veillez, nous dit Jésus ! Convertissez-vous, dit ce grand escogriffe de Jean baptiste, surgi dans le désert comme un bon sauvage, 100% écologique.
S'ils avaient prévu la crise financière, les banquiers de Fortis, Dexia, Lehman brothers et tant d'autres encore, auraient pris leurs précautions ! Et pourtant nous savons que ces gens là ne dorment pas, ils ont le nez sur les courbes, les pourcentages, ce qui monte et ce qui descend. Les riches sont toujours sur le qui vive, sinon, ils perdraient vite tout ce qu'ils ont. L'expression « veiller » ne doit donc pas être prise à la lettre, comme s'il fallait passer des nuits blanches à prier en attendant le retour du Christ. Veiller, c'est être attentif à l'essentiel.
Les grands financiers savaient bien que cela ne pouvait pas durer. Ils connaissaient la fragilité de leur système et pourtant ils ont été surpris. Une partie du réel leur échappait, la vraie vie était ailleurs. Se convertir, c'est lui donner la priorité.
N'y a-t-il pas un certain message de Dieu dans cette remise en cause forcée de notre train de vie, personnel mais aussi collectif, à l'échelle mondiale ? Le modèle de développement dont l'humanité s'était comme rendue prisonnière n'allait-il pas tout droit vers une catastrophe, écologique bien sûr mais aussi culturelle et finalement spirituelle. Le dogme du libéralisme radical suivant lequel il fallait laisser agir la « main invisible » du marché - une sorte de « providence » masquant la loi du plus fort - pour tout organiser, ce dogme s'est effondré. L'humanité doit prendre ses responsabilités, assumer sa liberté, les soit disant « lois économiques » ne sont pas une fatalité qui puisse nous terroriser. Veillez, nous dit Jésus, regardez, observez la nouveauté, analysez-la et adaptez-vous aux imprévus. Convertissez-vous, dit Jean Baptiste, apprenez à vivre de peu pour être plus heureux !
Nous vivons un moment très particulier où tout semble suspendu. Les choses vont changer sans que l'on sache précisément comment, ni vers où. La crise ne fait que commencer, nous en avons ressenti les premières secousses mais d'autres vont suivre, sur des plans plus profonds. Nous entrons dans une ère de bouleversements. C'est un moment charnière, « un temps favorable » comme dit la Bible, un temps de conversion et de renouveau. Rien ne sera jamais plus comme avant.
Dans ce grand basculement comment les chrétiens vont-ils se situer ? Qu'avons-nous à vivre ? Qu'avons-nous à dire ? De quoi témoigner ? Qu'allons-nous communiquer à la petite Marie Victoria qui va être baptisée ? Elle symbolise la mondialisation : ses parents viennent de deux continents différents et vivent avec elle dans un troisième !
Nous sommes au c½ur d'une crise financière, une crise fiduciaire, comme on dit, c'est-à-dire une crise de confiance. « Fiduciaire », confiance, c'est la même racine que le mot « foi ». En quoi peut-on se confier ? En qui peut-on mettre sa foi ? On doute des crédits, on doute de la réciprocité dans les prêts, on doute de l'autre, on doute de l'avenir. On doute de la vie et, en même temps, et c'est le côté positif des crises, on est obligé de réagir ensemble, solidairement, comme pays, comme pays européens, et finalement comme pays d'un monde globalisé.
Jamais autant qu'aujourd'hui, l'humanité n'a été obligée à s'unifier pour faire des choix, pour prendre des mesures, pour décider d'une route à suivre. Jamais autant qu'aujourd'hui, l'humanité n'a été aussi responsable de son propre avenir commun.
La crise est profonde et va bien au-delà des questions d'argent. C'est véritablement une crise de civilisation. Notre train de vie se réduit et notre mode de vie est différent. Réduit parce que la richesse a diminué de 30%, et différent parce qu'il faut découvrir d'autres richesses : un autre rapport à la nature (et le pape Benoît insiste toujours sur les lois naturelles), un autre rapport à l'autre, un autre rapport à Dieu, une autre convivialité, une autre spiritualité.
Pouvons-nous dire, comme chrétiens, que nous y voyons la présence de Dieu ? Un message de Dieu, inscrit dans ces grands changements de l'histoire, de la société et de notre mode de vie ? Dieu aurait-il besoin, pour être entendu, d'apparaître sur les écrans ou d'hurler à la radio ? Il se dit tout simplement dans la cohérence du réel, dans les chemins possibles de la vie, de l'amour, et de la vraie joie.
Il y a un message de vie et de bonheur qui se dit dans l'Evangile. Le mettre en pratique, c'est choisir la vie et l'avenir possible : le « développement durable », les vraies solidarités, les vraies sécurités. Mais les béatitudes supposent bien des conversions ! L'évidence de leur vérité apparaît de plus en plus au fur et à mesure de notre développement. Impossible d'utiliser les armes, elles sont si puissantes que nous serions tous détruits : nous sommes conduits à la négociation comme seul chemin d'avenir. Impossible de spéculer sans contrôle, les baudruches financières se dégonflent. Impossible de consommer sans limite, les ressources de la planète s'épuisent et elle se réchauffe trop. Nous devons inventer d'autres moyens de nous déplacer pour ne pas toujours mobiliser plusieurs tonnes de ferraille pour transporter 80 kilos !
Nous redécouvrons la vérité de cette frugalité heureuse dont nous parle toujours l'Evangile. Le bonheur, le royaume de Dieu est en nous, au milieu de nous et il y a plus de joie dans quelques tartines partagées que dans beaucoup de banquets où chacun regarde l'autre avec jalousie, parce qu'il y a toujours plus beau, plus riche, mieux habillé ! Il y a même quelque chose d'inouï que nous découvrons ces jours-ci : sous peine de voir tout le système se bloquer, il nous faut donner aux banquiers et leur remettre leurs dettes, leur pardonner puisqu'ils ont eux-mêmes prêté à des gens qui ne leur rendront jamais !!!
La crise dans laquelle nous entrons va être celle de l'espérance et du sens de la vie. Un doute profond en l'économie, en possibilité de vivre en société, un doute vis à vis de l'avenir... Les chrétiens, comme la petite Marie Victoria devront être des hommes et des femmes de foi. Témoins de la douceur de Marie et de la victoire du Christ, de l'espérance du Magnificat où l'on voit les riches les mains vides et les pauvres rassasiés. Comme Maria Victoria, ils devront être les témoins de la victoire de l'amour, la victoire de la vérité, la victoire de la vie, dans la résurrection de Jésus.
Ils devront être des hommes et des femmes de foi, de confiance, d'invention, de création. A chaque génération sa vocation ! Ce sont des chrétiens, Galtieri, Schuman, Monnet... qui, au lendemain des guerres mondiales, ont inventé l'Europe pour en incarner l'idée contre toutes les résistances, en ouvrir les chemins. Qu'allons-nous inventer, au niveau où nous sommes chacun, dans ces années qui commencent et où tout va changer ? Nous le devons pour nous-mêmes, nous le devons pour ceux qui commencent dans la vie. Voici Marie Victoria qui nous y appelle. Nous allons la baptiser, c'est-à-dire plonger dans la foi de l'Eglise, dans la passion-ressuscitante de Jésus-Christ, dans l'amour vainqueur du Dieu vivant, Père, Fils et Saint Esprit !