Une expression de la langue française pourrait, a elle seule, resumer l'essentiel de la page d'evangile que nous venons d'entendre : « suivez mon regard ! » en effet, deux verbes reviennent a plusieurs moments : « regarder » et « voir ». Jean baptiste pose son regard sur jesus et son regard encourage ses disciples a suivre jesus et a voir ou il demeure. De meme, jesus pose son regard sur simon-pierre. Une rencontre marquante dans la vie de jean et de ses disciples et qui passe par un echange de regards. « suivez mon regard », semble dire jean le baptiste a ses disciples. Ne me suivez plus mais suivez mon regard, c'est-a-dire celui que je regarde, l' « agneau de dieu ». « suis mon regard », dit jesus a simon et tu decouvriras qui tu es vraiment, « pierre », celui sur qui plus tard reposeront ceux qui croiront.
Jesus pose un regard et qui est egalement une invitation a le suivre. Il ne s'agit pas d'une injonction, d'un ordre ou d'une obligation. Juste un regard pose, ou mieux encore depose au creux du c½ur. Un regard depose n'a d'autre force que son silence ; mais ce silence est plus communicatif que n'importe quel discours : « suis mon regard ! » nous avons tous connu, je l'espere, cette palpitation du c½ur qui nait quand quelqu'un a pose, un jour, son regard sur nous. Tout a coup, comme pierre, nous nous sommes decouverts a notre propre verite : « je suis regarde, donc j'existe » nous n'existons qu'en raison d'un regard pose sur nous, depose en nous. Un regard nous met toujours a nu, du moins si nos visages ne se masquent pas dans la rencontre. C'est d'ailleurs pourquoi nous nous sentons obliges de porter des masques : masques de carnaval quand la superficialite et l'ironie empechent la verite de la rencontre ; masques mortuaires quand nous ne sommes pas presents a nous-memes et a l'autre, etc. Mais quand un regard est pose sur nous, bas les masques ! Nous sommes toujours mis a nu par un regard. Et cette nudite est le commencement d'une relation, d'un nouveau depart, d'une nouvelle vie, d'une nouvelle direction : « suivez mon regard ! »
La page d'evangile de ce jour est l'histoire inversee d'une autre page de la bible, au tout debut, dans le livre de la genese. Un homme et une femme ne peuvent plus se voir : adam et eve. Apres avoir mange du fruit de l'arbre, ne peuvent plus poser un regard juste sur eux-memes : ils se cachent d'eux-memes, de l'autre et de dieu. Leur peche est justement de ne plus pouvoir poser un regard vrai : ils sont obliges de s'accuser l'un a l'autre. Ils portent un masque. Et dieu, nous dit le livre de la genese, « se promenait dans le jardin a la brise du jour, tandis que l'homme et sa femme se cachaient devant le seigneur dieu parmi les arbres du jardin. Le seigneur dieu appela l'homme : « ou es-tu ? » dit-il. « j'ai entendu ton pas dans le jardin, repondit l'homme : j'ai eu peur parce que je suis nu et je me suis cache ».
Dieu ne se lasse pas de se promener a la recherche de l'homme. Bien plus tard, le voici a nouveau. Pour mieux poser son regard sur l'homme, il a pris visage d'homme et voila jesus qui, nous dit jean, « va et vient » ; il se promene comme jadis dieu dans le jardin. A son regard, cette foi-ci, l'homme ne se derobe pas : les disciples de jean suivent le regard de jesus et demeurent avec lui. L'homme peut a nouveau se sentir bien avec dieu, supporter son regard et vivre avec lui. Un nouveau commencement dans l'histoire humaine. Un peu comme quand nos vies prennent un nouveau depart grace a un regard.
Aujourd'hui, dieu nous redit a chacun de nous : « suivez mon regard ! N'ayez pas peur de mon regard pose sur vous » pourquoi avez-vous peur de dieu ? Pourquoi avoir peur les uns des autres ? Pourquoi ces masques et ces faux-fuyants ? Un miracle est toujours possible : il suffit de savoir regarder, il suffit de savoir poser un regard.
« suivez mon regard ! »
2e dimanche ordinaire, année B
- Auteur: Collin Dominique
- Temps liturgique: Temps ordinaire
- Année liturgique : B
- Année: 2005-2006